FIRST BOOK PUBLICATION.
© 1922, EDGAR RICE BURROUGHS.
© 1966, CLUB DU LIVRE D’ANTICIPATION. AGENCE MAURICE RENAULT.
PROLOGUE
AVANT tout, veuillez vous persuader que je n’attends pas de vous que vous ajoutiez foi à cette histoire. Cet exorde n’aurait rien pour vous étonner s’il vous était arrivé d’assister à une récente mésaventure dont je fus le douteux héros ; cuirassé de candeur naïve et d’ignorance abyssale, j’en avais gaiement narré la substance à un distingué Membre de la Société Royale de Géologie, à l’occasion de mon dernier voyage à Londres.
À voir la tête de mon interlocuteur, vous auriez pu croire que j’avais été pris en flagrant délit, dans l’accomplissement d’un crime abject tel que le vol des Joyaux de la Couronne dans la Tour de Londres, ou le geste de déposer une forte dose de poison dans le café de Sa Majesté le Roi.
Le distingué érudit auquel je faisais mes confidences, se transforma en bloc de glace avant même que je n’eusse atteint la moitié de mon récit – ce fut d’ailleurs cette seule circonstance qui le sauva de l’explosion – et tous mes espoirs de devenir un jour Membre Honoraire de cette savante société, de me voir décerner médailles d’or et niche réservée dans le Panthéon de la Gloire, se dissipèrent à jamais dans l’air tenu et réfrigéré de son accueil.
Pour mon compte personnel, je crois fermement à cette histoire, comme vous le feriez vous-même et comme l’eût fait, sans aucun doute, le très Savant Membre de la Société Royale de Géologie, l’eussiez-vous, l’un et l’autre, recueillie des lèvres mêmes de mon narrateur. Eussiez-vous, comme moi, vu briller le feu de la vérité dans ses yeux gris, entendu l’indiscutable accent de sincérité qui rayonnait de sa voix calme, ressenti le pathétique intense de la situation, que vous n’auriez pu faire autrement que de croire, vous aussi. Il n’eût même pas été nécessaire de mettre sous vos yeux la preuve matérielle, la pièce à conviction – l’étrange créature rappelant le rhamphorrhynque fossile – qu’il avait ramenée de son expédition souterraine et qu’il a soumise à mon examen.
Je suis tombé sur lui soudainement et par le plus grand des hasards, à la limite du grand désert du Sahara. Il se tenait debout devant une tente en peaux de chèvre, dans un bouquet de palmiers dattiers, à l’intérieur d’une petite oasis. Non loin de là se trouvait un douar arabe fort de quelque huit ou dix tentes.
J’étais descendu du nord pour chasser le lion. Mon équipe se composait d’une douzaine d’enfants du désert. J’étais le seul « blanc », terme dont on se sert communément pour désigner un individu participant de la civilisation occidentale, les Arabes étant également de race blanche. En approchant du petit bouquet de verdure, je vis l’homme sortir de sa tente, la main en visière, et nous scruter attentivement. En m’apercevant, il s’avança rapidement à notre rencontre.
— « Un blanc ! » s’écria-t-il. « Dieu soit loué ! Voilà des heures que je vous observe, espérant contre tout espoir que cette fois j’aurais affaire à un blanc. Dites-moi la date d’aujourd’hui. En quelle année sommes-nous ? »
Lorsque je lui eus donné le renseignement, il trébucha comme s’il avait reçu un coup de poing en pleine figure, si bien qu’il dut se cramponner à la courroie de mon étrier pour ne pas tomber.
— « C’est impossible ! » s’écria-t-il au bout d’un instant. « C’est impossible ! Dites-moi que vous vous trompez ou que vous voulez simplement plaisanter. »
— « C’est la stricte vérité, mon ami, » répliquai-je. « Pourquoi tromperais-je un étranger, ou essaierais-je de l’induire en erreur sur une simple question de date ? »
Il demeura quelques instants silencieux, la tête inclinée sur la poitrine.
— « Dix ans ! » murmura-t-il enfin. « Dix ans, et moi qui m’imaginais qu’une année tout au plus se serait écoulée ! » La nuit même, il me raconta son histoire que je vous rapporte ici aussi fidèlement que ma mémoire me le permet.
CHAPITRE I
VERS LES FEUX ÉTERNELS
JE suis né dans le Connecticut, il y a environ trente ans.
Mon nom est David Innes. Mon père était un riche propriétaire de mine. Il mourut lorsque j’atteignis ma dix-neuvième année. Toutes ses possessions devaient devenir ma propriété, sitôt que j’aurais atteint ma majorité – à condition que j’aie consacré ces deux années à la grande entreprise dont je devais hériter.
Je fis de mon mieux pour accomplir les dernières volontés de l’auteur de mes jours – non point à cause de l’héritage, mais parce que j’aimais et j’honorais mon père. Six mois durant, je peinai dans les mines et les bureaux, car je voulais connaître le métier dans ses moindres détails.
À ce moment, Perry éveilla mon intérêt pour son invention. C’était un vieil homme qui avait consacré la plus grande partie d’une longue existence à mettre au point et perfectionner un prospecteur souterrain. Il occupait ses heures de loisir à l’étude de la paléontologie. J’examinai ses plans, prêtai une oreille attentive à ses arguments, vis fonctionner sa maquette et, finalement convaincu, je mis à sa disposition les fonds nécessaires pour la construction d’un prospecteur pratique, de dimensions normales.
Je n’entrerai pas dans les détails de cette construction – l’engin repose à présent dans le désert, à quelque trois kilomètres d’ici. Si la chose vous intéresse, vous pourrez y faire un saut à cheval et l’examiner à votre aise. En gros, c’est un cylindre d’acier d’une trentaine de mètres de long, et articulé de telle façon qu’il puisse, si besoin est, entrer en rotation et se forer un passage en pleine roche. À l’une des extrémités se trouve une fraise tournante entraînée par un moteur dont la puissance volumétrique est environ mille cinq cents fois plus importante que celle de tout autre moteur. Il prétendait, je m’en souviens encore, que cette seule invention suffirait à nous rendre fabuleusement riches – nous avions l’intention de la rendre publique, lorsque notre première randonnée d’essai serait heureusement terminée – mais Perry n’en est jamais revenu et moi je ne reparais qu’au bout de dix ans.
Je me souviens encore, comme si c’était hier, de la nuit où nous devions éprouver dans la réalité concrète les qualités de cette sensationnelle invention. Il était près de minuit lorsque nous nous rendîmes dans la tour élevée ou Perry avait construit sa « taupe de fer », comme il avait pris l’habitude de l’appeler. Le grand mufle de l’appareil reposait à même le sol nu.
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