Tupman.

—Avancez! disait le cocher, lançant dans l'espace une multitude de coups de poings préparatoires. Avancez tous les quatre!

—En voilà une bonne! s'écrièrent une demi-douzaine d'autres cochers: A la besogne, John! et ils se rangèrent en cercle avec une grande satisfaction.

—Qu'est-ce qu'y a, John? demanda un gentleman, porteur de manches de calicot noir.

—Ce qu'y a! répliqua le cocher. Ce vieux a pris mon numéro!

—Je n'ai pas pris votre numéro, dit M. Pickwick d'un ton indigné.

—Pourquoi l'avez-vous noté, alors? demanda le cocher.

—Je ne l'ai pas noté! s'écria M. Pickwick, avec indignation.

—Croiriez-vous, continua le cocher, en s'adressant à la foule; croiriez-vous que ce mouchard-là monte dans mon cabriolet, prend mon numéro, et couche sur le papier chaque parole que j'ai dite?» (Le mémorandum revint comme un trait de lumière dans la mémoire de M. Pickwick.)

«Il a fait ça? cria un autre cocher.

—Oui, il a fait ça. Après m'avoir induit par ses vexations à l'attaquer, voilà qu'il a trois témoins tout prêts pour déposer contre moi. Mais il me le payera, quand je devrais en avoir pour six mois! Avancez donc.» Et dans son exaspération, avec un dédain superbe pour ses propres effets, le cocher lança son chapeau sur le pavé, fit sauter les lunettes de M. Pickwick, envoya un coup de poing sous le nez de M. Pickwick, un autre coup de poing dans la poitrine de M. Pickwick, un troisième dans l'œil de M. Snodgrass, un quatrième pour varier dans le gilet de M. Tupman; puis s'en alla d'un saut au milieu de la rue, puis revint sur le trottoir, et finalement enleva à M. Winkle le peu d'air respirable que renfermaient momentanément ses poumons, le tout en une douzaine de secondes.

«Où y a-t-il un constable? dit M. Snodgrass.

—Mettez-les sous la pompe, suggéra un marchand de pâtés chauds.

—Vous me le payerez, dit M. Pickwick respirant avec difficulté.

—Mouchards! crièrent quelques voix dans la foule.

—Avancez donc, beugla le cocher, qui pendant ce temps avait continué de lancer des coups de poings dans le vide.»

Jusqu'alors la populace avait contemplé passivement cette scène; mais le bruit que les pickwickiens étaient des mouchards s'étant répandu de proche en proche, les assistants commencèrent à discuter avec beaucoup de chaleur s'il ne conviendrait pas de suivre la proposition de l'irascible marchand de pâtés. On ne peut dire à quelles voies de fait ils se seraient portés, si l'intervention d'un nouvel arrivant n'avait terminé inopinément la bagarre.

«Qu'est-ce qu'il y a? demanda un grand jeune homme effilé, revêtu d'un habit vert, et qui sortait du bureau des voitures.

—Mouchards! hurla de nouveau la foule.

—C'est faux! cria M. Pickwick avec un accent qui devait convaincre tout auditeur exempt de préjugés.

—Bien vrai? bien vrai?» demanda le jeune homme, en se faisant passage à travers la multitude, par l'infaillible procédé qui consiste à donner des coups de coude à droite et à gauche.

M. Pickwick, en quelques phrases précipitées, lui expliqua le véritable état des choses.

«S'il en est ainsi, venez avec moi, dit l'habit vert, entraînant l'homme illustre et parlant tout le long du chemin. Ici, n° 924, prenez le prix de votre course, et allez vous-en. Respectable gentleman, je réponds de lui. Pas de sottises. Par ici, monsieur. Où sont vos amis? Erreur à ce que je vois. N'importe. Des accidents. Ça arrive à tout le monde. Courage! on n'en meurt pas; il faut faire contre fortune bon cœur. Citez-le devant le commissaire; qu'il mette cela dans sa poche si cela lui va. Damnés coquins! et débitant avec une volubilité extraordinaire un long chapelet de sentences semblables, l'étranger introduisit M.