Relève et départ pour Pintheville où nous occupons notre cave.

Dimanche [lundi] 28 [décembre]

Journée et nuit calmes. Colis de la femme de Lucien [34]. Je me débarbouille. Nous partons à 5 h poser des réseaux à Riaville. La nuit n’est pas sombre – ½ clair de lune. À Riaville, 20 hommes suffisent au travail et je conduis le reste faire la pause dans une grange. La relève à 8 h seulement. Causette dans la cuisine de Billet. Ce soir la mauvaise tranchée – la relève est calme, les mitrailleuses ont craché une heure avant. Le canon a tonné violemment tout le jour. Nous arrivons. Installés sur des claies avec la 13e et la 14e qui fournit les p[eti]ts postes en avant – nous commençons par essuyer une terrible averse, grêle, giboulées, qui nous glace jusqu’aux os – après, nuit presque calme, de la lune et du vent et les rafales de mitrailleuses et le canon des Éparges.

Lundi [mardi] 29 [décembre]

La section se replie et je reste avec la 15e dans le bout de tranchée fortifiée avec parapet de boucliers. J’ai un abri : claie isolatrice et paille. Je dors après avoir fait un excellent repas de saucisson et de beurre. Le soir clair de lune et feux de mitrailleuses un peu avant la relève qui n’a lieu qu’à 8 h ½ – il fait froid et nous piétinons dans la boue glacée – enfin départ pas trop lent par petits paquets jusqu’à l’entrée de P 2 [35] – la lune se voile. Rentrée à Manheulles. Les hommes ont une grange infecte (paille pourrie) ouverte à tous les vents, pas d’échelle pour monter au 1er. Heureusement que nous avons une petite cave assez confortable. L’odeur du fumier monte.

Mardi [mercredi] 30 [décembre]

Aujourd’hui, Simon Croux le [illisible] rentre emm… pour la vaccination antityphique – je suis fortement enrhumé et ne peux plus parler. Le soir je bois un lait bouillant et me colle sur la poitrine un morceau d’ouate hydrophile – Ferret sans façon invite Croux à partager notre cave où nous sommes déjà à l’étroit – manque de tact de l’un qui ne nous a pas consultés et de l’autre qui prend toute la paille. Bon sommeil malgré tout. Dans la journée nous avons été bombardés par les 77. Une poutre coupée par un obus dans la maison du capitaine. Il gèle.

Mercredi [jeudi] 31 [décembre]

Oudin qui ne peut pas voir Croux le lui fait sentir. Ferret manque totalement de tact quoique plein de coeur : il donnerait tout… ce qui n’est pas à lui – pas de bombardement – dégel – j’ai écrit quelques lettres. Le soir allocution du capitaine qui rappelle les noms des soldats de la Cie morts depuis le début de la campagne – émotion de tous – vaccination aux chandelles – le soir, champagne offert par le capitaine – gaîté de tous, chansons amendes – le canon a tonné dur dans la journée et vers le milieu de la nuit. Il pleut – distribution de 150 frs aux soldats des rég[ions] annexées.

Jeudi [vendredi] 1er janvier [1915]

Les souhaits dans la cour et à la cuisine aux camarades – visite au capitaine qui est très touché – ce petit voyou de Dufour, un des plus mauvais soldats de la section s’en va réclamer parce qu’il n’a rien eu et a le culot de me dire en revenant : « Oui, vous avez dit que j’étais un râleur, eh bien moi aussi j’ai dit au capitaine tout ce que je pouvais contre vous. » Aucune importance – j’ai prévenu Legouis au sujet de Dufour – souhaits à Legouis – souhaits aux hommes, à quelques-uns – légère attrapade avec Ferret qui a déclaré qu’il n’était pas de notre caste. Après le repas de midi, juste au moment du café, le bombardement commence. 3 territoriaux blessés à la gare et un tué. Nous gagnons notre cave où nous nous endormons cependant que pleuvent les marmites.