Qu’elle ne puisse pas se fâcher, mais qu’elle sente que c’est toi le mâle, le maître, celui qui commande. C’est ce que j’ai appris de ton père. Et comme il n’est plus là, c’est à moi de t’enseigner ces manières.
FIANCÉ
Je ferai toujours comme tu diras.
PÈRE, entrant.
Et ma fille ?
FIANCÉ
Elle est à l’intérieur.
JEUNE FILLE 1
Venez, les fiancés, nous allons faire une ronde !
GARÇON 1, au Fiancé.
Tu vas prendre la tête.
PÈRE, revenant.
Elle n’est pas ici !
FIANCÉ
Non ?
PÈRE
Elle a dû monter au balcon.
FIANCÉ
Je vais voir !
Il sort.
On entend le brouhaha et les guitares.
JEUNE FILLE 1
C’est parti !
Elle sort.
FIANCÉ, revenant.
Elle n’y est pas.
MÈRE, inquiète.
Non ?
PÈRE
Où peut-elle bien être ?
SERVANTE, entrant.
Et la petite, où elle est passée ?
MÈRE, sérieuse.
On ne sait pas.
Le Fiancé sort. Trois invités entrent.
PÈRE, tracassé
Mais, elle n’est pas au bal ?
SERVANTE
Au bal elle n’y est pas.
PÈRE, irrité.
Il y a beaucoup de monde. Allez voir !
SERVANTE
J’ai déjà regardé !
PÈRE, tragique.
Mais où peut-elle bien être ?
FIANCÉ, revenant.
Rien. Nulle part.
MÈRE, au Père.
Qu’est-ce que c’est que ça ? Où est ta fille ?
La Femme de Leonardo entre.
FEMME
Ils se sont enfuis ! Ils se sont enfuis ! Elle et Leonardo. À cheval. Serrés l’un contre l’autre, partis dans un éclair !
PÈRE
Ce n’est pas vrai ! Ma fille, non !
MÈRE
Oui, ta fille ! Graine de mauvaise mère, et lui aussi. Mais maintenant c’est la femme de mon fils !
FIANCÉ, entrant.
On court derrière eux ! Qui a un cheval !
MÈRE
Un cheval, tout de suite, un cheval ! Je donnerai tout ce que j’ai, mes yeux et même ma langue37…
VOIX
En voilà un.
MÈRE, à son fils.
Va, suis-les !…
Il sort avec deux garçons.
Non. N’y va pas. Ces gens savent tuer, vite et bien… Oui, oui, vas-y, moi je vous suis !
PÈRE
Ça ne peut pas être elle. Elle s’est peut-être jetée dans la citerne.
MÈRE
Ce sont les filles honnêtes qui se jettent à l’eau, les filles propres. Pas la tienne ! Mais maintenant c’est la femme de mon fils. Deux clans. Il y a ici deux clans…
Tout le monde entre.
Ma famille et la tienne. Sortez tous d’ici. Poursuivons-les sans pitié. Allons aider mon fils…
Les gens se séparent en deux groupes.
Il y a beaucoup d’hommes avec lui, ses cousins de la mer et tous ceux qui viennent de l’intérieur. Dehors tout le monde ! Sur tous les chemins. L’heure du sang a sonné. Et deux clans. Toi avec le tien, moi avec le mien. Courons tous derrière eux ! Derrière eux !
Rideau.
FIN DU SECOND ACTE
TROISIÈME ACTE
PREMIER TABLEAU
Dans les bois. Il fait nuit. De grands troncs humides. Atmosphère obscure. On entend deux violons. Trois bûcherons entrent.
BÛCHERON 1
Et ils les ont trouvés ?
BÛCHERON 2
Non. Mais ils les cherchent partout.
BÛCHERON 3
Ils finiront par tomber sur eux.
BÛCHERON 2
Chut !
BÛCHERON 3
Quoi ?
BÛCHERON 2
On dirait qu’ils s’approchent par tous les chemins à la fois.
BÛCHERON 1
Quand la lune se lèvera, alors ils les verront.
BÛCHERON 2
On devrait les laisser en paix.
BÛCHERON 1
Le monde est grand. Tout le monde a le droit d’y vivre.
BÛCHERON 3
Mais ils vont les tuer.
BÛCHERON 2
Il faut suivre son désir… Ils ont bien fait de s’enfuir.
BÛCHERON 1
Ils s’étaient trompés l’un l’autre mais c’est le sang qui a le dernier mot.
BÛCHERON 3
Le sang !
BÛCHERON 1
Il faut suivre la voie du sang.
BÛCHERON 2
Mais le sang qui jaillit au jour c’est la terre qui le boit.
BÛCHERON 1
Et alors ? Mieux vaut mourir saigné à blanc que vivre avec du sang pourri.
BÛCHERON 3
Taisez-vous.
BÛCHERON 1
Quoi ? Tu entends quelque chose ?
BÛCHERON 3
J’entends les grillons, les grenouilles, tout ce qui guette la nuit.
BÛCHERON 1
Mais le cheval on ne l’entend pas.
BÛCHERON 3
Non.
BÛCHERON 1
À cette heure il doit lui faire l’amour.
BÛCHERON 2
Son corps à elle était pour lui et son corps à lui était pour elle.
BÛCHERON 3
Ils les cherchent et ils les tueront.
BÛCHERON 1
Mais ils auront déjà mêlé leurs sangs et ils seront comme deux vases vides, comme deux ruisseaux à sec.
BÛCHERON 2
Il y a beaucoup de nuages et peut-être bien qu’il n’y aura pas clair de lune.
BÛCHERON 3
Le fiancé les retrouvera avec ou sans lune.
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