il ne manquera pas à sa promesse.

– Et puis si joli, avec ses longs cheveux blonds bouclés.

– Et son nom... quel nom charmant... comme il va bien à sa figure !

– Et quel doux sourire, et quelle douce voix, quand il nous dit, en nous prenant la main : « Mes enfants, bénissez Dieu de ce qu’il vous a donné la même âme... Ce que l’on cherche ailleurs, vous le trouverez en vous-mêmes. »

– « Puisque vos deux cœurs n’en font qu’un... » a-t-il ajouté.

– Quel bonheur pour nous de nous souvenir de toutes ses paroles, ma sœur !

– Nous sommes si attentives ! Tiens... te voir l’écouter, c’est comme si je me voyais l’écouter moi-même, mon cher petit miroir ! dit Rose en souriant et en baisant sa sœur au front. Eh bien, quand il parle, tes yeux... ou plutôt nos yeux... sont grands, grands ouverts, nos lèvres s’agitent comme si nous répétions en nous-mêmes chaque mot après lui. Il n’est pas étonnant que, de ce qu’il dit, rien ne soit oublié de nous.

– Et ce qu’il dit est si beau, si noble, si généreux !

– Puis, n’est-ce pas, ma sœur, à mesure qu’il parle, que de bonnes pensées on sent naître en soi ! Pourvu que nous nous les rappelions toujours !

– Sois tranquille, elles resteront dans notre cœur, comme de petits oiseaux dans le nid de leur mère.

– Sais-tu, Rose, que c’est un grand bonheur qu’il nous aime toutes deux à la fois ?

– Il ne pouvait faire autrement, puisque nous n’avons qu’un cœur à nous deux.

– Comment aimer Rose sans aimer Blanche ?

– Que serait devenue la délaissée ?

– Et puis il aurait été si embarrassé de choisir !

– Nous nous ressemblons tant !

– Aussi, pour s’épargner cet embarras, dit Rose en souriant, il nous a choisies toutes deux.

– Cela ne vaut-il pas mieux ? Il est seul à nous aimer... nous sommes deux à le chérir.

– Pourvu qu’il ne nous quitte pas jusqu’à Paris.

– Et qu’à Paris nous le voyions aussi.

– C’est surtout à Paris qu’il sera bon de l’avoir avec nous... et avec Dagobert... dans cette grande ville. Mon Dieu, Blanche, que cela doit être beau !

– Paris ? ça doit être comme une ville d’or...

– Une ville où tout le monde doit être heureux... puisque c’est si beau !

– Mais nous, pauvres orphelines, oserons-nous y entrer seulement ?... Comme on nous regardera !

– Oui... mais puisque tout le monde doit être heureux, tout le monde doit y être bon.

– Et l’on nous aimera...

– Et puis nous serons avec notre ami... aux cheveux blonds et aux yeux bleus.

– Il ne nous a encore rien dit de Paris...

– Il n’y aura pas songé. Il faudra lui en parler cette nuit.

– S’il est en train de causer... car souvent, tu sais, il a l’air d’aimer à nous contempler en silence, ses yeux sur nos yeux...

– Oui, et dans ces moments-là son regard me rappelle quelquefois le regard de notre mère chérie.

– Et elle... combien elle doit être heureuse de ce qui nous arrive... puisqu’elle nous voit !

– Car si l’on nous aime tant, c’est que sans doute nous le méritons.

– Voyez-vous, la vaniteuse ! dit Blanche, en se plaisant à lisser, du bout de ses doits déliés, les cheveux de sa sœur séparés sur son front.

Après un moment de réflexion, Rose lui dit :

– Ne trouves-tu pas que nous devrions tout raconter à Dagobert ?

– Si tu le crois, faisons-le.

– Nous lui dirons tout, comme nous disions tout à notre mère ; pourquoi lui cacher quelque chose ?...

– Et surtout quelque chose qui nous est un si grand bonheur.

– Ne trouves-tu pas que, depuis que nous connaissons notre ami, notre cœur bat plus vite et plus fort ?

– Oui, on dirait qu’il est plus plein.

– C’est tout simple, notre ami y tient une si bonne petite place !

– Aussi nous ferons bien de dire à Dagobert quelle a été notre bonne étoile.

– Tu as raison.

À ce moment le chien grogna de nouveau sourdement.

– Ma sœur, dit Rose en se pressant contre Blanche, voilà encore le chien qui gronde ; qu’est-ce qu’il a donc ?

– Rabat-Joie... ne gronde pas ; viens ici, reprit Blanche en frappant de sa petite main sur le bord de son lit.

Le chien se leva, fit encore un grognement sourd, et vint poser sur la couverture sa grosse tête intelligente, en jetant obstinément un regard de côté vers la croisée ; les deux sœurs se penchèrent vers lui pour caresser son large front bossué vers le milieu par une protubérance remarquable, signe évident d’une grande pureté de race.

– Qu’est-ce que vous avez à gronder ainsi, Rabat-Joie ? dit Blanche en lui tirant légèrement les oreilles, hein ?... mon bon chien ?

– Pauvre bête, il est toujours si inquiet quand Dagobert n’est pas là.

– C’est vrai, on dirait qu’il sait alors qu’il faut qu’il veille encore plus sur nous.

– Ma sœur, il me semble que Dagobert tarde bien à nous dire bonsoir.

– Sans doute il panse Jovial.

– Cela me fait songer que nous ne lui avons pas dit bonsoir, à notre vieux Jovial.

– J’en suis fâchée.

– Pauvre bête ! il a l’air si content de nous lécher les mains...

– On croirait qu’il nous remercie de notre visite.

– Heureusement, Dagobert lui aura dit bonsoir pour nous.

– Bon Dagobert ! il s’occupe toujours de nous ; comme il nous gâte !... Nous faisons les paresseuses, et il se donne tout le mal.

– Pour l’en empêcher, comment faire ?

– Quel malheur de n’être pas riches pour lui assurer un peu de repos.

– Riches... nous ?... hélas ! ma sœur, nous ne serons jamais que de pauvres orphelines.

– Mais cette médaille, enfin ?

– Sans doute quelque espérance s’y rattache, sans cela nous n’aurions pas fait ce grand voyage.

– Dagobert nous a promis de nous tout dire ce soir.

La jeune fille ne put continuer : deux carreaux de la croisée volèrent en éclats avec un grand bruit. Les orphelines, poussant un cri d’effroi, se jetèrent dans les bras l’une de l’autre, pendant que le chien se précipitait vers la croisée en aboyant avec furie... Pâles, tremblantes, immobiles de frayeur, étroitement enlacées, les deux sœurs suspendaient leur respiration ; dans leur épouvante, elles n’osaient pas jeter les yeux du côté de la fenêtre. Rabat-Joie, les pattes de devant appuyées sur la plinthe, ne cessait pas ses aboiements irrités.

– Hélas !... qu’est-ce donc ? murmurèrent les orphelines ; et Dagobert qui n’est pas là...

Puis, tout à coup, Rose s’écria en saisissant le bras de Blanche :

– Écoute !...