L'escadre fédérale, composée de deux frégates, trois corvettes, un aviso, deux grands vapeurs, vient mouiller le 27 août devant les passes. Le commodore Stringham et le général Butler attaquent. La redoute est prise. Le fort Hatteras, après une assez longue résistance, hisse le drapeau blanc. La base d'opération est acquise aux nordistes pour toute la durée de la guerre.

En novembre, c'est l'île de Santa-Rosa, à l'est de Pensacola, sur le golfe du Mexique, une dépendance de la côte floridienne, qui, malgré les efforts des confédérés, reste au pouvoir des fédéraux.

Toutefois, la prise du fort Hatteras ne paraît pas suffisante pour la bonne conduite des opérations ultérieures. Il faut occuper d'autres points sur le littoral de la Caroline du Sud, de la Géorgie, de la Floride. Deux frégates à vapeur, le Wasbah et le Susquehannah, trois frégates à voiles, cinq corvettes, six canonnières, plusieurs avisos, vingt-cinq bâtiments charbonniers chargés des approvisionnements, trente-deux vapeurs pouvant transporter quinze mille six cents hommes sous les ordres du général Sherman, sont donnés au commodore Dupont. La flottille appareille le 25 octobre, devant le fort Monroe. Après avoir essuyé un terrible coup de vent au large du cap Hatteras, elle vient reconnaître les passes de Hilton-Head, entre Charlestown et Savannah. Là est la baie de Port-Royal, l'une des plus importantes de la confédération américaine, où le général Ripley commande les forces des esclavagistes. Les deux forts Walker et Beauregard battent l'entrée de la baie à quatre mille mètres l'un de l'autre. Huit vapeurs la défendent, et sa barre la rend presque inabordable à une flotte d'assaillants.

Le 5 novembre, le chenal a été balisé, et, après un échange de quelques coups de canon, Dupont pénètre dans la baie, sans pouvoir débarquer encore les troupes de Sherman. Le 7, avant midi, il attaque le fort Walker, puis le fort Beauregard. Il les écrase sous une grêle de ses plus gros obus. Les forts sont évacués. Les fédéraux en prennent possession presque sans combat, et Sherman occupe ce point si important pour la suite des opérations militaires. C'était un coup porté au cœur même des États esclavagistes. Les îles voisines tombent l'une après l'autre au pouvoir des fédéraux, même l'île Tybee et le fort Pulaski, lequel commande la rivière de Savannah. L'année finie, Dupont est maître des cinq grandes baies de North-Edisto, de Saint-Helena, de Port-Royal, de Tybee, de Warsaw, et de tout ce chapelet d'îlots semés sur la côte de la Caroline et de la Géorgie. Enfin, le 1er janvier 1862, un dernier succès lui permet de réduire les ouvrages confédérés, élevés sur les rives du Coosaw.

Telle était la situation des belligérants au commencement de février de l'année 1862. Tels étaient les progrès du gouvernement fédéral vers le Sud, au moment où les navires du commodore Dupont et les troupes de Sherman menaçaient la Floride.

IV – La famille Burbank

Il était sept heures et quelques minutes, lorsque James Burbank et Edward Carrol montèrent les marches du perron sur lequel s'ouvrait la porte principale de Castle-House, du côté du Saint-John. Zermah, tenant la fillette par la main, le gravit après eux. Tous se trouvèrent dans le hall, sorte de grand vestibule, dont le fond, arrondi en dôme, contenait la double révolution du grand escalier qui desservait les étages supérieurs.

Mme Burbank était là, en compagnie de Perry, le régisseur général de la plantation.

« Il n'y a rien de nouveau à Jacksonville ?

– Rien, mon ami.

– Et pas de nouvelles de Gilbert ?

– Si… une lettre !

– Dieu soit loué ! »

Telles furent les premières demandes et réponses échangées entre Mme Burbank et son mari.

James Burbank, après avoir embrassé sa femme et la petite Dy, décacheta la lettre qui venait de lui être remise.

Cette lettre n'avait point été ouverte en l'absence de James Burbank. Étant donné la situation de celui qui l'écrivait et de celle de sa famille en Floride, Mme Burbank avait voulu que son mari fût le premier à connaître ce qu'elle contenait.

« Cette lettre, sans doute, n'est pas venue par la poste ? demanda James Burbank.

– Oh ! non, monsieur James ! répondit Perry. C'eût été trop imprudent de la part de M. Gilbert !

– Et qui s'est chargé de l'apporter ?…

– Un homme de la Géorgie sur le dévouement duquel notre jeune lieutenant a cru pouvoir compter.

– Quel jour est arrivée cette lettre ?

– Hier.

– Et l'homme ?…

– Il est reparti le soir même.

– Bien payé de son service ?…

– Oui, mon ami, bien payé, répondit Mme Burbank, mais par Gilbert, et il n'a rien voulu recevoir de notre part ».

Le hall était éclairé par deux lampes posées sur une table de marbre, devant un large divan. James Burbank alla s'asseoir près de cette table. Sa femme et sa fille prirent place auprès de lui. Edward Carrol, après avoir serré la main à sa sœur, s'était jeté dans un fauteuil. Zermah et Perry se tenaient debout près de l'escalier. Tous deux étaient assez de la famille pour que la lettre pût être lue en leur présence.

James Burbank l'avait ouverte.

« Elle est du 3 février, dit-il.

– Déjà quatre jours de date ! répondit Edward Carrol.