Le Robinson suisse / ou Histoire d'une famille suisse naufragée



The Project BookishMall.com EBook of Le robinson suisse, by Johann David Wyss

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Title: Le robinson suisse
ou Histoire d'une famille suisse naufragée

Author: Johann David Wyss

Translator: Isabelle de Montolieu

Release Date: April 11, 2006 [EBook #18152]

Language: French


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Johann David WYSS

LE ROBINSON SUISSE

ou Histoire d'une famille suisse naufragée

(1812—édition: 1870)

Note sur l'auteur

PRÉFACE

TOME I

CHAPITRE I—Tempête.—Naufrage.—Corsets natatoires.—Bateau de cuves.

CHAPITRE II—Chargement du radeau.—Personnel de la famille.—Débarquement—Premières dispositions.—Le homard.—Le sel.—Excursions de Fritz.—L'agouti.—La nuit à terre.

CHAPITRE III—Voyage de découverte.—Les noix de coco.—Les calebassiers.—La canne à sucre.—Les singes.

CHAPITRE IV—Retour.—Capture d'un singe.—Alarme nocturne.—Les chacals.

CHAPITRE V—Voyage au navire.—Commencement du pillage.

CHAPITRE VI—Le troupeau à la nage.—Le requin.—Second débarquement.

CHAPITRE VII—Récit de ma femme.—Colliers des chiens—L'outarde.—Les œufs de tortue.—Les arbres gigantesques.

CHAPITRE VIII—Le pont.

CHAPITRE IX—Départ.—Nouvelle demeure.—Le porc-épic.—Le chat sauvage.

CHAPITRE X—Premier établissement.—Le flamant,—L'échelle de bambou.

CHAPITRE XI—Construction du château aérien.—Première nuit sur l'arbre.—Le dimanche.—Les ortolans.

CHAPITRE XII—La promenade.—Nouvelles découvertes.—Dénomination de divers lieux.—La pomme de terre.—La cochenille.

CHAPITRE XIII—La claie.—La poudre à canon.—Visite à Zelt-Heim. Le kanguroo.—La mascarade.

CHAPITRE XIV—Second voyage au vaisseau.—Pillage général.—La tortue.—Le manioc.

CHAPITRE XV—Voyage au vaisseau.—Les pingouins.—Le manioc et sa préparation.—La cassave.

CHAPITRE XVI—La pinasse.—La machine infernale.—Le jardin potager.

CHAPITRE XVII—Encore un dimanche.—Le lazo.—Excursion au bois des Calebassiers.—Le crabe de terre.—L'iguane.

CHAPITRE XVIII—Nouvelle excursion.—Le coq de bruyère.—L'arbre à cire.—La colonie d'oiseaux.—Le caoutchouc.—Le sagoutier.

CHAPITRE XIX—Les bougies.—Le beurre.—Embellissement de Zelt-Heim. Dernier voyage au vaisseau.—L'arsenal.

CHAPITRE XX—Voyage dans l'intérieur.—Le vin de palmier.—Fuite de l'âne.—Les buffles.

CHAPITRE XXI—Le jeune chacal.—L'aigle du Malabar.—Le vermicelle.

CHAPITRE XXII—Les greffes.—La ruche.—Les abeilles.

CHAPITRE XXIII—L'escalier.—Éducation du buffle, du singe, de l'aigle.—Canal de bambous.

CHAPITRE XXIV—L'onagre.—Le phormium tenax.—Les pluies.

CHAPITRE XXV—La grotte à sel.—Habitation d'hiver.—Les harengs.—Les chiens marins.

CHAPITRE XXVI—Le plâtre.—Les saumons.—Les esturgeons.—Le caviar.—Le coton.

CHAPITRE XXVII—La maison de campagne.—Les fraises—L'ornithorynque.

CHAPITRE XXVIII—La pirogue.—Travaux à la grotte.

CHAPITRE XXIX—Anniversaire de la délivrance.—Exercices gymnastiques.—Distribution des prix.

CHAPITRE XXX—L'anis.—Le ginseng.

CHAPITRE XXXI—Gluau.—Grande chasse aux singes.—Les pigeons des Moluques.

CHAPITRE XXXII—Le pigeonnier.

CHAPITRE XXXIII—Aventure de Jack.

TOME II

CHAPITRE I—Second hiver.

CHAPITRE II—Première sortie après les pluies.—La baleine.—Le corail.

CHAPITRE III—Dépècement de la baleine.

CHAPITRE IV—L'huile de baleine.—Visite à la métairie.—La tortue géante.

CHAPITRE V—Le métier à tisser.—Les vitres.—Les paniers.—Le palanquin.—Aventure d'Ernest.—Le boa.

CHAPITRE VI—Mort de l'âne et du boa.—Entretien sur les serpents venimeux.

CHAPITRE VII—Le boa empaillé.—La terre à foulon.—La grotte de cristal.

CHAPITRE VIII—Voyage à l'écluse.—Le cabiai.—L'ondatra.—La civette et le musc.—La cannelle.

CHAPITRE IX—Le champ de cannes à sucre.—Les pécaris.—Le rôti de Taïti.—Le ravensara.—Le bambou.

CHAPITRE X—Arrivée à l'écluse.—Excursion dans la savane. L'autruche.—La tortue de terre.

CHAPITRE XI—La prairie.—Terreur d'Ernest.—Combat contre les ours.—La terre de porcelaine.—Le condor et l'urubu.

CHAPITRE XII—Préparation de la chair de l'ours.—Le poivre.—Excursion dans la savane.—Le lapin angora.—L'antilope royale.—L'oiseau aux abeilles et le verre fossile.

CHAPITRE XIII—Capture d'une autruche.—La vanille.—L'euphorbe et les œufs d'autruche.

CHAPITRE XIV—Éducation de l'autruche.—L'hydromel.—La tannerie et la chapellerie.

CHAPITRE XV—La poterie.—Construction du caïak.—La gelée d'algues marines.—La garenne.

CHAPITRE XVI—Le moulin à gruau.—Le caïak.—La vache marine.

CHAPITRE XVII—L'orage.—Les clous de girofle.—Le pont-levis.—Le lèche-sel.—Le pemmikan.—Les pigeons messagers.—L'hyène.

CHAPITRE XVIII—Retour du pigeon messager.—La chasse aux cygnes.—Le héron et le tapir.—La grue.—Le moenura superba.—Grande déroute des singes.—Ravage des éléphants à Zuckertop.—Arrivée à l'Écluse.

CHAPITRE XIX—Le cacao.—Les bananes.—La poule sultane.—L'hippopotame.—Le thé et le câprier.—La grenouille géante.—Terreur de Jack.—L'édifice de Falken-Horst.—Le corps de garde dans l'île aux Requins.

CHAPITRE XX—Coup d'œil général sur la colonie et ses dépendances.—La basse-cour.—Les arbres et le bétail.—Les machines et les magasins.

CHAPITRE XXI—Nouvelles découvertes à l'occident.—Heureuse expédition de Fritz.—Les dents de veau marin.—La baie des Perles.—La loutre de mer.—L'albatros.—Retour à Felsen-Heim.

CHAPITRE XXII—Les nids d'hirondelles.—Les perles fausses.—La pêche des perles.—Le sanglier d'Afrique.—Danger de Jack.—La truffe.

CHAPITRE XXIII—Visite au sanglier.—Le coton de Nankin.—Le lion.—Mort de Bill.—Un nouvel hiver.

CHAPITRE XXIV—Le navire européen.—Le mécanicien et sa famille.—Préparatifs de retour en Europe.—Séparation.—Conclusion.

Note sur l'auteur

Johann David Wyss est né à Berne en 1743. Pasteur à la collégiale de Berne, il est l'auteur du Robinson Suisse, l'un des plus célèbres romans écrits à l'imitation du Robinson Crusoé de Daniel Defoe.

Johann David Wyss conçut cette histoire pour la raconter à ses enfants. À la différence de Daniel Defoe, le naufragé de Wyss n'est pas jeté seul sur une île déserte: il parvient à sauver sa famille du naufrage. Ce sera alors l'occasion pour le père de prodiguer à ses enfants de sages conseils.

Le Robinson Suisse fut publié par le fils de Wyss, Johann Rudolph, professeur de philosophie à l'Académie de Berne. L'ouvrage fut traduit en français, en 1824, par la baronne de Montolieu.

Préface

Moins populaire que le livre de Daniel De Foe, parce qu'il n'a pas servi à l'amusement et à l'instruction d'un aussi grand nombre de générations, le Robinson suisse est destiné à prendre place à côté du Robinson anglais lorsqu'il sera mieux connu, et que la haute idée morale qui s'y trouve si dramatiquement développée aura été plus sérieusement et plus fréquemment appréciée.

Daniel De Foe n'a mis en scène qu'un homme isolé, sans expérience et sans connaissance du monde, tandis que Wyss a raconté les travaux, les efforts de toute une famille, pour se créer des moyens d'existence avec les ressources de la nature et celles que donnent au chef de cette famille les lumières de la civilisation. Les personnages eux-mêmes intéressent davantage les jeunes lecteurs auxquels ce livre est destiné. Ce sont, comme eux, des enfants de différents âges et de caractères variés, qui, par leurs dialogues naïfs, rompent agréablement la monotonie du récit individuel, défaut que l'admirable talent de l'auteur anglais n'a pas toujours pu éviter. Le style de Wyss, dans sa simplicité et dans la puérilité apparente des détails, est merveilleusement approprié à l'esprit de ses lecteurs; un enfant, dans ses premières compositions, ne penserait pas autrement. Prier Dieu, s'occuper des repas que la prévoyance de ses parents lui a préparés, se livrer à des amusements variés, n'est-ce pas tout l'emploi du temps de l'enfance? C'est là, n'en doutons pas, une des principales causes du vif plaisir que procure la lecture du Robinson suisse, même à des hommes faits qui ne s'en sont jamais rendu raison.

Il est cependant un reproche qu'on peut adresser à Wyss, et que ne mérite pas son devancier. Robinson, dans son île, ne trouve que les animaux et les plantes qui peuvent naturellement s'y rencontrer d'après sa position géographique. Wyss, au contraire, a réuni dans l'île du naufragé suisse tous les animaux, tous les arbres, toutes les richesses végétales et minérales que la nature a répandues avec profusion dans les délicieuses îles de l'océan Pacifique; et cependant chaque contrée a sa part dans cette admirable distribution des faveurs de la Providence: les plantes, les animaux de la Nouvelle-Hollande ne sont pas ceux de la Nouvelle-Zélande et de Taïti. Le but de l'auteur a été de faire passer sous nos yeux, dans un cadre de peu d'étendue, les productions propres à tous les pays avec lesquels nous sommes peu familiarisés, ce qui excuse en quelque sorte cette réunion sur un seul point de l'Océan de tout ce qui ne se rencontre que dans une multitude d'îles diverses.

Les descriptions n'ont pas toujours l'exactitude réclamée par les naturalistes; dans quelques circonstances, la vérité a été sacrifiée à l'intérêt. C'est pour ne pas nuire à cet intérêt que nous n'avons rien changé aux descriptions, quoiqu'il nous eût été facile de les rectifier.

Mais combien ces taches ne sont-elles pas effacées par les leçons admirables de résignation, de courage et de ferme persévérance qu'on y trouve à chaque page! Vouloir, c'est pouvoir, a-t-on dit; jamais cette maxime n'avait été développée sous une forme plus heureuse et plus dramatique. Robinson avait déjà montré, il est vrai, comment on parvient à pourvoir aux premiers besoins de la vie solitaire. Ici, dès les premiers pas, ces cruelles nécessités n'existent plus; ce sont les jouissances de la vie sociale qu'il faut satisfaire et les persévérants efforts des naufragés pour arriver à ce but obtiennent un tel succès, qu'ils parviennent même à se créer un musée.

Comme dans son modèle, à chaque page Wyss a semé les enseignements sublimes de la morale évangélique; tout est rapporté par lui à l'auteur de toutes choses, et l'orgueil humain est constamment abaissé devant la grandeur et la bonté de Dieu. L'ouvrage a été écrit par un auteur protestant, mais avec une telle mesure, qu'il a suffi de quelques légères corrections pour le rendre tout à fait propre à des lecteurs catholiques.

Wyss a cru devoir se dispenser d'entrer dans des détails d'avant-scène; l'action commence au moment même du naufrage, et, semblable à un auteur dramatique, il ne nous fait connaître les acteurs que par leur langage et leurs actions. Ainsi que lui, nous renvoyons à la narration le lecteur, qui sera bientôt familiarisé avec les personnages.

Friedrich Muller.

TOME I

CHAPITRE I

Tempête.—Naufrage.—Corsets natatoires.—Bateau de cuves.

La tempête durait depuis six mortels jours, et, le septième, sa violence, au lieu de diminuer, semblait augmenter encore. Elle nous avait jetés vers le S.-O., si loin de notre route, que personne ne savait où nous nous trouvions. Les passagers, les matelots, les officiers étaient sans courage et sans force; les mâts, brisés, étaient tombés par-dessus le bord; le vaisseau, désemparé, ne manœuvrait plus, et les vagues irritées le poussaient ça et là. Les matelots se répandaient en longues prières et offraient au Ciel des vœux ardents; tout le monde était du reste dans la consternation, et ne s'occupait que des moyens de sauver ses jours.

«Enfants, dis-je à mes quatre fils effrayés et en pleurs, Dieu peut nous empêcher de périr s'il le veut; autrement soumettons-nous à sa volonté; car nous nous reverrons dans le ciel, où nous ne serons plus jamais séparés.»

Cependant ma courageuse femme essuyait une larme, et, plus tranquille que les enfants, qui se pressaient autour d'elle, elle s'efforçait de les rassurer, tandis que mon cœur, à moi, se brisait à l'idée du danger qui menaçait ces êtres bien-aimés. Nous tombâmes enfin tous à genoux, et les paroles échappées à mes enfants me prouvèrent qu'ils savaient aussi prier, et puiser le courage dans leurs prières. Je remarquai que Fritz demandait au Seigneur de sauver les jours de ses chers parents et de ses frères, sans parler de lui-même.

Cette occupation nous fit oublier pendant quelque temps le danger qui nous menaçait, et je sentis mon cœur se rassurer un peu à la vue de toutes ces petites têtes religieusement inclinées. Soudain nous entendîmes, au milieu du bruit des vagues, une voix crier: «Terre! terre!» et au même instant nous éprouvâmes un choc si violent, que nous en fûmes tous renversés, et que nous crûmes le navire en pièces; un craquement se fit entendre; nous avions touché. Aussitôt une voix que je reconnus pour celle du capitaine cria: «Nous sommes perdus! Mettez les chaloupes en mer!» Mon cœur frémit à ces funestes mots: Nous sommes perdus! Je résolus cependant de monter sur le pont, pour voir si nous n'avions plus rien à espérer. À peine y mettais-je le pied qu'une énorme vague le balaya et me renversa sans connaissance contre le mât. Lorsque je revins à moi, je vis le dernier de nos matelots sauter dans la chaloupe, et les embarcations les plus légères, pleines de monde, s'éloigner du navire.