en l'étouffant.

Le porche à la lune se ronge,

Le temps le sculpte à sa façon,

Et la pluie a passé l'éponge

Sur les couleurs de mon blason.

Tout ému, je pousse la porte

Qui cède et geint sur ses pivots;

Un air froid en sort et m'apporte

Le fade parfum des caveaux.

L'ortie aux morsures aiguës,

La bardane aux larges contours,

Sous les ombelles des ciguës,

Prospèrent dans l'angle des cours.

Sur les deux chimères de marbre,

Gardiennes du perron verdi,

Se découpe l'ombre d'un arbre

Pendant mon absence grandi.

Levant leurs pattes de lionne

Elles se mettent en arrêt.

Leur regard blanc me questionne

Mais je leur dis le mot secret.

Et je passe.—Dressant sa tête,

Le vieux chien retombe assoupi,

Et mon pas sonore inquiète

L'écho dans son coin accroupi.

Un jour louche et douteux se glisse

Aux vitres jaunes du salon

Où figurent, en haute lisse,

Les aventures d'Apollon.

Daphné, les hanches dans l'écorce,

Étend toujours ses doigts touffus;

Mais aux bras du dieu qui la force,

Elle s'éteint, spectre confus.

Apollon, chez Admète, garde

Un troupeau, des mites atteint;

Les neuf Muses, troupe hagarde,

Pleurent sur un Pinde déteint;

Et la Solitude en chemise

Trace au doigt le mot: «Abandon»

Dans la poudre qu'elle tamise

Sur le marbre du guéridon.

Je retrouve au long des tentures,

Comme des hôtes endormis,

Pastels blafards, sombres peintures,

Jeunes beautés et vieux amis.

Ma main tremblante enlève un crêpe,

Et je vois mon défunt amour,

Jupons bouffants, taille de guêpe,

La Cidalise en Pompadour!

Un bouton de rose s'entr'ouvre

A son corset enrubanné,

Dont la dentelle à demi couvre

Un sein neigeux d'azur veiné;

Ses yeux ont de moites paillettes,

Comme aux feuilles que le froid mord,

Sa pourpre monte à ses pommettes,

Éclat trompeur, fard de la mort!

Elle tressaille à mon approche,

Et son regard, triste et charmant,

Sur le mien, d'un air de reproche,

Se fixe douloureusement.

Bien que la vie au loin m'emporte,

Ton nom dans mon cœur est marqué,

Fleur de pastel, gentille morte,

Ombre en habit de bal masqué!

La nature de l'art jalouse,

Voulant dépasser Murillo,

A Paris créa l'Andalouse

Qui rit dans le second tableau.

Par un caprice poétique,

Notre climat brumeux para

D'une grâce au charme exotique

Cette autre Petra Camara.

De chaudes teintes orangées

Dorent sa joue au fard vermeil;

Ses paupières de jais frangées

Filtrent des rayons de soleil.

Entre ses lèvres d'écarlate

Scintille un éclair argenté,

Et sa beauté splendide éclate

Comme une grenade en été.

Au son des guitares d'Espagne

Ma voix longtemps la célébra.

Elle vint un jour, sans compagne,

Et ma chambre fut l'Alhambra.

Plus loin une beauté robuste,

Aux bras forts cerclés d'anneaux lourds,

Sertit le marbre de son buste

Dans les perles et le velours.

D'un air de reine qui s'ennuie

Au sein de sa cour à genoux,

Superbe et distraite, elle appuie

La main sur un coffre à bijoux.

Sa bouche humide et sensuelle

Semble rouge du sang des cœurs,

Et, pleins de volupté cruelle,

Ses yeux ont des défis vainqueurs.

Ici, plus de grâce touchante,

Mais un attrait vertigineux.

On dirait la Vénus méchante

Qui préside aux amours haineux.

Cette Vénus, mauvaise mère,

Souvent a battu Cupidon.

O toi, qui fus ma joie amère,

Adieu pour toujours... et pardon!

Dans son cadre, que l'ombre moire,

Au lieu de réfléchir mes traits,

La glace ébauche de mémoire

Le plus ancien de mes portraits.

Spectre rétrospectif qui double

Un type à jamais effacé,

Il sort du fond du miroir trouble

Et des ténèbres du passé.

Dans son pourpoint de satin rose,

Qu'un goût hardi coloria,

Il semble chercher une pose

Pour Boulanger ou Devéria.

Terreur du bourgeois glabre et chauve,

Une chevelure à tous crins

De roi franc ou de lion fauve

Roule en torrent jusqu'à ses reins.

Tel, romantique opiniâtre,

Soldat de l'art qui lutte encor,

Il se ruait vers le théâtre

Quand d'Hernani sonnait le cor.

... La nuit tombe et met avec l'ombre

Ses terreurs aux recoins dormants.

L'inconnu, machiniste sombre,

Monte ses épouvantements.

Des explosions de bougies

Crèvent soudain sur les flambeaux!

Leurs auréoles élargies

Semblent des lampes de tombeaux.

Une main d'ombre ouvre la porte

Sans en faire grincer la clé.

D'hôtes pâles qu'un souffle apporte

Le salon se trouve peuplé.

Les portraits quittent la muraille,

Frottant de leurs mouchoirs jaunis,

Sur leur visage qui s'éraille,

La crasse fauve du vernis.

D'un reflet rouge illuminée,

La bande se chauffe les doigts

Et fait cercle à la cheminée

Où tout à coup flambe le bois.

L'image au sépulcre ravie

Perd son aspect roide et glacé;

La chaude pourpre de la vie

Remonte aux veines du passé.

Les masques blafards se colorent

Comme au temps où je les connus.

O vous que mes regrets déplorent,

Amis, merci d'être venus!

Les vaillants de dix-huit cent trente,

Je les revois tels que jadis.

Comme les pirates d'Otrante

Nous étions cent, nous sommes dix.

L'un étale sa barbe rousse

Comme Frédéric dans son roc,

L'autre superbement retrousse

Le bout de sa moustache en croc.

Drapant sa souffrance secrète

Sous les fiertés de son manteau,

Pétrus fume une cigarette

Qu'il baptise papelito.

Celui-ci me conte ses rêves,

Hélas! jamais réalisés,

Icare tombé sur les grèves

Où gisent les essors brisés.

Celui-là me confie un drame

Taillé sur le nouveau patron

Qui fait, mêlant tout dans sa trame,

Causer Molière et Calderon.

Tom, qu'un abandon scandalise,

Récite «Love's labours lost»,

Et Fritz explique à Cidalise

Le «Walpurgisnachtstraum» de Faust.

Mais le jour luit à la fenêtre;

Et les spectres, moins arrêtés,

Laissent les objets transparaître

Dans leurs diaphanéités.

Les cires fondent consumées;

Sous les cendres s'éteint le feu,

Du parquet montent des fumées;

Château du Souvenir, adieu!

Encore une autre fois décembre

Va retourner le sablier.

Le présent entre dans ma chambre

Et me dit en vain d'oublier.

 

 

CAMÉLIA

ET

PAQUERETTE

On admire les fleurs de serre

Qui loin de leur soleil natal,

Comme des joyaux mis sous verre,

Brillent sous un ciel de cristal.

Sans que les brises les effleurent

De leurs baisers mystérieux,

Elles naissent, vivent et meurent

Devant le regard curieux.

A l'abri de murs diaphanes,

De leur sein ouvrant le trésor,

Comme de belles courtisanes,

Elles se vendent à prix d'or.

La porcelaine de la Chine

Les reçoit par groupes coquets,

Ou quelque main gantée et fine

Au bal les balance en bouquets.

Mais souvent parmi l'herbe verte,

Fuyant les yeux, fuyant les doigts,

De silence et d'ombre couverte,

Une fleur vit au fond des bois.

Un papillon blanc qui voltige,

Un coup d'œil au hasard jeté,

Vous fait surprendre sur sa tige

La fleur dans sa simplicité,

Belle de sa parure agreste

S'épanouissant au ciel bleu,

Et versant son parfum modeste

Pour la solitude et pour Dieu.

Sans toucher à son pur calice

Qu'agite un frisson de pudeur,

Vous respirez avec délice

Son âme dans sa fraîche odeur.

Et tulipes au port superbe,

Camélias si cher payés,

Pour la petite fleur sous l'herbe,

En un instant, sont oubliés!

 

 

LA FELLAH

SUR UNE AQUARELLE DE LA PRINCESSE M...

Caprice d'un pinceau fantasque

Et d'un impérial loisir,

Votre fellah, sphinx qui se masque,

Propose une énigme au désir.

C'est une mode bien austère

Que ce masque et cet habit long,

Elle intrigue par son mystère

Tous les Œdipes du salon.

L'antique Isis légua ses voiles

Aux modernes filles du Nil;

Mais, sous le bandeau, deux étoiles

Brillent d'un feu pur et subtil.

Ces yeux qui sont tout un poème

De langueur et de volupté

Disent, résolvant le problème,

«Sois l'amour, je suis la beauté.»

 

 

LA MANSARDE

Sur les tuiles où se hasarde

Le chat guettant l'oiseau qui boit,

De mon balcon une mansarde

Entre deux tuyaux s'aperçoit.

Pour la parer d'un faux bien-être,

Si je mentais comme un auteur,

Je pourrais faire à sa fenêtre

Un cadre de pois de senteur,

Et vous y montrer Rigolette

Riant à son petit miroir,

Dont le tain rayé ne reflète

Que la moitié de son œil noir;

Ou, la robe encor sans agrafe,

Gorge et cheveux au vent, Margot

Arrosant avec sa carafe

Son jardin planté dans un pot;

Ou bien quelque jeune poète

Qui scande ses vers sibyllins,

En contemplant la silhouette

De Montmartre et de ses moulins.

Par malheur, ma mansarde est vraie,

Il n'y grimpe aucun liseron,

Et la vitre y fait voir sa taie,

Sous l'ais verdi d'un vieux chevron.

Pour la grisette et pour l'artiste,

Pour le veuf et pour le garçon,

Une mansarde est toujours triste:

Le grenier n'est beau qu'en chanson.

Jadis, sous le comble dont l'angle

Penchait les fronts pour le baiser,

L'amour, content d'un lit de sangle,

Avec Suzon venait causer.

Mais pour ouater notre joie,

Il faut des murs capitonnés,

Des flots de dentelle et de soie,

Des lits par Monbro festonnés.

Un soir, n'étant pas revenue,

Margot s'attarde au mont Breda,

Et Rigolette entretenue

N'arrose plus son réséda.

Voilà longtemps que le poète

Las de prendre la rime au vol,

S'est fait reporter de gazette,

Quittant le ciel pour l'entresol.

Et l'on ne voit contre la vitre

Qu'une vieille au maigre profil,

Devant Minet, qu'elle chapitre,

Tirant sans cesse un bout de fil.

 

 

LA NUE

A l'horizon monte une nue,

Sculptant sa forme dans l'azur:

On dirait une vierge nue

Émergeant d'un lac au flot pur.

Debout dans sa conque nacrée,

Elle vogue sur le bleu clair.

Comme une Aphrodite éthérée,

Faite de l'écume de l'air;

On voit onder en molles poses

Son torse au contour incertain,

Et l'aurore répand des roses

Sur son épaule de satin.

Ses blancheurs de marbre et de neige

Se fondent amoureusement

Comme, au clair-obscur du Corrége,

Le corps d'Antiope dormant.

Elle plane dans la lumière

Plus haut que l'Alpe ou l'Apennin;

Reflet de la beauté première,

Sœur de «l'éternel féminin».

A son corps, en vain retenue,

Sur l'aile de la passion,

Mon âme vole à cette nue

Et l'embrasse comme Ixion.

La raison dit: «Vague fumée,

Où l'on croit voir ce qu'on rêva,

Ombre au gré du vent déformée,

Bulle qui crève et qui s'en va!»

Le sentiment répond: «Qu'importe!

Qu'est-ce après tout que la beauté?

Spectre charmant qu'un souffle emporte

Et qui n'est rien, ayant été!

«A l'Idéal ouvre ton âme,

Mets dans ton cœur beaucoup de ciel,

Aime une nue, aime une femme,

Mais aime!—C'est l'essentiel!»

 

 

LE MERLE

Un oiseau siffle dans les branches

Et sautille gai, plein d'espoir,

Sur les herbes, de givre blanches,

En bottes jaunes, en frac noir.

C'est un merle, chanteur crédule,

Ignorant du calendrier,

Qui rêve soleil, et module

L'hymne d'avril en février.

Pourtant il vente, il pleut à verse;

L'Arve jaunit le Rhône bleu,

Et le salon tendu de perse,

Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l'épaule ont l'hermine,

Comme des magistrats siégeant;

Leur blanc tribunal examine

Un cas d'hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu'il essuie,

L'oiseau persiste en sa chanson,

Malgré neige, brouillard et pluie,

Il croit à la jeune saison.

Il gronde l'aube paresseuse

De rester au lit si longtemps

Et, gourmandant la fleur frileuse,

Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l'ombre;

Tel un croyant, dans le saint lieu,

L'autel désert, sous la nef sombre,

Avec sa foi voit toujours Dieu.

A la nature il se confie,

Car son instinct pressent la loi.

Qui rit de ta philosophie,

Beau merle, est moins sage que toi!

 

 

LA FLEUR

QUI FAIT

LE PRINTEMPS

Les marronniers de la terrasse

Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean,

La villa d'où la vue embrasse

Tant de monts bleus coiffés d'argent.

La feuille, hier encor pliée

Dans son étroit corset d'hiver,

Met sur la branche déliée

Les premières touches de vert.

Mais en vain le soleil excite

La sève des rameaux trop lents;

La fleur retardataire hésite

A faire voir ses thyrses blancs.

Pourtant le pêcher est tout rose,

Comme un désir de la pudeur.

Et le pommier, que l'aube arrose,

S'épanouit dans sa candeur.

La véronique s'aventure

Près des boutons d'or dans les prés,

Les caresses de la nature

Hâtent les germes rassurés.

Il me faut retourner encor

Au cercle d'enfer où je vis;

Marronniers, pressez-vous d'éclore

Et d'éblouir mes yeux ravis.

Vous pouvez sortir pour la fête

Vos girandoles sans péril,

Un ciel bleu luit sur votre faîte

Et déjà mai talonne avril.

Par pitié donnez cette joie

Au poète dans ses douleurs,

Qu'avant de s'en aller, il voie

Vos feux d'artifice de fleurs.

Grands marronniers de la terrasse,

Si fiers de vos splendeurs d'été,

Montrez-vous à moi dans la grâce

Qui précède votre beauté.

Je connais vos riches livrées,

Quand octobre, ouvrant son essor,

Vous met des tuniques pourprées,

Vous pose des couronnes d'or.

Je vous ai vus, blanches ramées,

Pareils aux dessins que le froid

Aux vitres d'argent étamées

Trace, la nuit, avec son doigt.

Je sais tous vos aspects superbes,

Arbres géants, vieux marronniers,

Mais j'ignore vos fraîches gerbes

Et vos aromes printaniers.

Adieu, je pars lassé d'attendre;

Gardez vos bouquets éclatants!

Une autre fleur suave et tendre,

Seule à mes yeux fait le printemps.

Que mai remporte sa corbeille!

Il me suffit de cette fleur;

Toujours pour l'âme et pour l'abeille

Elle a du miel pur dans le cœur.

Par le ciel d'azur ou de brume

Par la chaude ou froide saison,

Elle sourit, charme et parfume,

Violette de la maison!

 

 

DERNIER VŒU

Voilà longtemps que je vous aime:

—L'aveu remonte à dix-huit ans!—

Vous êtes rose, je suis blême,

J'ai les hivers, vous les printemps.

Des lilas blancs de cimetière

Près de mes tempes ont fleuri;

J'aurai bientôt la touffe entière

Pour ombrager mon front flétri.

Mon soleil pâli qui décline

Va disparaître à l'horizon,

Et sur la funèbre colline

Je vois ma dernière maison.

Oh! que de votre lèvre il tombe

Sur ma lèvre un tardif baiser,

Pour que je puisse dans ma tombe,

Le cœur tranquille, reposer!

 

 

PLAINTIVE

TOURTERELLE

Plaintive tourterelle,

Qui roucoules toujours,

Veux-tu prêter ton aile

Pour servir mes amours!

Comme toi, pauvre amante,

Bien loin de mon ramier,

Je pleure et me lamente

Sans pouvoir l'oublier.

Vole et que ton pied rose

Sur l'arbre ou sur la tour

Jamais ne se repose,

Car je languis d'amour.

Évite, ô ma colombe,

La halte des palmiers

Et tous les toits où tombe

La neige des ramiers.

Va droit sur sa fenêtre,

Près du palais du roi,

Donne-lui cette lettre

Et deux baisers pour moi.

Puis sur mon sein en flamme

Qui ne peut s'apaiser,

Reviens, avec son âme,

Reviens te reposer.

 

 

LA

BONNE SOIRÉE

Quel temps de chien!—il pleut, il neige

Les cochers, transis sur leur siège,

Ont le nez bleu.

Par ce vilain soir de décembre,

Qu'il ferait bon garder la chambre,

Devant son feu!

A l'angle de la cheminée

La chauffeuse capitonnée

Vous tend les bras

Et semble avec une caresse

Vous dire comme une maîtresse:

«Tu resteras!»

Un papier rose à découpures,

Comme un sein blanc sous des guipures,

Voile à demi

Le globe laiteux de la lampe

Dont le reflet au plafond rampe,

Tout endormi.

On n'entend rien dans le silence

Que le pendule qui balance

Son disque d'or,

Et que le vent qui pleure et rôde,

Parcourant, pour entrer en fraude,

Le corridor.

C'est bal à l'ambassade anglaise;

Mon habit noir est sur la chaise,

Les bras ballants;

Mon gilet bâille et ma chemise

Semble dresser, pour être mise,

Ses poignets blancs.

Les brodequins à pointe étroite

Montrent leur vernis qui miroite,

Au feu placés;

A côté des minces cravates

S'allongent comme des mains plates

Les gants glacés.

Il faut sortir!—quelle corvée!

Prendre la file à l'arrivée

Et suivre au pas

Les coupés des beautés altières

Portant blasons sur leurs portières

Et leurs appas.

Rester debout contre une porte

A voir se ruer la cohorte

Des invités;

Les vieux museaux, les frais visages,

Les fracs en cœur et les corsages

Décolletés;

Les dos où fleurit la pustule,

Couvrant leur peau rouge d'un tulle

Aérien;

Les dandys et les diplomates,

Sur leurs faces à teintes mates,

Ne montrant rien.

Et ne pouvoir franchir la haie

Des douairières aux yeux d'orfraie

Ou de vautour,

Pour aller dire à son oreille

Petite, nacrée et vermeille,

Un mot d'amour!

Je n'irai pas!—et ferai mettre

Dans son bouquet un bout de lettre,

A l'Opéra.

Par les violettes de Parme,

La mauvaise humeur se désarme:

Elle viendra!

J'ai là l'Intermezzo de Heine,

Le Thomas Grain-d'orge de Taine,

Les deux Goncourt,

Le temps, jusqu'à l'heure où s'achève

Sur l'oreiller l'idée en rêve,

Me sera court.

 

 

L'ART

Oui, l'œuvre sort plus belle

D'une forme au travail

Rebelle,

Vers, marbre, onyx, émail.

Point de contraintes fausses!

Mais que pour marcher droit

Tu chausses,

Muse, un cothurne étroit.

Fi du rhythme commode,

Comme un soulier trop grand,

Du mode

Que tout pied quitte et prend!

Statuaire, repousse

L'argile que pétrit

Le pouce

Quand flotte ailleurs l'esprit,

Lutte avec le carrare,

Avec le paros dur

Et rare,

Gardiens du contour pur;

Emprunte à Syracuse

Son bronze où fermement

S'accuse

Le trait fier et charmant;

D'une main délicate

Poursuis dans un filon

D'agate

Le profil d'Apollon.

Peintre, fuis l'aquarelle,

Et fixe la couleur

Trop frêle

Au four de l'émailleur.

Fais les sirènes bleues,

Tordant de cent façons

Leurs queues,

Les monstres des blasons,

Dans son nimbe trilobe

La Vierge et son Jésus,

Le globe

Avec la croix dessus.

Tout passe.—L'art robuste

Seul a l'éternité,

Le buste

Survit à la cité.

Et la médaille austère

Que trouve un laboureur

Sous terre

Révèle un empereur.

Les dieux eux-mêmes meurent,

Mais les vers souverains

Demeurent

Plus forts que les airains.

Sculpte, lime, cisèle;

Que ton rêve flottant

Se scelle

Dans le bloc résistant!

TABLE

Pages.
Préface 1
Affinités secrètes, madrigal panthéiste 3
Le poème de la femme, marbre de Paros 7
Étude de mains.
I. Impéria 11
II. Lacenaire 15
Variations sur le carnaval de Venise.
I. Dans la rue 19
II. Sur les lagunes 23
III. Carnaval 27
IV. Clair de lune sentimental 31
Symphonie en blanc majeur 35
Coquetterie posthume 39
Diamant du cœur 43
Premier sourire du printemps 47
Contralto 51
Cærulei oculi 55
Rondalla 59
Nostalgies d'obélisques.
I. L'obélisque de Paris 63
II. L'obélisque de Luxor 67
Vieux de la vieille, 15 décembre 71
Tristesse en mer 77
A une robe rose 81
Le monde est méchant 83
Inès de las sierras 85
Odelette anacréontique 91
Fumée 93
Apollonie 95
L'aveugle 97
Lied 99
Fantaisies d'hiver 101
La source 105
Buchers et tombeaux 107
Le souper des armures 113
La montre 121
Les néréides 125
Les accroche-cœurs 129
La rose-thé 131
Carmen 133
Ce que disent les hirondelles 135
Noel 139
Les joujoux de la morte 141
Après le feuilleton 145
Le chateau du souvenir 147
Camélia et paquerette 159
La fellah 163
La mansarde 165
La nue 169
Le merle 173
La fleur qui fait le printemps 175
Dernier vœu 179
Plaintive tourterelle 181
La bonne soirée 183
L'art 187

Imp. de Malherbe, 12, passage des Favorites, Paris

Au lecteur

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