Les aventures de Huckleberry Finn
Mark Twain
Les
aventures de Huckleberry Finn
(le camarade de Tom Sawyer)
1884
Traduction de l’anglais
(États-Unis)
par Bernard Hœpffner
Scène : La vallée
du Mississippi
Époque : Il y a quarante ou cinquante ans
Notice
Quinconque tente de
trouver une motivation à ce récit sera poursuivi ; quiconque tente d’y
trouver une morale sera banni ; quiconque tente d’y trouver une intrigue
sera fusillé.
PAR ORDRE DE L’AUTEUR,
Par l’intermédiaire de G. G.,
CHEF DU SERVICE DU
MATÉRIEL
Explication
Dans ce livre sont
utilisés un certain nombre de dialectes, à savoir : le dialecte des nègres
du Missouri ; la forme la plus extrême du dialecte des parties les plus
sauvages du Sud-Ouest ; le dialecte ordinaire du « Comté de Pike » ;
et quatre variantes de ce dernier. Les nuances n’ont été introduites ni au
hasard ni au jugé mais méticuleusement grâce à la familiarité que j’entretiens
avec ces diverses façons de parler, laquelle m’a guidé et aidé.
La raison pour laquelle je donne cette
explication est que je ne voudrais pas que de nombreux lecteurs pensent que
tous ces personnages essayent de parler de la même façon sans y parvenir.
L’AUTEUR.
Un certain
nombre de dialectes utilisés dans ce livre n’ont pas d’équivalent en français –
en particulier le dialecte des nègres du Missouri. Leur transcription est donc
moins minutieusement exacte que dans l’œuvre originale ; les nuances
proviennent souvent de l’écoute des voyageurs dans les transports en commun.
La raison pour laquelle je donne cette
explication est que je ne voudrais tout de même pas que de nombreux lecteurs
pensent que tous ces personnages essayent de parler de la même façon sans y
parvenir.
LE TRADUCTEUR.

Chapitre 1
Huck est sivilisé – Miss Watson –
Tom Sawyer attend
Vous savez rien de moi si vous avez pas lu un
livre qui s’appelle Les Aventures de Tom Sawyer, mais ça mange pas de
pain. Ce livre, c’est Mr Mark Twain qui l’a fait, et il a dit la vérité
vraie, en grande partie. Certaines choses, il les a exagérées, mais en grande
partie il a dit la vérité. Ça fait rien. J’ai jamais connu quelqu’un qu’a pas
menti une fois ou une autre, sauf tante Polly, ou la veuve, ou peut-être Mary. Tante
Polly – elle, c’est la tante Polly de Tom – et Mary, et la veuve Douglas, on en
parle dans ce livre, qui dans l’ensemble reflète la vérité ; avec quelques
exagérations, comme je l’ai dit tout à l’heure.
Donc, voici comment le livre finit : Tom
et moi, on a trouvé l’argent que les voleurs avaient caché dans la grotte, et
on est devenus riches. On avait six mille dollars chacun – en or. Ça faisait un
sacré tas d’argent quand on l’a empilé. Eh bien, le juge Thatcher, il l’a pris
et l’a investi à intérêt, et ça nous rapportait un dollar par jour chacun, toute
l’année – et personne, il saurait quoi faire de tout ça. La veuve Douglas, elle
m’a pris chez elle comme son fils et elle se disait qu’elle allait me siviliser ;
mais c’était plutôt dur de vivre dans la maison tout le temps, vu que la veuve
avait une manière de vivre horriblement régulière et convenable ; et donc,
quand j’en ai eu pour mon compte, je me suis tiré. J’ai remis mes vieux
haillons, et j’ai retrouvé ma barrique de sucre, et j’étais de nouveau libre et
satisfait.
Mais Tom Sawyer, il est parti me chercher et
il a dit qu’il allait former une bande de voleurs, et que je pourrais en faire
partie si j’acceptais de retourner chez la veuve et d’être respectable. Alors j’y
suis retourné.
La veuve a pleuré en me voyant, et a dit que j’étais
un pauvre agneau perdu, et elle m’a aussi donné plein d’autres noms, mais sans
aucune mauvaise intention. Elle m’a fait enfiler de nouveau tous ces habits
neufs, et j’arrêtais pas de transpirer et transpirer, et puis je me sentais
tout à l’étroit. Eh bien, alors, la vieille routine s’est remise en marche. La
veuve faisait sonner la cloche pour le souper, et il fallait être là à temps. Quand
on se mettait à table, on pouvait pas commencer tout de suite à manger, il
fallait attendre que la veuve pique un peu du menton vers le bas et marmonne un
peu par-dessus les victailles, et pourtant il y avait rien vraiment à redire
là-dessus. C’est-à-dire, rien sinon que chaque chose était cuite séparément. Dans
une marmite de restes, c’est pas pareil ; les choses se mélangent, et le
jus passe des unes aux autres, et le tout est bien meilleur.
Après le souper elle a sorti son livre et m’a
appris des choses sur Moïse et les Roseaux ; et j’étais impatient de tout
savoir sur lui ; mais au bout d’un moment elle a lâché que Moïse était
mort depuis vraiment très longtemps ; alors je me suis plus intéressé à
lui ; pasque je me fiche pas mal des morts.
J’ai pas tardé à vouloir fumer, et j’ai
demandé à la veuve de m’y autoriser. Mais elle voulait pas. Elle a dit que c’était
une mauvaise habitude et que c’était malpropre, et que je devais essayer de
plus le faire. C’est comme ça avec certaines personnes. Elles critiquent
quelque chose alors qu’elles en savent rien du tout. Elle était là à s’inquiéter
de Moïse, qu’était pas de sa famille ni d’aucune utilité pour qui que ce soit, puisqu’il
avait disparu, vous comprenez, et pourtant elle trouvait plein à me critiquer
pasque je faisais quelque chose qui était plutôt agréable. Et elle prisait
aussi ; naturellement, ça, on pouvait le faire, puisque elle-même le
faisait.
Sa sœur, Miss Watson, une vieille fille plutôt
maigre, avec des lunettes sur le nez, venait d’arriver pour vivre avec elle, et
il a fallu qu’elle m’embête avec un livre d’orthographe. Elle m’a mis à l’ouvrage,
pas trop dur, pendant environ une heure, et puis la veuve l’a un peu calmée. J’aurais
pas pu en supporter plus. Et ensuite, pendant une heure, ça a été ennuyeux à
mourir, et j’arrêtais pas de gigoter Miss Watson disait, « Ne mets pas tes
pieds là, Huckleberry » ; et « Ne te recroqueville pas comme ça,
Huckleberry – tiens-toi droit » ; et pas bien longtemps après, voilà
qu’elle disait, « Ne bâille pas comme ça, ne t’étire pas, Huckleberry – pourquoi
n’essayes-tu pas de bien te tenir ? » Ensuite elle m’a tout expliqué
sur le mauvais endroit, et j’ai dit que j’aurais bien aimé y être.
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