Dans quelques jours, les soupçons détruits, les vieilles gens déroutés, elle couronnera votre bonheur.

—Vous n'avez pas d'autre message?

—L'amour, le plus tendre amour, les plus doux sentiments, une affection inaltérable. Puis-je dire quelque chose pour vous?

—Mon cher, répondit l'innocent M. Tupman en serrant chaleureusement la main de son ami, portez-lui mes plus vives tendresses. Dites-lui combien j'ai de peine à dissimuler. Dites tout ce qu'on peut dire d'aimable; mais ajoutez que je reconnais la nécessité du rôle qu'elle m'a imposé ce matin par votre conseil. Dites que j'applaudis à sa sagesse et que j'admire sa discrétion.

—Je le lui dirai. Est-ce tout?

—Oui. Ajoutez seulement que je soupire ardemment après l'époque où elle m'appartiendra, où toute dissimulation deviendra inutile.

—Certainement, certainement. Est-ce tout?

—Oh! mon ami! dit le pauvre M. Tupman en pressant de nouveau la main de son compagnon, oh! mon ami, recevez mes remercîments les plus sincères pour votre bonté désintéressée, et pardonnez-moi si, même en imagination, je vous ai jamais fait l'injustice de supposer que vous pourriez me nuire. Mon cher ami, pourrai-je jamais reconnaître un tel service?

—Ne parlez pas de ça, répliqua M. Jingle, ne par....»

Et il s'interrompit, comme s'il s'était rappelé tout d'un coup quelque chose.

«A propos, reprit-il, vous ne pourriez pas me prêter dix guinées, hein? Affaire très-urgente. Vous rendrai ça dans trois jours.

—Je crois que je puis vous obliger, répondit M. Tupman dans la plénitude de son cœur. Dans trois jours, dites-vous?

—Rien que trois jours; tout fini, alors, plus de difficultés.»

M. Tupman compta les dix guinées dans la main de son compagnon, et celui-ci les insinua dans son gousset, pièce par pièce, tout en regagnant la maison.

«Attention! dit M. Jingle, pas un regard.

—Pas un coup d'œil, repartit M. Tupman.

—Pas un mot!

—Pas une syllabe.

—Toutes vos cajoleries pour la nièce; plutôt brutal qu'autre chose envers la tante, seul moyen de tromper les envieux....

—Je ne m'oublierai pas, répondit tout haut M. Tupman.

—Et je ne m'oublierai pas non plus,» dit tout bas M. Jingle.

Ils entraient alors dans la maison.

La scène du dîner fut répétée le soir même et pendant trois autres dîners et trois soirées subséquentes. Le quatrième soir, le vieux Wardle paraissait fort satisfait, car il s'était convaincu que M. Tupman avait été faussement accusé; celui-ci était également joyeux, car M. Jingle lui avait dit que son affaire serait bientôt terminée; M. Pickwick se trouvait très-heureux, car c'était son état habituel; M. Snodgrass ne l'était pas, car il devenait jaloux de M. Tupman; la vieille lady était de fort bonne humeur, car elle gagnait au whist; enfin M. Jingle et miss Wardle étaient enchantés, pour des raisons tellement importantes dans cette véridiques histoire, qu'elles seront racontées dans un autre chapitre.


CHAPITRE IX.

La découverte et la poursuite.


Le souper était servi, les chaises étaient placées autour de la table; des bouteilles, des pots et des verres étaient rangés sur le buffet; tout enfin annonçait l'approche du moment le plus sociable des vingt-quatre heures, c'est-à-dire le moment du souper.

«Où est Rachel? demanda M. Wardle.

—Et Jingle, ajouta M. Pickwick.

—Tiens! reprit son hôte, comment ne nous sommes-nous pas aperçus plus tôt de son absence? Il y a au moins deux heures que je n'ai entendu sa voix. Émily, ma chère, tirez la sonnette.»

La sonnette retentit et le gros joufflu parut.

«Où est miss Rachel?»

Il n'en savait rien.

—Où est M.