Le Sphinx

Le Sphinx
Edgar Allan Poe
(Traducteur:
William Hughes)
Publication: 1846
Catégorie(s): Fiction, Horreur, Nouvelles
Source: http://fr.wikisource.org
A Propos Poe:
Edgar Allan Poe was an American poet, short story writer,
playwright, editor, critic, essayist and one of the leaders of the
American Romantic Movement. Best known for his tales of the macabre
and mystery, Poe was one of the early American practitioners of the
short story and a progenitor of detective fiction and crime
fiction. He is also credited with contributing to the emergent
science fiction genre.Poe died at the age of 40. The cause of his
death is undetermined and has been attributed to alcohol, drugs,
cholera, rabies, suicide (although likely to be mistaken with his
suicide attempt in the previous year), tuberculosis, heart disease,
brain congestion and other agents. Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks Poe:
Double Assassinat
dans la rue Morgue (1841)
Le Chat
noir (1843)
Silence
(1837)
Le Scarabée
d’or (1843)
La Lettre
Volée (1844)
La Chute de la
maison Usher (1839)
Aventure sans
pareille d'un certain Hans Pfaal (1835)
Hop-Frog
(1850)
Le Cœur
révélateur (1843)
Le Portrait
ovale (1842)
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Pendant l'effroyable règne du choléra à New York, j'avais
accepté l'invitation d'un ami pour passer une quinzaine de jours
avec lui dans la retraite de son cottage orné [1] sur
les rives de l'Hudson. Nous avions ici autour de nous tous les
moyens ordinaires de distraction estivale ; et avec quoi
vaguer dans les bois, faire des esquisses, du bateau, pêcher, se
baigner, faire de la musique, et des livres, nous aurions dû passer
le temps assez agréablement, ne fut-ce par l'effrayante information
qui nous parvenait chaque matin de la populeuse ville. Pas un jour
ne s'écoulait sans qu'il ne nous apporte des nouvelles du décès de
quelque connaissance. Ainsi, comme la fatalité augmentait, nous
apprîmes à nous attendre quotidiennement à la perte de quelque ami.
À la longue nous tremblions à l'approche de chaque messager. L'air
même du sud nous semblait imprégné de mort. Cette pensée
paralysante, en effet, prit entière possession de mon âme. Je ne
pouvais ni parler, penser, ni rêver à rien d'autre. Mon hôte était
d'un tempérament moins excitable, et, bien que le moral
profondément déprimé, il s'efforçait à remonter le mien. Son
intellect richement philosophique ne fut à aucun moment affecté par
des irréalités. Envers les substances de la terreur il était assez
sensible, mais de ses ombres il n'avait aucune appréhension. Ses
tentatives pour me sortir de la condition de mélancolie anormale
dans laquelle j'étais tombé, furent frustrées, en grande partie,
par certains volumes que j'avais trouvés dans sa bibliothèque.
Ceux-ci étaient d'un caractère à forcer la germination de quelque
graine de superstition héréditaire gisant en latence dans mon cœur.
J'avais lu ces livres sans qu'il le sache, et ainsi il restait
souvent perplexe quant à la raison des impressions qui s'étaient
imposées dans mon imagination. L'un de mes sujets favoris était la
croyance populaire dans les augures - une croyance que, à cette
même époque de ma vie, j'étais presque sérieusement disposé à
défendre. Sur ce sujet nous avions de longues et animées
discussions ; lui maintenant le malfondé total d'une croyance
en de tels sujets, moi contestant qu'un sentiment populaire
apparaissant avec une absolue spontanéité - c'est-à-dire, sans
traces apparentes de suggestion - avait en lui-même les éléments
évidents de la vérité, et avait le droit à beaucoup de respect. Le
fait est, que peu de temps après mon arrivée au cottage il m'était
arrivé un incident tellement inexplicable, et qui avait en soi un
tel caractère prodigieux, que j'aurais bien pu être excusé de le
voir comme un augure. Il m'attirait, en même temps me troublait et
m'effarouchait tellement, que plusieurs jours s'écoulèrent avant
que je me décidai à communiquer la circonstance à mon ami. Vers la
fin d'une journée excessivement chaude, j'étais assis, livre à la
main, près d'une fenêtre ouverte, donnant, à travers une longue
perspective des rives du fleuve, sur la vue d'une distante colline,
dont la face la plus proche de ma position avait été dénudée par ce
qui est appelé un éboulement de terrain, de la portion principale
de ses arbres. Mes pensées avaient longuement dérivé du volume
devant moi vers la mélancolie et la désolation de la ville
avoisinante. Levant les yeux de la page, ils tombèrent sur le côté
nu de la colline, et sur un objet - sur quelque monstre vivant
d'une hideuse configuration, lequel très rapidement se fraya chemin
de la cime vers le bas, disparaissant finalement dans la dense
forêt d'en bas. Quand cette créature se montra en premier à ma vue,
je doutai de ma propre santé d'esprit - ou au moins de l'évidence
de mes propres yeux - et plusieurs minutes s'écoulèrent avant que
je n'aie réussi à me convaincre que je n'étais ni fou ni dans un
rêve. Cependant quand je décris le monstre (que j'aperçus
distinctement, et surveillai calmement pendant tout le temps de son
évolution), mes lecteurs, j'ai peur, sentiront plus de difficulté à
être convaincus de ces choses que j'en fus moi-même. Estimant la
taille de la créature par comparaison avec le diamètre des gros
arbres auprès desquels elle passa - les quelques géants de la forêt
qui avaient échappé à la fureur de l'éboulement de terrain - je
conclus qu'elle était beaucoup plus grosse qu'aucun bâtiment de la
ligne existante. Je dis bâtiment de ligne, car la forme du monstre
suggérait l'idée - la coque de l'un de nos soixante-quatorze devait
comporter une conception assez acceptable de la ligne d'ensemble.
La bouche de l'animal se trouvait à l'extrémité d'une trompe de
quelque soixante ou soixante-dix pieds [2] de
longueur, et était presque aussi épaisse que le corps d'un éléphant
ordinaire. Près de la racine de cette trompe il y avait une immense
quantité de poils noirs en broussaille - plus de ce qu'aurait pu
être fourni par les robes d'un nombre de buffles ; et se
projetant de ces poils du bas et des côtés, se hissaient deux
défenses brillantes non pas peu semblables à celles du sanglier,
mais d'une dimension infiniment plus grande. Se déployant vers
l'avant, parallèlement à la trompe, et de chaque côté de celle-ci,
il y avait une gigantesque hampe, trente ou quarante pieds de
longueur, formée apparemment de pur cristal, et en forme d'un
prisme parfait - il reflétait de la manière la plus somptueuse les
rayons du soleil déclinant. La trompe était façonnée comme un
trinôme avec l'apex vers la terre. De celle-ci deux paires d'ailes
se déployaient - chaque aile presque cent yards [3] de
longueur - une paire était posée par dessus l'autre, et tout
recouvert lourdement par des écailles métalliques, chaque écaille
apparemment quelques dix ou douze pieds de diamètre.
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