Peut-être parlaient-ils de moi. Les jeunes gens mentent donc ! Alors, je serais laide. Laide ! Thérèse l’est cependant davantage. Sûrement ils parlaient de Thérèse.
Georgette sourit et eut comme une tentation d’aller consulter son miroir.
– Puis, ajouta-t-elle, ils se sont moqués des dames qui étaient au bal. J’écoutais toujours, je finissais par ne plus comprendre. J’ai pensé qu’ils disaient de gros mots. Comme je ne pouvais m’éloigner, je me suis bravement bouché les oreilles.
Le carnet de danse était en pleine hilarité. Il se mit à débiter une foule de noms pour prouver à Georgette que Thérèse était bien la petite sotte enlaidie par un maintien trop modeste.
– Paul a des yeux bleus, dit-il. Certes, Paul n’est pas menteur, et je l’ai entendu te dire des paroles bien douces.
– Oui, oui, répéta Georgette, M. Paul a des yeux bleus, et M. Paul n’est pas menteur. Il a des moustaches blondes que je préfère beaucoup à celles de Charles.
– Ne me parle pas de Charles, reprit le carnet ; ses moustaches ne méritent pas le moindre sourire. Que penses-tu d’Édouard ? il est timide et n’ose parler que du regard. Je ne sais si tu comprends ce langage, Et Jules ? il n’y a que toi, assure-t-il, qui saches valser. Et Lucien, et Georges, et Albert ? tous te trouvent charmante et quêtent pendant de longues heures l’aumône de ton sourire.
Georgette se remit à compter les glands de la couverture. Le bavardage du carnet commençait à l’effrayer. Elle le sentait qui brûlait ses mains ; elle eût voulu le fermer et n’en avait pas le courage.
– Car tu étais reine, continua le démon. Tes dentelles se refusaient à cacher tes bras nus, ton front de seize ans faisait pâlir ta couronne. Ah ! ma Georgette, tu ne pouvais tout voir, sans cela tu aurais eu pitié. Les pauvres garçons sont bien malades à l’heure qu’il est !
Et il eut un silence plein de commisération. L’enfant qui l’écoutait, souriante, effarouchée, le voyant rester muet :
– Un nœud de ma robe était tombé, dit-elle. Sûrement cela me rendait laide. Les jeunes gens devaient se moquer en passant. Ces couturières ont si peu de soin !
– N’a-t-il pas dansé avec toi ? interrompit le carnet.
– Qui donc ? demanda Georgette, en rougissant si fort que ses épaules devinrent toutes roses.
Et, prononçant enfin un nom qu’elle avait depuis un quart d’heure sous les yeux, et que son cœur épelait, tandis que ses lèvres parlaient de robe déchirée :
– M. Edmond, dit-elle, m’a paru triste, hier soir. Je le voyais de loin me regarder. Comme il n’osait approcher, je me suis levée, je suis allée à lui. Il a bien été forcé de m’inviter.
– J’aime beaucoup M. Edmond, soupira le petit livre.
Georgette fit mine de ne pas entendre. Elle continua :
– En dansant, j’ai senti sa main trembler sur ma taille.
1 comment