Je voulais aussi ramasser des fruits, des noix et un tubercule qui pousse presque partout sur Amtor et qui est très agréable au goût et nutritif – agréable même quand on le mange cru.

Je découvris une plaine qui s’étalait sur plusieurs kilomètres derrière le Fleuve de la Mort. Elle était bordée d’une forêt sur un côté, et une petite rivière la traversait pour aller se jeter dans une rivière plus grande qui descendait des montagnes à l’est. J’atterris près de la forêt dans l’espoir de trouver les fruits et les noix que je désirais, et je ne fus pas déçu. Après les avoir récoltés, je chargeai un peu de bois de chauffage dans le cockpit arrière et je roulai jusqu’au bord de la petite rivière. Là, nous étions en terrain découvert, d’où nous pouvions voir les alentours dans toutes les directions et où nous ne risquions donc pas d’être surpris par des hommes ou par des bêtes. J’allumai un feu et cuisis notre viande tandis que Duare montait la garde. J’emplis aussi le réservoir d’eau dont j’avais équipé l’appareil lors de sa construction. Nous avions à présent assez de nourriture et d’eau pour plusieurs jours et, avec des âmes d’explorateurs, nous nous envolâmes vers la mer, dépassant le grand delta du Fleuve de la Mort, un fleuve qui devait rivaliser avec l’Amazone.

Dès le début, Duare s’était vivement intéressée au pilotage de l’appareil. Je lui avais expliqué la fonction et le maniement des commandes, mais elle n’avait pas véritablement piloté. À présentée la laissai essayer, car je savais qu’elle devait apprendre à voler pour le cas où nous resterions en l’air pendant de longues périodes, ainsi que ce serait nécessaire pour un vol transocéanique. J’aurais besoin de dormir, et cela ne serait possible dans les airs que si Duare pouvait piloter l’appareil. Eh bien, piloter un avion dans des conditions météorologiques normales n’est pas même aussi difficile que marcher ; et donc il ne fallut que quelques minutes pour la mettre en confiance et la familiariser un peu avec l’appareil. Je savais que la pratique lui apporterait de la dextérité et je la laissai voler à une altitude qui me permettrait de venir à son aide si elle avait des ennuis.

Nous volâmes toute la nuit, avec Duare aux commandes un tiers du temps, et lorsque l’aube se leva j’aperçus une terre. Aussi loin que portait mon regard à l’est et à l’ouest les troncs et le feuillage d’arbres géants s’élevaient à des centaines de mètres pour disparaître dans l’enveloppe nuageuse interne qui flotte éternellement sur toute la surface d’Amtor, seconde défense après l’enveloppe nuageuse externe contre la chaleur intense du soleil, qui autrement calcinerait la surface de la planète.

— Ce paysage a l’air familier, dis-je à Duare lorsqu’elle se réveilla.

— Que veux-tu dire ? demanda-t-elle.

— Je crois que c’est Vépaja. Nous allons longer la côte et, si j’ai raison, nous verrons le port naturel où le Sofal et le Sovong étaient ancrés le jour où tu as été enlevée et où Kamlot et moi avons été capturés par les klangan. Je suis certain que je le reconnaîtrai.

Duare ne dit rien. Elle resta longtemps silencieuse tandis que nous volions le long de la côte. Bientôt je vis le port.

— Le voilà, dis-je. C’est Vépaja, Duare.

— Vépaja, fit-elle dans un souffle.

— Nous y sommes, Duare. Veux-tu rester ?

Elle secoua la tête.

— Pas sans toi.

Je me penchai vers elle et l’embrassai.

— Alors, où ? demandai-je.

— Oh, continuons tout droit. Une direction en vaut une autre.

L’appareil, à ce moment-là, volait environ deux degrés au nord-ouest. Et donc je gardai tout simplement ce cap. Le monde devant nous était absolument inconnu, en ce qui nous concernait. Et ce cap nous maintiendrait loin des régions antarctiques, en restant bien dans le nord de la zone tempérée sud. Cela semblait donc un cap aussi bon qu’un autre. Dans la direction opposée se trouvait la place forte des Thoristes, où nous ne pouvions espérer trouver que la captivité et la mort.

À mesure que la longue journée s’écoulait, seul l’océan sans limite s’étirait, monotone, devant nous. L’appareil fonctionnait à merveille. Il ne pouvait en être autrement puisque dans sa construction était entré ce que les plus grands esprits scientifiques de Havatoo avaient de mieux à offrir. La conception était de moi, car les avions étaient absolument inconnus à Havatoo avant mon arrivée ; mais le matériau, le moteur, le carburant étaient exclusivement amtoriens. Pour la solidité, la durabilité et la légèreté le premier serait impossible à reproduire sur Terre ; le moteur était une merveille d’ingéniosité, de compacité, de puissance et de longévité combinées à la légèreté ; et j’ai déjà décrit le carburant.