dit l’Indien.
– Vous êtes... le fils de Kadja-Sing ?
– Encore une fois, que veux-tu ?
– L’ami du général Simon !...
– Le général Simon ! ! !... s’écria Djalma.
– Vous allez au-devant de lui... comme vous y allez chaque soir depuis que vous attendez son retour de Sumatra ?
– Oui... mais comment sais-tu ?... dit l’Indien en regardant le contrebandier avec autant de surprise que de curiosité.
– Il doit débarquer à Batavia aujourd’hui ou demain.
– Viendrais-tu de sa part ?...
– Peut-être, dit Mahal d’un air défiant. Mais êtes-vous bien le fils de Kadja-Sing ?
– C’est moi... te dis-je... Mais où as-tu vu le général Simon ?
– Puisque vous êtes le fils de Kadja-Sing, reprit Mahal en regardant toujours Djalma d’un air soupçonneux, quel est votre surnom ?...
– On appelait mon père le Père du Généreux, répondit le jeune Indien, et un regard de tristesse passa sur ses beaux traits.
Ces mots parurent commencer à convaincre Mahal de l’identité de Djalma ; pourtant, voulant sans doute s’éclairer davantage, il reprit :
– Vous avez dû recevoir, il y a deux jours, une lettre du général Simon, écrite de Sumatra.
– Oui... mais pourquoi ces questions ?
– Pour m’assurer que vous êtes bien le fils de Kadja-Sing et exécuter les ordres que j’ai reçus.
– De qui ?
– Du général Simon...
– Mais où est-il ?
– Lorsque j’aurai la preuve que vous êtes le prince Djalma, je vous le dirai ; on m’a bien averti que vous étiez monté sur une cavale noire bridée de rouge... mais...
– Par ma mère !... parleras-tu ?...
– Je vous dirai tout... si vous pouvez me dire quel était le papier imprimé renfermé dans la dernière lettre que le général Simon vous a écrite de Sumatra.
– C’était un fragment de journal français.
– Et ce journal annonçait-il une bonne ou mauvaise nouvelle touchant le général ?
– Une bonne nouvelle, puisqu’on lisait qu’en son absence on avait reconnu le dernier titre et le dernier grade qu’il devait à l’empereur, ainsi qu’on a fait aussi pour d’autres de ses frères d’armes exilés comme lui.
– Vous êtes bien le prince Djalma, dit le contrebandier après un moment de réflexion. Je peux parler... Le général Simon est débarqué cette nuit à Java... mais dans un endroit désert de la côte.
– Dans un endroit désert !...
– Parce qu’il faut qu’il se cache...
– Lui !... s’écria Djalma stupéfait. Se cacher... et pourquoi !
– Je n’en sais rien...
– Mais où est-il ! demanda Djalma en pâlissant d’inquiétude.
– Il est à trois lieues d’ici... près du bord de la mer... dans les ruines de Tchandi...
– Lui... forcé de se cacher... répéta Djalma, et sa figure exprimait une surprise et une angoisse croissantes.
– Sans en être certain, je crois qu’il s’agit d’un duel qu’il a eu à Sumatra... dit mystérieusement le contrebandier.
– Un duel... et avec qui ?
– Je ne sais pas, je n’en suis pas sûr ; mais connaissez-vous les ruines de Tchandi !...
– Oui.
– Le général vous y attend ; voilà ce qu’il m’a ordonné de vous dire...
– Tu es donc venu avec lui de Sumatra ?
– J’étais le pilote du petit bâtiment côtier-contrebandier qui l’a débarqué cette nuit sur une plage déserte. Il savait que vous veniez chaque jour l’attendre sur la route du Môle ; j’étais à peu près sûr de vous y rencontrer... Il m’a donné, sur la lettre que vous avez reçue de lui, les détails que je viens de vous dire, afin de vous bien prouver que je venais de sa part ; s’il avait pu vous écrire, il l’aurait fait.
– Et il ne t’a pas dit pourquoi il était obligé de se cacher ?...
– Il ne m’a rien dit... D’après quelques mots, j’ai soupçonné ce que je vous ai dit... un duel !...
Connaissant la bravoure et la vivacité du général Simon, Djalma crut les soupçons du contrebandier assez fondés.
Après un moment de silence, il lui dit :
– Veux-tu te charger de reconduire mon cheval !... Ma maison est en dehors de la ville, là-bas, cachée dans les arbres de la mosquée neuve...
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