Mais ce fut bien mieux encore, ce fut un véritable enthousiasme, quand le vieux Wardle et Benjamin Allen, assistés par ledit Bob, accomplirent nombre de figures et d'évolutions mystiques.

Pendant tout ce temps, M. Winkle, dont le visage et les mains étaient bleus de froid, s'occupait à mettre ses patins avec la pointe par derrière et à emmêler les courroies de la manière la plus compliquée. Il avait été aidé dans cette opération par M. Snodgrass, qui se connaissait en patins à peu près aussi bien qu'un Hindou; néanmoins, grâce à l'assistance de Sam, les malheureux patins furent serrés assez solidement pour engourdir les pieds du patient, et il fut enfin levé sur ses jambes.

«Voila, monsieur, lui dit Sam, d'un ton encourageant; en route, à cette heure, et montrez-leur comme il faut s'y prendre.

—Attendez, attendez! cria M. Winkle, qui tremblait violemment et qui avait saisi Sam avec la vigueur convulsive d'un noyé. Comme c'est glissant, Sam!

—La glace est presque toujours comme ça. Tenez-vous donc, monsieur.»

Cette dernière exhortation était inspirée à Sam par un brusque mouvement du patineur, qui semblait avoir un désir frénétique de lever ses pieds vers le ciel et de briser la glace avec le derrière de sa tête.

«Voilà... voilà des patins bien peu solides; n'est-ce pas, Sam? balbutia M. Winkle, en trébuchant.

—Je crois plutôt, répliqua l'autre, que c'est le gentleman qui est dedans qui n'est pas solide.

—Eh bien! Winkle! cria M. Pickwick, tout à fait ignorant de ce qui se passait, venez donc; ces dames vous attendent avec impatience.

—Oui, oui, répondit l'infortuné jeune homme, avec un sourire qui faisait mal à voir; oui, oui, j'y vais à l'instant.

—Voilà que ça va commencer! dit Sam en cherchant à se dégager. Allons, monsieur, en route!

—Attendez un moment, Sam, murmura M. Winkle, en s'attachant à son soutien avec l'affection du lierre pour l'ormeau. Je me rappelle maintenant que j'ai à la maison deux habits qui ne me servent plus; je vous les donnerai, Sam.

—Merci, monsieur.

—Inutile de toucher votre chapeau, Sam, reprit vivement M. Winkle; ne me lâchez pas!... Je voulais vous donner cinq shillings, ce matin, pour vos étrennes de Noël, mais vous les aurez cette après-midi, Sam.

—Vous êtes bien bon, monsieur.

—Tenez-moi d'abord un peu, Sam. Voulez-vous? Là... c'est cela. Je m'y habituerai promptement. Pas trop vite! pas trop vite! Sam!»

M. Winkle, penché en avant, et le corps presque en deux, était soutenu par Sam, et s'avançait sur la glace d'une manière singulière, mais très-peu aérienne, lorsque M. Pickwick cria, fort innocemment, du bord opposé:

«Sam!

—Monsieur!

—Venez ici, j'ai besoin de vous.

—Lâchez-moi, monsieur! Est-ce que vous n'entendez pas mon maître, qui m'appelle? Lâchez-moi donc, monsieur!»

En parlant ainsi, Sam se dégagea par un violent effort, des mains du malheureux M. Winkle et lui communiqua en même temps une vitesse considérable. Aussi, avec une précision qu'aucune habileté n'aurait pu surpasser, l'infortuné patineur arriva-t-il rapidement au milieu de ses trois confrères, au moment même où M. Bob Sawyer accomplissait une figure d'une beauté sans pareille; M. Winkle se heurta violemment contre lui, et tous les deux tombèrent sur la glace avec un grand fracas. M. Pickwick accourut. Quand il arriva sur la place, Bob Sawyer était déjà relevé, mais M. Winkle était trop prudent pour en faire autant, avec des patins aux pieds. Il était assis sur la glace et faisait des efforts convulsifs pour sourire, tandis que chaque trait de son visage exprimait l'angoisse la plus profonde.

«Êtes-vous blessé? demanda anxieusement Ben Allen.

—Pas beaucoup, répondit M.