Ceux que je préfère ici décevoir, ce sont les raffinés.

PÉGUY

Certains fervents s’étonneront, s’indigneront peut-être, de ne voir aucun morceau de Péguy figurer dans cette anthologie. Il faut donc que je m’en explique : si grande que soit mon admiration pour la figure de Péguy, pour maintes pages de son œuvre en prose, pour l’injustice de ses pamphlets où respire me passion si authentique, pour les incomparables dialogues de sa Jeanne d’Arc avec Hauviette et avec Madame Gervaise — je range ses alexandrins en général, et en particulier ceux de son Eve si souvent cités et si opportunément loués, parmi les plus mauvais qui jamais aient été bâclés dans aucune langue. La Foi les dicte : il faut la Foi pour les goûter. Les proposer à l’admiration, c'est inviter à croire que l’excellence du sentiment suffit, qui les inspire ; à croire que la conviction fait l’artiste. En dépit de la culture, du goût, de l’art, c’est souscrire à la barbarie.

Et lorsque ses vers seraient meilleurs, ceci me retiendrait encore de les citer : entre tant de strophes (d’Eve en particulier) qui se suivent équivalentes, avec seulement quelques mots changés, comment oser un choix que Péguy se refuse à faire. C’est cette répétition même sur laquelle il compte ; par laquelle il obtient un effet hypnotique de litanie où la dévotion se complaise.

Ainsi l’enfant dormait dans son premier sommeil

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . berceau

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