Le Masque de la mort rouge

Le Masque de la mort rouge
Edgar Allan Poe
(Traducteur:
Charles Baudelaire)
Publication: 1842
Catégorie(s): Fiction, Nouvelles
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A Propos Poe:
Edgar Allan Poe was an American poet, short story writer,
playwright, editor, critic, essayist and one of the leaders of the
American Romantic Movement. Best known for his tales of the macabre
and mystery, Poe was one of the early American practitioners of the
short story and a progenitor of detective fiction and crime
fiction. He is also credited with contributing to the emergent
science fiction genre.Poe died at the age of 40. The cause of his
death is undetermined and has been attributed to alcohol, drugs,
cholera, rabies, suicide (although likely to be mistaken with his
suicide attempt in the previous year), tuberculosis, heart disease,
brain congestion and other agents. Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks Poe:
Double Assassinat
dans la rue Morgue (1841)
Le Chat
noir (1843)
Silence
(1837)
Le Scarabée
d’or (1843)
La Lettre
Volée (1844)
Le Sphinx
(1846)
La Chute de la
maison Usher (1839)
Aventure sans
pareille d'un certain Hans Pfaal (1835)
Hop-Frog
(1850)
Le Cœur
révélateur (1843)
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La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée.
Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c’était le
sang, – la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs
aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les
pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le
corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au
ban de l’humanité, et lui fermaient tout secours et toute
sympathie. L’invasion, le progrès, le résultat de la maladie, tout
cela était l’affaire d’une demi-heure.
Mais le prince Prospero était heureux, et intrépide, et sagace.
Quand ses domaines furent à moitié dépeuplés, il convoqua un
millier d’amis vigoureux et allègres de cœur, choisis parmi les
chevaliers et les dames de sa cour, et se fit avec eux une retraite
profonde dans une de ses abbayes fortifiées. C’était un vaste et
magnifique bâtiment, une création du prince, d’un goût excentrique
et cependant grandiose. Un mur épais et haut lui faisait une
ceinture. Ce mur avait des portes de fer. Les courtisans, une fois
entrés, se servirent de fourneaux et de solides marteaux pour
souder les verrous. Ils résolurent de se barricader contre les
impulsions soudaines du désespoir extérieur et de fermer toute
issue aux frénésies du dedans. L’abbaye fut largement
approvisionnée. Grâce à ces précautions, les courtisans pouvaient
jeter le défi à la contagion. Le monde extérieur s’arrangerait
comme il pourrait. En attendant, c’était folie de s’affliger ou de
penser. Le prince avait pourvu à tous les moyens de plaisir. Il y
avait des bouffons, il y avait des improvisateurs, des danseurs,
des musiciens, il y avait le beau sous toutes ses formes, il y
avait le vin. En dedans, il y avait toutes ces belles choses et la
sécurité. Au-dehors, la Mort Rouge.
Ce fut vers la fin du cinquième ou sixième mois de sa retraite,
et pendant que le fléau sévissait au-dehors avec le plus de rage,
que le prince Prospero gratifia ses mille amis d’un bal masqué de
la plus insolite magnificence.
Tableau voluptueux que cette mascarade ! Mais d’abord
laissez-moi vous décrire les salles où elle eut lieu. Il y en avait
sept, – une enfilade impériale. Dans beaucoup de palais, ces séries
de salons forment de longues perspectives en ligne droite, quand
les battants des portes sont rabattus sur les murs de chaque côté,
de sorte que le regard s’enfonce jusqu’au bout sans obstacle. Ici,
le cas était fort différent, comme on pouvait s’y attendre de la
part du duc et de son goût très-vif pour le bizarre. Les salles
étaient si irrégulièrement disposées, que l’œil n’en pouvait guère
embrasser plus d’une à la fois. Au bout d’un espace de vingt à
trente yards, il y avait un brusque détour, et à chaque coude un
nouvel aspect. À droite et à gauche, au milieu de chaque mur, une
haute et étroite fenêtre gothique donnait sur un corridor fermé qui
suivait les sinuosités de l’appartement. Chaque fenêtre était faite
de verres coloriés en harmonie avec le ton dominant dans les
décorations de la salle sur laquelle elle s’ouvrait. Celle qui
occupait l’extrémité orientale, par exemple, était tendue de bleu,
– et les fenêtres étaient d’un bleu profond.
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