Ce mot écrit à la tête d’un Air désigne le second, du lent au vite, des cinq principaux degrés de Mouvement distingués dans la Musique Italienne. (Voyez MOUVEMENT.) Adagio est un adverbe Italien qui signifie, à l’aise, posément, & c’est aussi de cette maniere qu’il faut battre la Mesure des Airs auxquels il s’applique.

Le mot Adagio se prend quelquefois substantivement, & s’applique par métaphore aux morceaux de Musique dont il détermine le mouvement: il en est de même des autres mots semblables. Ainsi, l’on dira: un Adagio de Tartini, un Andante de S. Martino, un Allegro de Locatelli, &c.

AFFETTUOSO, adj. pris adverbialement. Ce mot écrit à la tête d’un Air indique un mouvement moyen entre l’Andante & l’Adagio, & dans le caractere du Chant une expression affectueuse & douce.

AGOGE. Conduite. Une des subdivisions de l’ancienne Mélopée, [38] laquelle donne les regles de la marche du Chant par degrés alternativement conjoints ou disjoints, soit en montant, soit en descendant. (Voyez MÉLOPÉE.)

Martianus Cappella donne, après Aristide Quintilien, au mot Agogé, un autre sens que j’exposé au mot TIRADE.

AGREMENS DU CHANT. On appelle ainsi dans la Musique que Françoise certains tours de gosier & autres ornemens affectés aux Notes qui sont dans telle ou telle position, selon les regles prescrites par le goût du Chant. (Voyez GOUT DU CHANT.)

Les principaux de ces Agrémens sont: l’ACCENT, le COULE, le FLATTE, le MARTELLEMENT, la CADENCE PLEINE, la CADENCE BRISÉ & le PORT DE VOIX. (Voyez ces articles chacun en son lieu; & la Planche B. Figure 13.)

AIGU, adj. Se dit d’un Son perçant ou élevé par rapport à quelque autre Son. (Voyez SON.)

En ce sens, le mot Aigu est opposé au mot Grave. Plus les vibrations du corps sonore sont fréquentes, plus le Son est Aigu.

Les Sons considérés sous les rapports d’Aigus & de Graves sont le sujet de l’Harmonie. (Voyez HARMONIE, ACCORD.)

AJOUTÉE, ou Acquise, ou Surnuméraire, adj. pris substantivement. C’étoit dans la Musique Grecque la Corde ou le Son qu’ils appelloient PROSLAMBANOMENOS. (Voyez ce mot.)

Sixte ajoutée est une Sixte qu’on ajoute à l’Accord parfait, & de laquelle cet Accord ainsi augmenté prend le nom. (Voyez ACCORD & SIXTE.)

[39] AIR. Chant qu’on adapte aux paroles d’une Chanson, ou, d’une petite Piece de Poésie propre à être chantée, & par extension l’on appelle Air la Chanson même.

Dans les Opéra l’on donne le nom d’Airs à tous les Chants mesurés pour les distinguer du Récitatif, & généralement on appelle Air tout morceau complet de Musique vocale ou instrumentale formant un Chant, soit que ce morceau fasse lui seul une Piece entiere, soit qu’on puisse le détacher du tout dont il fait partie, & l’exécuter séparément.

Si le sujet ou le Chant est partagé en deux Parties, l’Air s’appelle Duo; si en trois, Trio, &c..

Saumaise croit que ce mot vient du Latin oera; & Burette est de son sentiment, quoique Ménage le combatte dans ses étymologies de la Langue Françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le Rhythme ainsi que les Grecs avoient les leurs; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres, se nommoient non-seulement numerus, mais encore aera, c’est-à-dire, nombre, ou la marque du nombre, numeri nota, dit Nonnius Marcellus. C’est en ce sens que le mot aera se trouvé employé dans ce Vers de Lucile:

Haec est ratio? Perversa aera! Summa subducta improbe!

Et Sextus Rufus s’en est servi, de même.

Or quoique ce mot ne se prît originairement que le nombre ou la Mesure du Chant, dans la suite on en fit le même usage qu’on avoit fait du mot numerus, & l’on se servit du mot aera pour désigner le Chant même; d’ou est venu, selon les deux Auteurs cités, le mot François Air, & l’Italien Aria pris dans le même sens.

[40] Les Grecs avoient plusieurs sortes d’Airs qu’ils appelloient Nomes ou Chansons. (Voyez CHANSONS) Les Nomes avoient chacun leur caractere & leur usage, & plusieurs étoient propres à quelque Instrument particulier, à peu-près comme ce que nous appellons aujourd’hui Pieces ou Sonates.

La Musique moderne à diverses especes d’Airs qui conviennent chacune à quelque espece de Danse dont ces Airs portent le nom. (Voyez MENUET, GAVOTTE, MUSETTE, PASSE-PIED, &c.)

Les Airs de nos Opéra sont, pour ainsi dire, la toile ou le fond sur quoi se peignent les tableaux de la Musique imitative; la Mélodie est le dessein, l’Harmonie est le coloris; tous les objets pittoresques de la belle Nature, tous les sentimens réfléchis du cœur humain sont les modeles que l’Artiste imite; l’attention, l’intérêt, le charme de l’oreille, & l’émotion du cœur, sont la fin de ces imitations. (Voyez IMITATION.) Un Air savant & agréable, un Air trouvé par le Génie & composé par le Goût, est le chef-d’oeuvre de la Musique; c’est-là que se développe une belle voix, que brille une belle Symphonie; c’est-là que la passion vient insensiblement émouvoir l’ame par le sens. Après un bel Air, on est satisfait, l’oreille ne desire plus rien; il reste dans l’imagination, on l’emporte avec soi, on le répete à volonté; sans pouvoir en rendre une seule Note, on l’exécute dans son cerveau tel qu’on l’entendit au spectacle; on voit la Scene, l’Acteur, le Théâtre; on entend l’accompagnement, l’applaudissement, le véritable Amateur ne perd jamais les beaux [41] Airs qu’il entendit en sa vie; il fait recommencer l’Opéra quand il veut.

Les paroles des Airs ne vont point toujours de suite, ne se débitent point comme celles du Récitatif; quoiqu’assez courtes pour l’ordinaire, elles se coupent, se répetent, se transposent au gré du Compositeur: elles ne sont pas une narration qui passe; elles peignent, ou un tableau qu’il faut voir sous divers points de vue, ou un sentiment dans lequel le cœur se complaît, duquel il ne peut, pour ainsi dire, se détacher, & les différentes phrases de l’Air ne sont qu’autant de manieres d’envisager la même image. Voilà pourquoi le sujet doit être un. C’est par ces répétitions bien entendues, c’est par ces coups redoublés qu’une expression qui d’abord n’a pu vous émouvoir, vous ébranle enfin, vous agite, vous transporte hors de vous, & c’est encore par le même principe que les Roulades, qui, dans les Airs pathétiques paroissent si déplacées, ne le sont pourtant pas toujours: le cœur presse d’un sentiment très-vif l’exprime souvent par des Sens inarticulés plus vivement que par des paroles. (Voyez NEUME.)

La forme des Airs est de deux especes. Les petits Airs sont ordinairement composés de deux Reprises qu’on chante chacune deux fois; mais les grands Airs d’Opéra sont le plus souvent en Rondeau.