Il a entendu les voix en question. La voix rauque était celle d’un Français. Il a distingué quelques mots. L’individu qui parlait semblait faire des remontrances. Il n’a pas pu deviner ce que disait la voix aiguë. Elle parlait vite et par saccades. Il l’a prise pour la voix d’un Russe. Il confirme en général les témoignages précédents. Il est Italien ; il avoue qu’il n’a jamais causé avec un Russe. « Quelques témoins, rappelés, certifient que les cheminées dans toutes les chambres, au quatrième étage, sont trop étroites pour livrer passage à un être humain. Quand ils ont parlé de ramonage, ils voulaient parler de ces brosses en forme de cylindres dont on se sert pour nettoyer les cheminées. On a fait passer ces brosses du haut au bas dans tous les tuyaux de la maison. Il n’y a sur le derrière aucun passage qui ait pu favoriser la fuite d’un assassin, pendant que les témoins montaient l’escalier. Le corps de Mlle l’Espanaye était si solidement engagé dans la cheminée, qu’il a fallu, pour le retirer, que quatre ou cinq des témoins réunissent leurs forces. « Paul Dumas, médecin, dépose qu’il a été appelé au point du jour pour examiner les cadavres. Ils gisaient tous les deux sur le fond de sangle du lit dans la chambre où avait été trouvée Mlle l’Espanaye. Le corps de la jeune dame était fortement meurtri et excorié. Ces particularités s’expliquent suffisamment par le fait de son introduction dans la cheminée. La gorge était singulièrement écorchée. Il y avait, juste au-dessous du menton, plusieurs égratignures profondes, avec une rangée de taches livides, résultant évidemment de la pression des doigts. La face était affreusement décolorée, et les globes des yeux sortaient de la tête. La langue était coupée à moitié. Une large meurtrissure se manifestait au creux de l’estomac, produite, selon toute apparence, par la pression d’un genou. Dans l’opinion de M. Dumas, Mlle l’Espanaye avait été étranglée par un ou par plusieurs individus inconnus. « Le corps de la mère était horriblement mutilé. Tous les os de la jambe et du bras gauche plus ou moins fracassés ; le tibia gauche brisé en esquilles, ainsi que les côtes du même côté. Tout le corps affreusement meurtri et décoloré. Il était impossible de dire comment de pareils coups avaient été portés. Une lourde massue de bois ou une large pince de fer, une arme grosse, pesante et contondante aurait pu produire de pareils résultats, et encore, maniée par les mains d’un homme excessivement robuste. Avec n’importe quelle arme, aucune femme n’aurait pu frapper de tels coups. La tête de la défunte, quand le témoin la vit, était entièrement séparée du tronc, et, comme le reste, singulièrement broyée. La gorge évidemment avait été tranchée avec un instrument très affilé, très probablement un rasoir.