Il me conseille décidément un peu d'ouate ici. J'ai, en effet, une épaule plus basse que l'autre.

BLANCHE : Je n'avais pas remarqué.

MAURICE : Je peux l'avouer, aujourd'hui que ça vous est égal.

BLANCHE : Je ne le dirai à personne.

MAURICE : De là, je suis allé à l'église. Il paraît qu'il va falloir me confesser !

BLANCHE : Sans doute, il faut remettre votre âme à neuf.

MAURICE : Les uns m'affirment que le billet de confession s'achète, et les autres que je puis tomber sur un prêtre grincheux qui me dira, si je pose pour l'homme du monde et l'esprit fort : « Il ne s'agit pas de ça, mon garçon. Êtes-vous chrétien, oui ou non ? Si vous êtes chrétien, agenouillez-vous et faites votre examen de conscience. » Je me vois grotesque, frappant les dalles de mes bottines vernies. Agréable quart d'heure !

BLANCHE : Il vous faudra, je le crains, plus d'un quart d'heure. Pauvre ami, votre fiancée vous saura gré d'un tel sacrifice !

Il se lève et s'adosse à la cheminée

MAURICE : Je suis très embêté... Et dites-moi. (avec hésitation) Ma chère amie, vous ne songez pas à vous dérober, vous assisterez sûrement à mon mariage ?

BLANCHE : Vous m'invitez toujours ?

MAURICE : Naturellement. À la cérémonie religieuse.

BLANCHE : J'irai.

MAURICE : Je compte sur vous. (froidement) On s'amusera. (plus gaiement) Vous surtout. Vous me verrez descendre les marches de l'église, avec la petite en blanc.

BLANCHE : Vous ferez très bien.

MAURICE : Malgré moi, je pense, faut-il le dire ? Oh ! je peux tout dire à vous... (il vient s'asseoir sur le pouf, en face de Blanche) Je pense à des histoires de vitriol.

BLANCHE : Ah ! vous me sondez ! Eh bien ! mon ami, quittez vos idées. Elles vous donnent l'air candide. Est-ce assez vilain, un homme qui a peur ! Car vous avez peur, et vous vous tiendrez sur la défensive, le coude en bouclier. Les saints riront dans leur niche. Vous mériteriez !... Mais je craindrais de brûler ma robe.

MAURICE : Taquine ! Vous vous trompez, vous ne m'effrayez pas, et j'ai même l'intention de vous présenter à ma femme, comme une parente.

BLANCHE : Ou comme une institutrice pour les enfants à naître. Plus tard je les garderais, et vous pourriez voyager.

MAURICE : Déjà aigre-douce ! Ça débute mal.

BLANCHE : Aussi vous m'agacez avec votre système de compensations. (elle se lève et remet à Maurice la carte de la fleuriste et la carte de Mme Paulin) Moi, je suis allée chez la fleuriste. Elle promet de vous fournir, chaque matin, un bouquet de dix francs.

MAURICE : Dix francs ?

BLANCHE : Oh ! j'ai marchandé. Par ces froids, ce n'est pas cher.

MAURICE : Non, si les fleurs sont belles, et si on les porte à domicile.

BLANCHE : On les portera. J'ai prié Mme Paulin de vous chercher une bague, un éventail, une bonbonnière et quelques menus bibelots. J'ai dit que vous vouliez être généreux, sans faire de folies, toutefois.

MAURICE : Évidemment. (avec une légère inquiétude) Et ce sera payable ?

BLANCHE : À votre gré ; plus tard, après le mariage.

MAURICE (rassuré) :. Je vous remercie. (il se lève ; tous deux sont séparés par la table) Vraiment, vous n'êtes pas une femme comme les autres.

BLANCHE : Aucune femme n'est comme les autres. Quelle femme suis-je donc ?

MAURICE (prenant la main de Blanche) : Une femme de tact.

BLANCHE : Puisque tout est convenu, arrêté.

MAURICE : D'accord. Oh ! jusqu'à cette dernière visite, nous avons été parfaits. Mais c'est ma dernière visite.