Il avait parcouru peut-être plus d’un mile sous bois lorsqu’il fut surpris de voir luire une faible clarté à travers le feuillage à sa gauche. À cette vue, il sursauta, et son cœur se mit à battre si fort qu’il en perçut les pulsations.
— La vieille maison de Breede se trouve dans ces parages, se dit-il. Ceci doit être l’autre extrémité du sentier par où on y accède en venant de chez nous. Brrr ! qu’est-ce qu’une lumière peut bien faire là ? Je n’aime pas ça du tout.
Néanmoins, il poursuivit sa route. Un moment plus tard il débouchait dans une petite clairière, presque entièrement recouverte de ronces, où l’on voyait les restes d’une palissade pourrie. À quelques mètres de la piste, au milieu de la clairière, se dressait la maison où brillait la lumière à travers une fenêtre sans vitres. Le verre et les croisillons qui le soutenaient avaient depuis longtemps cédé sous le choc des projectiles jetés par des gamins aventureux, désireux de prouver à la fois leur courage et leur hostilité à l’égard du surnaturel : car la maison de Breede avait la mauvaise réputation d’être hantée. Peut-être n’en était-il rien ; mais même le sceptique le plus endurci ne pouvait nier qu’elle fût déserte, ce qui, dans les campagnes, est à peu près synonyme de hanté.
En regardant la faible et mystérieuse lumière qui brillait par la fenêtre brisée, l’enfant se rappela, non sans inquiétude, avoir participé de ses propres mains à cette œuvre de destruction. Naturellement, il éprouva un repentir d’autant plus violent qu’il était tardif et inefficace. Il s’attendait presque à un assaut de toutes les présences malignes, surnaturelles et immatérielles, qu’il avait offensées en aidant à démolir leur fenêtre et à troubler leur paix. Malgré tout, ce garçon opiniâtre, tremblant de tous ses membres, ne voulut pas battre en retraite. Le sang des « broussards », vigoureux et riche en fer, coulait dans ses veines. Deux générations seulement le séparaient des hommes qui avaient soumis les Indiens. Il se mit en route pour passer devant la maison.
Quand il parvint à sa hauteur, il jeta un coup d’œil à l’intérieur par l’encadrement vide de la fenêtre et vit un spectacle étrange et terrifiant : la silhouette d’un homme assis au milieu de la pièce, devant une table couverte de feuilles de papier éparses. Les coudes reposaient sur la table, les mains soutenaient la tête nue. À droite et à gauche, les doigts s’enfonçaient dans les cheveux. Le visage se détachait, blême, à la lueur d’une seule chandelle placée un peu de côté. La flamme éclairait ce côté du visage ; l’autre restait plongé dans une ombre dense. L’homme attachait son regard sur l’encadrement vide de la fenêtre, un regard fixe où un observateur plus âgé et plus maître de soi aurait pu discerner une vague appréhension, mais qui parut à l’enfant totalement privé d’âme. Il crut que l’homme était mort.
La situation était horrible mais fascinante. Le gamin suspendit sa fuite pour observer tous les détails de la scène. Il s’efforça d’apaiser les battements de son cœur en retenant son souffle jusqu’à ce qu’il fût à demi suffoqué. Tremblant de tout son corps, près de s’évanouir, il sentait qu’il était d’une pâleur mortelle. Malgré tout, il serra les dents et s’avança résolument vers la maison. Il n’avait aucune intention consciente, mais simplement le courage qu’inspire la terreur. Il passa son blême visage dans l’ouverture éclairée. À ce moment un cri étrange, rauque, strident, déchira le silence nocturne, – l’appel d’un chat-huant. L’homme se dressa d’un bond, renversant la table, éteignant la chandelle. L’enfant prit ses jambes à son cou.
La veille
— Bonjour, Colston. Tiens, ça tombe bien.
1 comment