Or, dans la matinée du 20, Jem West étant de quart, après la première observation d’angle horaire, le capitaine Len Guy, à mon extrême surprise, monta sur le pont, suivit une des coursives latérales au rouf, et vint se poster à l’arrière, devant l’habitacle, dont il regarda le cadran, plutôt par habitude que par nécessité.
Assis près du couronnement, avais-je été seulement aperçu du capitaine ?… Je n’aurais pu le dire, et il est certain que ma présence n’attira point son attention.
J’étais, pour ma part, très résolu à ne pas plus m’occuper de lui qu’il ne s’occupait de moi, et je restai accoudé contre la lisse.
Le capitaine Len Guy fit quelques pas, se pencha au-dessus du bastingage, observa le long sillage traînant à l’arrière, qui ressemblait à un ruban de dentelle blanche étroit et plat, tant les fines façons de la goélette se dérobaient rapidement à la résistance des eaux.
En cet endroit, on ne pouvait alors être entendu que d’une seule personne, – l’homme de barre, le matelot Stern, qui, la main sur les poignées de la roue, maintenait l’Halbrane contre les capricieuses embardées que provoque l’allure du grand largue.
Il paraît, toutefois, que, de cela, le capitaine Len Guy ne s’inquiétait guère, car il s’approcha de moi et, de sa voix toujours chuchotante, me dit :
« Monsieur… j’aurais à vous parler…
– Je suis prêt à vous entendre, capitaine.
– Je ne l’ai pas fait jusqu’à aujourd’hui… étant d’un naturel peu causeur… je l’avoue… Et puis… auriez-vous pris intérêt à ma conversation ?…
– Vous avez tort d’en douter, répliquai-je, et votre conversation ne peut qu’être des plus intéressantes. »
Je pense qu’il ne vit rien d’ironique dans cette réponse, – ou, du moins, il ne le témoigna pas.
« Je vous écoute », ajoutai-je.
Le capitaine Len Guy sembla hésiter, montrant l’attitude d’un homme qui, sur le point de parler, se demande s’il ne ferait pas mieux de se taire.
« Monsieur Jeorling, demanda-t-il, avez-vous cherché à savoir pour quelle raison j’avais changé d’avis au sujet de votre embarquement ?…
– J’ai cherché, en effet, et je n’ai pas trouvé, capitaine. Peut-être, en votre qualité d’Anglais… n’ayant point affaire à un compatriote… ne teniez-vous pas…
– Monsieur Jeorling, c’est précisément parce que vous êtes Américain que je me suis décidé, en fin de compte, à vous offrir passage sur l’Halbrane…
– Parce que je suis Américain ?… répondis-je assez surpris de l’aveu.
– Et aussi… parce que vous êtes du Connecticut…
– J’avoue ne pas encore comprendre…
– Vous aurez compris si j’ajoute que, dans ma pensée, puisque vous étiez du Connecticut, puisque vous aviez visité l’île Nantucket, il était possible que vous eussiez connu la famille d’Arthur Gordon Pym…
– Ce héros dont notre romancier Edgar Poe a raconté les surprenantes aventures ?…
– Lui-même, monsieur, – récit qu’il a fait d’après le manuscrit où étaient relatés les détails de cet extraordinaire et désastreux voyage à travers la mer Antarctique ! »
Je crus rêver à entendre le capitaine Len Guy parler de la sorte !… Comment… il croyait à l’existence d’un manuscrit d’Arthur Pym ?… Mais le roman d’Edgar Poe était-il autre chose qu’une fiction, une œuvre d’imagination du plus prodigieux de nos écrivains d’Amérique ?… Et voici qu’un homme de bon sens admettait cette fiction comme une réalité…
Je demeurai sans répondre, me demandant in petto à qui j’avais affaire.
« Vous avez entendu ma question ?… reprit le capitaine Len Guy en insistant.
– Oui… sans doute… capitaine… sans doute… et je ne sais si j’ai bien saisi…
– Je vais la répéter en termes plus clairs, monsieur Jeorling, car je désire une réponse formelle.
– Je serais heureux de vous satisfaire.
– Je vous demande donc si, au Connecticut, vous avez connu personnellement la famille Pym, qui habitait l’île Nantucket, et était alliée à l’un des plus honorables attorneys de l’État. Le père d’Arthur Pym, fournisseur de la marine, passait pour être l’un des principaux négociants de l’île. C’est son fils qui a été lancé dans les aventures dont Edgar Poe a recueilli de sa propre bouche l’étrange enchaînement…
– Et il aurait pu être plus étrange encore, capitaine, puisque toute cette histoire est sortie de la puissante imagination de notre grand poète… C’est de pure invention…
– De pure invention !… »
Et, en prononçant ces trois mots, le capitaine Len Guy, haussant par trois fois les épaules, fit de chaque syllabe la note d’une gamme ascendante.
« Ainsi, reprit-il, vous ne croyez pas, monsieur Jeorling…
– Ni moi ni personne n’y croit, capitaine Guy, et vous êtes le premier que j’aurai entendu soutenir qu’il ne s’agit pas d’un simple roman…
– Écoutez-moi donc, monsieur Jeorling, car, si ce "roman" – comme vous le qualifiez – n’a paru que l’année dernière, il n’en est pas moins une réalité. Si onze ans se sont écoulés depuis les faits qu’il rapporte, ils n’en sont pas moins vrais, et on attend toujours le mot d’une énigme, qui ne sera jamais révélé peut-être !… »
Décidément, il était fou, le capitaine Len Guy, et sous l’influence d’une crise qui produisait le déséquilibrement de ses facultés mentales !… Par bonheur, s’il avait perdu la raison, Jem West ne serait pas gêné de le remplacer dans le commandement de la goélette ! Je n’avais, au surplus, qu’à l’écouter, et, comme je connaissais le roman d’Edgar Poe pour l’avoir lu et relu, j’étais curieux de savoir ce qu’allait en dire le capitaine.
« Et maintenant, monsieur Jeorling – reprit-il d’un ton plus accentué, avec un tremblement de la voix qui dénotait une certaine irritation nerveuse –, il est possible que vous n’ayez pas connu la famille Pym, que vous ne l’ayez rencontrée ni à Hartford ni à Nantucket…
– Ni ailleurs, répondis-je.
– Soit ! mais gardez-vous d’affirmer que cette famille n’a pas existé, qu’Arthur Gordon Pym n’est qu’un personnage fictif, que son voyage n’est qu’un voyage imaginaire !… Oui !… gardez-vous de cela comme de nier les dogmes de notre sainte religion !… Est-ce qu’un homme – fût-ce votre Edgar Poe – eût été capable d’inventer, de créer ?… »
À la violence croissante du capitaine Len Guy, je compris la nécessité de respecter sa monomanie et d’accepter ses dires sans discussion.
« À présent, monsieur, affirma-t-il, retenez bien les faits que je vais préciser… Ils sont probants, et il n’y a pas à discuter des faits. Vous en tirerez les conséquences qu’il vous plaira… Je l’espère, vous ne me ferez pas regretter d’avoir accepté votre passage à bord de l’Halbrane ! »
J’étais averti, bien averti, et fis un signe d’acquiescement. Des faits… des faits sortis d’une cervelle à demi détraquée ?… Cela promettait d’être curieux.
« Lorsque le récit d’Edgar Poe parut en 1838, je me trouvais à New York, reprit le capitaine Len Guy. Immédiatement, je partis pour Baltimore où demeurait la famille de l’écrivain, dont le grand-père avait servi comme quartier-maître général pendant la guerre de l’Indépendance. Vous admettez, je suppose, l’existence de la famille Poe, si vous niez celle de la famille Pym ?… »
Je restai muet, préférant ne plus interrompre les divagations de mon interlocuteur.
« Je m’enquis, continua-t-il, de certains détails relatifs à Edgar Poe… On m’enseigna sa demeure… Je me présentai chez lui… Première déception : il avait quitté l’Amérique à cette époque, et je ne pus le voir… »
La pensée me vint que cela était fâcheux, car, étant donné la merveilleuse aptitude que possédait Edgar Poe pour l’étude des divers genres de folie, il eût trouvé dans notre capitaine un type des plus réussis !
« Par malheur, poursuivit le capitaine Len Guy, si je n’avais pu rencontrer Edgar Poe, il m’était impossible d’en référer à Arthur Gordon Pym… Ce hardi pionnier des terres antarctiques était mort. Ainsi que l’avait déclaré le poète américain, à la fin du récit de ses aventures, cette mort était déjà connue du public, grâce aux communications de la presse quotidienne. »
Ce que disait le capitaine Len Guy était vrai ; mais, d’accord avec tous les lecteurs du roman, je pensais que cette déclaration n’était qu’un artifice du romancier. À mon avis, ne pouvant ou n’osant dénouer une si extraordinaire œuvre d’imagination, l’auteur donnait à entendre que les trois derniers chapitres ne lui avaient pas été livrés par Arthur Pym, lequel avait terminé son existence dans des circonstances soudaines et déplorables, qu’il ne faisait, d’ailleurs, pas connaître.
« Donc, continua le capitaine Len Guy, Edgar Poe étant absent, Arthur Pym étant mort, je n’avais plus qu’une chose à faire : retrouver l’homme qui avait été le compagnon de voyage d’Arthur Pym, ce Dirk Peters qui l’avait suivi jusqu’au dernier rideau des hautes latitudes, et d’où tous deux étaient revenus… comment ?… on l’ignore !… Arthur Pym et Dirk Peters avaient-ils effectué leur retour ensemble ?… Le récit ne s’expliquait pas à cet égard, et il y avait là, comme en maint endroit, des points obscurs. Toutefois, Edgar Poe déclarait que Dirk Peters serait en mesure de fournir quelques renseignements relatifs aux chapitres non communiqués, qu’il résidait dans l’Illinois. Je partis aussitôt pour l’Illinois… j’arrivai à Springfield… je m’informai de cet homme, qui était un métis d’origine indienne… Il habitait la bourgade de Vandalia… Je m’y rendis…
– Et il n’y était pas ?… ne pus-je me retenir de répondre en souriant.
– Seconde déception : il n’y était pas, ou plutôt, il n’y était plus, monsieur Jeorling. Depuis un certain nombre d’années déjà, ce Dirk Peters avait quitté l’Illinois et même les États-Unis pour aller… on ne sait où. Mais j’ai causé, à Vandalia, avec des gens qui l’avaient connu, chez lesquels il demeurait en dernier lieu, auxquels il avait raconté ses aventures – sans jamais s’être expliqué sur leur dénouement dont il est seul maintenant à posséder le secret ! »
Comment… ce Dirk Peters avait existé… existait encore ?… Je fus sur le point de me laisser prendre aux déclarations si affirmatives du commandant de l’Halbrane !… Oui ! un instant de plus, je m’emballais à mon tour !…
Voilà donc quelle absurde histoire occupait le cerveau du capitaine Len Guy, à quel état de détraquement intellectuel il en était arrivé !…
Il se figurait avoir fait ce voyage en Illinois, avoir vu, à Vandalia, les gens qui avaient connu Dirk Peters !… Que ce personnage eût disparu, je le crois bien, puisqu’il n’avait jamais existé… que dans le cerveau du romancier !
Cependant, je ne voulus point contrarier le capitaine Len Guy, ni provoquer un redoublement de la crise.
Aussi eus-je l’air d’ajouter foi à tout ce qu’il déclarait, même quand il ajouta :
« Vous n’ignorez pas, monsieur Jeorling, que, dans le récit, il est question d’une bouteille, renfermant une lettre cachetée, que le capitaine de la goélette sur laquelle Arthur Pym était embarqué avait déposée au pied de l’un des pics des Kerguelen ?…
– Cela est raconté, en effet… répondis-je.
– Eh bien, à l’un de mes derniers voyages, j’ai recherché la place où devait être cette bouteille… je l’y ai trouvée ainsi que la lettre… et cette lettre disait que le capitaine et son passager Arthur Pym feraient tous leurs efforts pour atteindre les extrêmes limites de la mer antarctique…
– Vous avez trouvé cette bouteille ?… demandai-je assez vivement.
– Oui.
– Et la lettre… qu’elle contenait ?…
– Oui. »
Je regardai le capitaine Len Guy… Il en était positivement, comme certains monomanes, à croire à ses propres inventions. Je fus sur le point de lui répliquer : Voyons cette lettre… mais je me ravisai… N’était-il pas capable de l’avoir écrite lui-même ?…
Et alors je répondis :
« Il est vraiment regrettable, capitaine, que vous n’ayez pu rencontrer Dirk Peters à Vandalia !… Il vous aurait appris, du moins, dans quelles conditions Arthur Pym et lui étaient revenus de si loin… Souvenez-vous… à l’avant-dernier chapitre… tous deux sont là… Leur canot est devant le rideau de brumes blanches… Il se précipite dans le gouffre de la cataracte… au moment où se dresse une figure humaine voilée… Puis, il n’y a plus rien… rien que deux lignes de points suspensifs…
– Effectivement, monsieur, il est très fâcheux que je n’aie pu mettre la main sur Dirk Peters !… C’eût été intéressant d’apprendre quel avait été le dénouement de ces aventures ! Mais, à mon avis, il m’aurait peut-être paru plus intéressant d’être fixé sur le sort des autres…
– Les autres ?… m’écriai-je un peu malgré moi. De qui voulez-vous parler ?…
– Du capitaine et de l’équipage de la goélette anglaise qui avait recueilli Arthur Pym et Dirk Peters, après l’épouvantable naufrage du Grampus, et qui les conduisit à travers l’océan polaire jusqu’à l’île Tsalal…
– Monsieur Len Guy, fis-je observer, comme si je ne mettais plus en doute la réalité du roman d’Edgar Poe, est-ce que ces hommes n’avaient pas tous péri, les uns lors de l’attaque de la goélette, les autres dans un éboulement artificiel provoqué par les indigènes de Tsalal ?…
– Qui sait, monsieur Jeorling, répliqua le capitaine Len Guy d’une voix altérée par l’émotion, qui sait si quelques-uns de ces malheureux n’ont pas survécu, soit au massacre, soit à l’éboulement, si un ou plusieurs n’ont pu échapper aux indigènes ?…
– Dans tous les cas, répliquai-je, il serait difficile d’admettre que ceux qui auraient survécu fussent encore vivants…
– Et pourquoi ?…
– Parce que les faits dont nous parlons se seraient passés il y a plus de onze ans…
– Monsieur, répondit le capitaine Len Guy, puisque Arthur Pym et Dirk Peters ont pu s’avancer au-delà de l’île Tsalal plus loin que le 83e parallèle, puisqu’ils ont trouvé le moyen de vivre au milieu de ces contrées antarctiques, pourquoi leurs compagnons, s’ils ne sont pas tombés sous les coups des indigènes, s’ils ont été assez heureux pour gagner les îles voisines entrevues au cours du voyage… pourquoi ces infortunés, mes compatriotes, ne seraient-ils pas parvenus à y vivre ?… Pourquoi quelques-uns n’attendraient-ils pas encore leur délivrance ?…
– Votre pitié vous égare, capitaine, répondis-je en essayant de le calmer. Il serait impossible…
– Impossible, monsieur !… Et si un fait se produisait, si un témoignage irrécusable sollicitait le monde civilisé, si l’on découvrait une preuve matérielle de l’existence de ces malheureux, abandonnés aux confins de la terre, à qui parlerait d’aller à leur secours, oserait-on crier : Impossible ? »
Et en ce moment – ce qui m’évita de lui répondre, car il ne m’aurait pas entendu –, le capitaine Len Guy, dont la poitrine était gonflée de sanglots, se tourna vers le sud, comme s’il eût essayé d’en percer du regard les lointains horizons.
En somme, je me demandais à quelle circonstance de sa vie le capitaine Len Guy devait d’être tombé dans un tel trouble mental. Était-ce par un sentiment d’humanité, poussé jusqu’à la folie, qu’il s’intéressait à des naufragés qui n’avaient jamais fait naufrage… pour cette bonne raison qu’ils n’avaient jamais existé ?…
Alors le capitaine Len Guy se rapprocha, me posa la main sur l’épaule, et me chuchota à l’oreille :
« Non, monsieur Jeorling, non, le dernier mot n’est pas dit sur ce qui concerne l’équipage de la Jane !… »
Et il se retira.
La Jane, c’était, dans le roman d’Edgar Poe, le nom de la goélette qui avait recueilli Arthur Pym et Dirk Peters sur les débris du Grampus, et, pour la première fois, le capitaine Len Guy venait de le prononcer au terme de cet entretien.
« Au fait, pensai-je alors, ce nom de Guy, c’était aussi celui du capitaine de la Jane… un navire de nationalité anglaise comme lui !… Eh bien, qu’est-ce que cela prouve, et quelle conséquence en prétendrait-on tirer ?… Le capitaine de la Jane n’a jamais vécu que dans l’imagination d’Edgar Poe, tandis que le capitaine de l’Halbrane est vivant… bien vivant… Tous deux n’ont de commun que ce nom de Guy très répandu dans la Grande-Bretagne. Mais, j’y songe, c’est, sans doute, la similitude des noms qui aura troublé la cervelle de notre malheureux capitaine !… Il se sera figuré qu’il appartenait à la famille du commandant de la Jane !… Oui ! voilà ce qui l’a conduit où il en est, et pourquoi il s’apitoie sur le sort de naufragés imaginaires ! »
Il eût été intéressant de savoir si Jem West était au courant de cette situation, si son chef lui avait jamais parlé de ces « folies » dont il venait de m’entretenir. Or, c’était là une question délicate, puisqu’elle touchait à l’état mental du capitaine Len Guy. D’ailleurs, avec le lieutenant, toute conversation ne laissait pas d’être difficile, et, en outre, sur ce sujet, elle présentait certains dangers…
Je me réservai donc. Après tout, ne devais-je pas débarquer à Tristan d’Acunha, et ma traversée à bord de la goélette n’allait-elle pas finir dans quelques jours ?… Mais, en vérité, que je dusse me rencontrer un jour avec un homme qui tînt pour des réalités les fictions du roman d’Edgar Poe, jamais je ne me serais attendu à pareille chose !
Le surlendemain, 22 août, dès les naissantes blancheurs de l’aube, ayant laissé à bâbord l’île Marion et le volcan que son extrémité méridionale dresse à une altitude de quatre mille pieds, on aperçut les premiers linéaments de l’île du Prince-Édouard, par 46° 53’ de latitude sud, et 37° 46’ de longitude est. Cette île nous resta sur tribord ; puis, à douze heures de là, ses dernières hauteurs s’effacèrent dans les brumes du soir.
Le lendemain, l’Halbrane mit le cap en direction du nord-ouest, vers le parallèle le plus septentrional de l’hémisphère sud qu’elle devait atteindre au cours de cette campagne.
Chapitre V – Le roman d’Edgar Poe
Voici, très succinctement, l’analyse du célèbre ouvrage de notre romancier américain, qui avait été publié à Richmond sous ce titre :
Aventures d’Arthur Gordon Pym.
Il est indispensable que je le résume en ce chapitre. On verra s’il y avait lieu de douter que les aventures de ce héros de roman fussent imaginaires. Et, d’ailleurs, parmi les nombreux lecteurs de cet ouvrage, en est-il un seul qui ait jamais cru à sa réalité, – si ce n’est le capitaine Len Guy ?…
Edgar Poe a mis le récit dans la bouche de son principal personnage. Dès la préface du livre, Arthur Pym raconte qu’au retour de son voyage aux mers antarctiques, il rencontra, parmi les gentlemen de la Virginie qui prenaient intérêt aux découvertes géographiques, Edgar Poe, alors éditeur du Southern Literary Messenger, à Richmond. À l’entendre, Edgar Poe aurait reçu de lui l’autorisation de publier dans son journal, « sous le manteau de la fiction », la première partie de ses aventures. Cette publication ayant été favorablement accueillie du public, un volume suivit, qui comprenait la totalité du voyage et qui fut lancé sous la signature d’Edgar Poe.
Ainsi qu’il ressortait de mon entretien avec le capitaine Len Guy, Arthur Gordon Pym naquit à Nantucket, où il fréquenta l’école de New Bedford jusqu’à l’âge de seize ans.
Ayant quitté cette école pour l’Académie de M. E. Ronald, ce fut là qu’il se lia avec le fils d’un capitaine de navire, Auguste Barnard, de deux ans plus âgé que lui.
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