En un mot, ses terreurs se dissipent dans la même proportion que son esprit s'éclaire. L'homme instruit cesse d'être superstitieux.
Ce n'est jamais que sur parole que des peuples entiers adorent le Dieu de leurs peres et de leurs prêtres: l'autorité, la confiance, la soumission, et l'habitude leur tiennent lieu de conviction et de preuves; ils se prosternent et prient, parce que leurs peres leur ont appris à se prosterner et prier: mais pourquoi ceux-ci se sont-ils mis à genoux? C'est que dans les temps éloignés leurs législateurs et leurs guides leur en ont fait un devoir. »Adorez et croyez,« ont-ils dit, »des dieux que vous ne pouvez comprendre; rapportez-vous-en à notre sagesse profonde; nous en savons plus que vous sur la divinité.« Mais pourquoi m'en rapporterais-je à vous? C'est que Dieu le veut ainsi, c'est que Dieu vous punira si vous osez résister. Mais ce Dieu n'est-il donc pas la chose en question? Cependant les hommes se sont toujours payés de ce cercle vicieux; la paresse de leur esprit leur fit trouver plus court de s'en rapporter au jugement des autres. Toutes les notions religieuses sont fondées uniquement sur l'autorité; toutes les religions du monde défendent l'examen et ne veulent pas que l'on raisonne; c'est l'autorité qui veut qu'on croie en Dieu; ce Dieu n'est lui-même fondé que sur l'autorité de quelques hommes qui prétendent le connaître, et venir de sa part pour l'annoncer à la terre. Un Dieu fait par les hommes a sans doute besoin des hommes pour se faire connaître aux hommes.
Ne serait-ce donc que pour des prêtres, des inspirés, des métaphysiciens que serait réservée la conviction de l'existence d'un Dieu, que l'on dit néanmoins si nécessaire à tout le genre humain? Mais trouvons-nous de l'harmonie entre les opinions théologiques des différens inspirés, ou des penseurs répandus sur la terre? Ceux même qui font profession d'adorer le même Dieu, sont-ils d'accord sur son compte? Sont-ils contents des preuves que leurs collegues apportent de son existence? Souscrivent-ils unanimement aux idées qu'ils présentent sur sa nature, sur sa conduite, sur la façon d'entendre ses prétendus oracles? Est-il une contrée sur la terre où la science de Dieu se soit réellement perfectionnée? A-t-elle pris quelque part la consistance et l'uniformité que nous voyons prendre aux connaissances humaines, aux arts les plus futiles, aux métiers les plus méprisés? Ces mots d'esprit, d'immatérialité, de création, de prédestination, de grâce; cette foule de distinctions subtiles dont la théologie s'est partout remplie dans quelques pays, ces inventions si ingénieuses, imaginées par des penseurs qui se sont succédés depuis tant de siecles, n'ont fait, helas! qu'em-brouiller les choses, et jamais la science la plus nécessaire aux hommes n'a jusqu'ici pu acquérir la moindre fixité. Depuis des milliers d'années ces rêveurs oisifs se sont perpétuellement relayés pour méditer la Divinité, pour deviner ses voies cachées, pour inventer des hypotheses propres à développer cette énigme importante. Leur peu de succes n'a point découragé la vanité théologique; toujours on a parlé de Dieu: on s'est égorgé pour lui, et cet être sublime demeure toujours le plus ignoré et le plus discuté.
Les hommes auraient été trop heureux, si, se bornant aux objets visibles qui les intéressent, ils eussent employé à perfectionner leurs sciences réelles, leurs lois, leur morale, leur éducation, la moitié des efforts qu'ils ont mis dans leurs recherches sur la Divinité. Ils auraient été bien plus sages encore, et plus fortunés, s'ils eussent pu consentir à laisser leurs guides désœuvrés se quereller entre eux, et sonder des profondeurs capables de les étourdir, sans se mêler de leurs disputes insensées. Mais il est de l'essence de l'ignorance d'attacher de l'importance à ce qu'elle ne comprend pas. La vanité humaine fait que l'esprit se roidit contre des difficultés. Plus un objet se dérobe à nos yeux, plus nous faisons d'efforts pour le saisir, parce que des-lors il aiguillonne notre orgueil, il excite notre curiosité, il nous paraît intéressant. En combattant pour son Dieu chacun ne combattit en effet que pour les intérêts de sa propre vanité, qui de toutes les passions produites par la malorganisation de la société est la plus prompte à s'alarmer, et la plus propre à produire de tres grandes folies.
Si écartant pour un moment les idées fâcheuses que la théologie nous donne d'un Dieu capricieux, dont les décrets partiaux et despotiques décident du sort des humains, nous ne voulons fixer nos yeux que sur la bonté prétendue, que tous les hommes, même en tremblant devant ce Dieu, s'accordent à lui donner; si nous lui supposons le projet qu'on lui prête de n'avoir travaillé que pour sa propre gloire, d'exiger les hommages des êtres intelligens; de ne chercher dans ses œuvres que le bienêtre du genre humain: comment concilier ces vues et ces dispositions avec l'ignorance vraiment invincible dans laquelle ce Dieu, si glorieux et si bon, laisse la plupart des hommes sur son compte? Si Dieu veut être connu, chéri, remercié, que ne se montre-t-il sous des traits favorables à tous ces êtres intelligens dont il veut être aimé et adoré? Pourquoi ne point se manifester à toute la terre d'une façon non équivoque, bien plus capable de nous convaincre que ces révélations particulieres qui semblent accuser la Divinité d'une partialité fâcheuse pour quelques-unes de ses créatures? Le tout-puissant n'auroit-il donc pas des moyens plus convainquans de se montrer aux hommes que ces métamorphoses ridicules, ces incarnations prétendues, qui nous sont attestées par des écrivains si peu d'accord entre eux dans les récits qu'ils en font? Au lieu de tant de miracles, inventés pour prouver la mission divine de tant de législateurs révérés par les différens peuples du monde, le souverain des esprits ne pouvait-il pas convaincre tout d'un coup l'esprit humain des choses qu'il a voulu lui faire connaître? Au lieu de suspendre un soleil dans la voûte du firmament; au lieu de répandre sans ordre les étoiles et les constellations qui remplissent l'espace, n'eût-il pas été plus conforme aux vues d'un Dieu si jaloux de sa gloire et si bienintentionné pour l'homme d'écrire, d'une façon non sujette à dispute, son nom, ses attributs, ses volontés permanentes en caracteres ineffaçables, et lisibles également pour tous les habitants de la terre? Personne alors n'aurait pu douter de l'existence d'un Dieu, de ses volontés claires, de ses intentions visibles. Sous les yeux de ce Dieu si terrible, personne n'aurait eu l'audace de violer ses ordonnances; nul mortel n'eût osé se mettre dans le cas d'attirer sa colere: enfin nul homme n'eût eu le front d'en imposer en son nom, ou d'interpréter ses volontés suivant ses propres fantaisies.
En effet, quand même on admettrait l'existence du Dieu théologique et la réalité des attributs si discordans qu'on lui donne, l'on n'en peut rien conclure, pour autoriser la conduite ou les cultes qu'on prescrit de lui rendre. La théologie est vraiment le tonneau des Danaïdes. A force de qualités contradictoires et d'assertions hasardées, elle a, pour ainsi dire, tellement garrotté son Dieu qu'elle l'a mis dans l'impossibilité d'agir. S'il est infiniment bon, quelle raison aurions-nous de le craindre? S'il est infiniment sage, de quoi nous inquiéter sur notre sort? S'il sait tout, pourquoi l'avertir de nos besoins, et le fatiguer de nos prieres? S'il est partout, pourquoi lui élever des temples? S'il est maître de tout, pourquoi lui faire des sacrifices et des offrandes? S'il est juste, comment croire qu'il punisse des créatures qu'il a rempli de faiblesses? Si la grâce fait tout en elles, quelle raison aurait-il de les récompenser? S'il est tout-puissant, comment l'offenser, comment lui résister? S'il est raisonnable, comment se mettrait-il en colere contre des aveugles, à qui il a laissé la liberté de déraisonner? S'il est immuable, de quel droit prétendrions-nous faire changer ses décrets? S'il est inconcevable, pourquoi nous en occuper? S'lL A PARLÉ, POURQUOI L'UNIVERS N'EST-IL PAS CONVAINCU? Si la connaissance d'un Dieu est la plus nécessaire, pourquoi n'est-elle pas la plus évidente et la plus claire? – Systeme de la Nature. London, 1781.
The enlightened and benevolent Pliny thus publicly professes himself an atheist: – Quapropter effigiem Dei formamque quaerere imbecillitatis humanae reor. Quisquis est Deus (si modo est alius) et quacunque in parte, totus est sensus, totus est visus, totus audi-tus, totus animae, totus animi, totus sui . ... Imperfectae vero in homine naturae praecipua solatia ne deum quidem posse omnia. Namque nec sibi potest mortem consciscere, si velit, quod homini dedit optimum in tantis vitae poenis: nec mortales aeternitate donare, aut revocare defunctos; nec facere ut qui vixit non vixerit, qui honores gessit non gesserit, nullumque habere in praeteritum ius, praeterquam oblivionis, atque (ut facetis quoque argumentis societas haec cum deo copuletur) ut bis dena viginti non sint, et multa similiter efficere non posse. – Per quae declaratur haud dubie naturae potentiam id quoque esse quod Deum vocamus. – Plin. Nat. Hist. cap. de Deo.
The consistent Newtonian is necessarily an atheist. See Sir W. Drummond's Academical Questions, chap.
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