– Eh bien, voilà le quelque chose. Sonnez pour commander un fiacre. Je troque ma robe de chambre contre un veston, je garnis mon étui à cigares, et je suis prêt. » - 8 -

Pendant que nous étions dans le train, un orage éclata, et la chaleur nous parut moins oppressante à Croydon que dans la capitale. Holmes avait envoyé un télégramme à Lestrade qui nous attendait à la gare : le représentant de Scotland Yard était toujours aussi sec, nerveux, sémillant, semblable à une fouine. Au bout de cinq minutes de marche, nous arrivions à Cross Street où habitait Mlle Cushing. C’était une très longue rue bordée par des maisons de briques à deux étages, coquettes et propres ; les perrons étaient d’un blanc impeccable ; des commères en tablier jacassaient sur le pas des portes. Deux cents mètres plus loin, Lestrade s’arrêta et frappa : une jeune bonne lui ouvrit. Mlle Cushing était assise dans la pièce du devant où nous fûmes introduits. Elle avait le visage placide, de grands yeux doux, des cheveux grisonnants qui dessinaient une boucle sur chaque tempe. Une têtière était posée sur ces genoux ; sur un tabouret à côté de sa chaise un panier débordait de soies de couleur. « Elles sont dans l’appentis, ces horreurs ! dit-elle à Lestrade quand nous entrâmes. Je voudrais bien que vous m’en débarrassiez. - 9 -

– Je n’y manquerai pas, mademoiselle Cushing. Je les gardais ici jusqu’à ce que mon ami, M. Holmes, les vît en votre présence. – En ma présence ! Pourquoi ? – Pour le cas où il désirerait vous poser quelques questions. – A quoi bon me poser des questions alors que je vous dis et que je vous répète que je ne sais rien à leur sujet. – Bien sûr, mademoiselle ! intervint Holmes d’une voix lénifiante. Je comprends parfaitement que vous ayez été plus qu’ennuyée par toute cette affaire. – Vous pouvez le dire, monsieur ! Je suis une femme tranquille et je mène une existence retirée. C’est quelque chose de tout à fait nouveau pour moi que de voir mon nom dans les journaux et de recevoir la visite de la police. Je ne veux pas que vous les apportiez ici, monsieur Lestrade. Si vous voulez les regarder, allez dans l’appentis. » L’appentis était situé dans le jardinet derrière la maison. Lestrade y pénétra et en sortit une boîte jaune en carton, un morceau de papier marron et de la ficelle. Au bout de l’allée il y avait un banc sur lequel nous allâmes nous asseoir pendant que Holmes examinait, les uns après les autres, les objets que Lestrade lui avait remis. - 10 -

« La ficelle est d’un intérêt extraordinaire, observa-il en l’élevant à la lumière et en la flairant comme un chien de chasse. Que pensez-vous de cette ficelle, Lestrade ? – Elle a été goudronnée. – Précisément.