Je vais donner une Table des uns & des autres, selon le systême de M. Rameau.

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Nous parlerons aux mots HARMONIE, BASSE-FONDAMENTAL, COMPOSITION, &c. de la maniere d’employer tous ces Accords pour en former une Harmonie réguliere. J’ajouterai seulement ici les observations suivantes.

[30] I. C’est une grande erreur de penser que le choix des renversemens d’un même Accord soit indifférent pour l’Harmonie ou pour l’expression. Il n’y a pas un de ces renversemens qui n’ait son caractere propre. Tout le monde sent l’opposition qui se trouvé entre la douceur de la Fausse-Quinte & l’aigreur du Triton, & cependant l’un de ces Intervalles est renversé de l’autre. Il en est de même de la Septieme diminuée & de la Seconde superflue, de la Seconde ordinaire & de la Septieme. Qui ne sait combien la Quinte est plus sonore que la Quarte? L’Accord de Grande-Sixte & celui de Petite-Sixte mineure, sont deux faces du même Accord fondamental; mais de combien l’une n’est elle pas plus harmonieuse que l’autre? L’Accord de Petite-Sixte majeure, au contraire, n’est-il pas plus brillant que celui de fausse Quinte? Et pour ne parler que du plus simple de tous les Accords, considérez la majesté de l’Accord parfait, la douceur de l’Accord de Sixte, & la fadeur de celui de Sixte-Quarte; tous cependant composés des mêmes Sons. En général les Intervalles superflus, les Dièses dans le haut, sont propres par leur dureté à exprimer l’emportement, la colere & les passions aiguës. Au contraire, les Bémols a l’aigu & les Intervalles diminués forment une Harmonie plaintive, qui attendrit le cœur. C’est une multitude d’observations semblables, qui, lorsqu’un habile Musicien sait s’en prévaloir, le rendent maître des affections de ceux qui l’écoutent.

II. Le choix des Intervalles simples n’est gueres moins important que celui des Accords pour la place où l’on doit [31] les employer. C’est, par exemple, dans le bas qu’il faut placer les Quintes & les 0ctaves par préférence, dans le haut les Tierces & les Sixtes. Transposez cet ordre, vous gâterez l’Harmonie en laissant les mêmes Accords.

III. Enfin l’on rend les Accords plus harmonieux encore, en les rapprochant par de petits Intervalles, plus convenables que les grands à la capacité de l’oreille. C’est ce qu’on appelle resserrer l’Harmonie, & que si peu de Musiciens savent pratiquer. Les bornes du Diapason des voix sont un raison de plus pour resserrer les Chœurs. On peut assurer qu’un Chœur est mal fait, lorsque les Accords divergent, lorsque les Parties crient, sortent de leur Diapason, & sont si éloignées les unes des autres qu’elles semblent n’avoir plus de rapport entre elles.

On appelle encore Accord l’état d’un Instrument dont les Sons fixes sont entre eux dans toute la justesse qu’ils doivent avoir. On dit en ce sens qu’un Instrument est d’Accord, qu’il n’est pas d’Accord, qu’il garde ou ne garde pas sort Accord. La même expression s’emploie pour deux Voix qui chantent ensemble, pour deux Sons qui se sont entendre à la sois, soit à l’Unisson, soit en Contre-parties.

ACCORD DISSONANT, FAUX ACCORD, ACCORD FAUX, sont autant de différentes choses qu’il ne faut pas confondre. Accord dissonant est celui qui contient quelque Dissonance; Accord faux, celui dont les Sons sont mal accordés, & ne gardent pas entre eux la justesse des Intervalles; faux Accord, celui qui choque l’oreille, parce qu’il est mal composé, & que les Sons, quoiques justes, n’y forment pas un tout harmonique.

[32] ACCORDER des Instrumens, c’est tendre ou lâcher les cordes, alonge ou raccourcir les tuyaux, augmenter ou diminuer la masse du Corps sonore, jusqu’à ce que toutes les parties de l’Instrument soient au Ton qu’elles doivent avoir.

Pour Accorder un Instrument, il faut d’abord fixer un Son qui serve aux autres de terme de comparaison. C’est ce qu’on appelle, prendre ou donner le Ton. (Voyez Ton.) Ce Son est ordinairement l’ut pour l’Orgue & le Clavecin, le la pour le Violon & la Basse, qui ont ce la sur une corde à vuide & dans un Medium propre à être aisément saisi par l’oreille.

A l’égard des Flûtes, Hautbois, Bassons, & autres Instrumens à vent, ils ont leur Ton à-peu-près fixé, qu’on ne peut gueres changer qu’en changeant quelque piece de l’Instrument. On peut encore les alonge un peu à l’emboîture des pieces, ce qui baisse le Ton de quelque chose; mais il doit nécessairement résulter des tons faux de ces variations, parce que la juste proportion est rompue entre la longueur totale de l’Instrument & les distances d’un trou à l’autre.

Quand le ton est déterminé, on y fait rapporter tous les autres Sons de l’Instrument, lesquels doivent être fixés par l’Accord selon les Intervalles qui leur conviennent. L’Orgue & le Clavecin s’accordent par Quintes, jusqu’à ce que la Partition soit faite, & par Octaves pour le reste du Clavier; la Basse & le Violon par Quintes; la Viole & la Guitare par Quartes & par Tierces, &c. En général on choisit toujours des Intervalles consonants & harmonieux, afin que l’oreille en saisisse plus aisément la justesse.

[33] Cette justesse des Intervalles ne peut, dans la pratique, s’observer à toute rigueur, & pour qu’ils puissent tous s’Accorder entre eux, il faut que chacun en particulier souffre quelque altération. Chaque espece d’Instrument à pour cela ses regles particulieres & sa méthode d’Accorder. (Voyez TEMPÉRAMENT.

On observe que les Instrumens dont on tire le Son par Inspiration, comme la Flûte & le Hautbois, montent insensiblement quand on a joué quelque tems; ce qui vient, selon quelques-uns, de l’humidité qui, sortant de la bouche avec l’air, les renfle & les raccourcit; ou plutôt, suivant la Doctrine de M. Euler, c’est que la chaleur & la réfraction que l’air reçoit pendant l’inspiration rendent ses vibrations plus fréquentes, diminuent ton poids, & augmentant ainsi le poids relatif de l’Atmosphere, rendent le Son un peu plus aigu.

Quoi qu’il en soit de la cause, il faut, en Accordant; avoir égard à l’effet prochain, & forcer un peu le vent quand on donne ou reçoit le Ton sur ces Instrumens; car pour rester d’Accord durant le Concert, ils doivent être un peu trop bas en commençant.

ACCORDEUR, f.