Je n’aime pas agir brutalement, et il ne vous sera fait aucun mal si vous me donnez votre tunique de diamants. Vous y consentez ?
– Non, riposta vivement Régine.
– Il nous est facile de vous la prendre, et nous l’aurions pu déjà, dans l’auto.
– Non, non, fit-elle, avec une surexcitation fébrile. Pas cette tunique… Non… »
L’individu prononça :
« J’ai tout risqué pour l’avoir. Je l’ai maintenant. Ne résistez pas. »
L’actrice se raidit dans un effort violent. Mais il murmura, tout près d’elle :
« Dois-je me servir moi-même ? »
Régine sentit une main dure qui empoignait son corselet et qui frôlait la chair de ses épaules. Alors elle s’effara.
« Ne me touchez pas ! Je vous le défends… Voilà… tout ce que vous voudrez… je consens à tout… mais ne me touchez pas, vous ! »
Il s’éloigna un peu, tout en restant derrière elle. Le vêtement de fourrure glissa le long de Régine et elle reconnut que ce vêtement était le sien. Elle s’assit, épuisée. Elle pouvait voir maintenant la pièce où elle se trouvait, et elle vit que la femme voilée, qui s’était mise à dégrafer le corselet de pierreries et la tunique d’argent, portait un vêtement prune avec des bandes de velours noir.
La pièce, très éclairée par l’électricité, était un salon de grandes dimensions, avec des fauteuils et des chaises garnis de soie bleue, de hautes tapisseries, des consoles et des boiseries blanches admirables et du plus pur style Louis XVI. Un trumeau surmontait la vaste cheminée qu’ornaient deux coupes de bronze doré et une pendule à colonnettes de marbre vert. Aux murs quatre appliques et, au plafond, deux lustres formés de mille petits cristaux taillés.
Inconsciemment, Régine enregistrait tous ces détails, tandis que la femme retirait la tunique et le corselet, lui laissant le simple fourreau lamé d’argent qui dégageait ses bras et ses épaules. Régine nota aussi le parquet composé de lames croisées et en bois d’essences diverses, et elle observa un tabouret aux pieds d’acajou.
C’était fini. La lumière s’éteignit d’un coup. Dans l’ombre, elle entendit :
« Parfait. Vous avez été raisonnable. Nous allons vous reconduire. Tenez, je vous laisse même votre manteau de fourrure. »
On lui entoura la tête avec une étoffe légère qui devait être un voile de dentelle semblable à celui de la femme. Puis elle fut placée dans l’automobile, et le voyage recommença avec les mêmes tournants brusques.
« Nous y voici, chuchota l’homme en ouvrant la portière et en la faisant descendre. Comme vous le voyez, cela n’a pas été bien grave, et vous retournez sans une égratignure. Mais, si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas souffler mot de ce que vous avez pu voir ou deviner. Vos diamants ont été volés. Un point, c’est tout. Oubliez le reste. Mes hommages respectueux. »
L’auto fila rapidement. Régine ôta son voile et reconnut la place du Trocadéro. Si près qu’elle fût de son appartement (elle habitait à l’entrée de l’avenue Henri-Martin), il lui fallut un effort prodigieux pour s’y rendre. Ses jambes fléchissaient sous elle, son cœur battait à lui faire mal. Il lui semblait à tout instant qu’elle allait tournoyer et s’abattre comme une masse. Mais, au moment où ses forces l’abandonnaient, elle avisa quelqu’un qui venait en courant à sa rencontre, et elle se laissa tomber dans les bras de Jean d’Enneris, qui l’assit sur un banc de l’avenue déserte.
« Je vous attendais, dit-il, très doucement.
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