Les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une éternité de chaudes larmes.
III
Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.
Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant,
enrubannée.
Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.
Il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasse.
IV
Je suis le saint, en prière sur la terrasse, - comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer de
Palestine.
Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la
bibliothèque.
Je suis le piéton de la grand'route par les bois nains; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois
longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant.
Je serais bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l'allée dont
le front touche le ciel.
Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L'air est immobile. Que les oiseaux
et les sources sont loin! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant.
V
Qu'on me loue enfin ce tombeau, blanchi à la chaux avec les lignes du ciment en relief - très loin
sous terre.
Je m'accoude à la table, la lampe éclaire très vivement ces journaux que je suis idiot de relire, ces
livres sans intérêt.
A une distance énorme au-dessus de mon salon souterrain, les maisons s'implantent, les brumes
s'assemblent. La boue est rouge ou noire. Ville monstrueuse, nuit sans fin!
Moins haut, sont des égouts. Aux côtés, rien que l'épaisseur du globe. Peut-être les gouffres d'azur,
des puits de feu. C'est peut-être sur ces plans que se rencontrent lunes et comètes, mers et fables.
Aux heures d'amertume je m'imagine des boules de saphir, de métal. Je suis maître du silence.
Pourquoi une apparence de soupirail blêmirait-elle au coin de la voûte?
Conte
Un Prince était vexé de ne s'être employé jamais qu'à la perfection des générosités vulgaires. Il
prévoyait d'étonnantes révolutions de l'amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que
cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l'heure du désir et de la
satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait au moins un
assez large pouvoir humain.
Toutes les femmes qui l'avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté! Sous
le sabre, elles le bénirent. Il n'en commanda point de nouvelles. - Les femmes réapparurent.
Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. - Tous le suivaient.
Il s'amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en
pièces. - La foule, les toits d'or, les belles bêtes existaient encore.
Peut-on s'extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté! Le peuple ne murmura pas.
Personne n'offrit le concours de ses vues.
Un soir il galopait fièrement. Un Génie apparut, d'une beauté ineffable, inavouable même. De sa
physionomie et de son maintien ressortait la promesse d'un amour multiple et complexe! d'un
bonheur indicible, insupportable même! Le Prince et le Génie s'anéantirent probablement dans la
santé essentielle. Comment n'auraient-ils pas pu en mourir? Ensemble donc ils moururent.
Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le Prince était le Génie. Le Génie était
le Prince.
La musique savante manque à notre désir.
Parade
Des drôles très solides. Plusieurs ont exploité vos mondes. Sans besoins, et peu pressés de mettre
en oeuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vos consciences.
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