. . . . . . . . . . . .

Trop soi pour se pouvoir souffrir,

L’esprit à sec et la tête ivre,

Fini, mais ne sachant finir,

Il mourut en s’attendant vivre

Et vécut, s’attendant mourir.

Ci-gît, cœur sans cœur, mal planté,

Trop réussi comme raté.

Du reste, il faudrait citer toute cette partie du volume, et tout le volume, ou plutôt il faudrait rééditer cette œuvre unique, Les Amours Jaunes1, parue en 1873, aujourd’hui introuvable ou presque2, où Villon et Piron se complairaient à voir un rival souvent heureux, — et les plus illustres d’entre les vrais poètes contemporains un maître à leur taille, au moins !

1

Glady frères.

2

Réédition Vanier, 1891.

Et tenez, nous ne voulons pas encore aborder le Breton et le marin sans quelques dernières expositions de vers détachés, qui existent par eux-mêmes, de la partie des Amours Jaunes qui nous occupe.

A propos d’un ami mort « de chic, de boire ou de phthisie » :

Lui qui sifflait si haut son petit air de tête.

A propos du même, probablement :

Comme il était bien Lui, ce Jeune plein de sève !

Apre à la vie O gué !... et si doux en son rêve.

Comme il portait sa tête ou la couchait gaîment !

Enfin ce sonnet endiablé, d’un rhythme si beau :

HEURES

 Aumône au malandrin en chasse !

 Mauvais œil à l’œil assassin !

 Fer contre fer au spadassin !

— Mon âme n’est pas en état de grâce ! —

 Je suis le fou, de Pampelune,

 J’ai peur du rire de la Lune

 Cafarde avec son crêpe noir...

Horreur ! tout est donc sous un éteignoir.

 J’entends comme un bruit de crécelle...

 C’est la maie heure qui m’appelle.

Dans le creux des nuits tombe un glas... deux glas.

 J’ai compté plus de quatorze heures...

 L’heure est une larme. — Tu pleures,

Mon cœur !... Chante encor, va ! — Ne compte pas.

Admirons bien humblement, — entre parenthèses, cette langue forte, simple en sa brutalité, charmante, correcte étonnamment, cette science, au fond, du vers, cette rime rare sinon riche à l’excès.

Et parlons cette fois du Corbière plus superbe encore.

Quel Breton bretonnant de la bonne manière ! L’enfant des bruyères et des grands chênes et des rivages que c’était ! Et comme il avait, ce faux sceptique effrayant, le souvenir et l’amour des fortes croyances bien superstitieuses de ses rudes et tendres compatriotes de la côte !

Écoutez ou plutôt voyez, voyez ou plutôt écoutez (car comment exprimer ses sensations avec ce monstre-là ?) ces fragments, pris au hasard, de son Pardon de Sainte Anne.

. . . . . . . . . . . . . . . .