Est-il horizontal? elle se déplace horizontalement.

Tout l'appareil volant de l'ingénieur Robur était dans ces deux fonctionnements.

En voici la description exacte, qui peut se scinder en trois parties essentielles : la plate-forme, les engins de suspension et de propulsion, la machinerie.

Plate-forme. — C'est un bâti, long de trente mètres, large de quatre, véritable pont de navire avec proue en forme d'éperon. Au-dessous, s'arrondit une coque, solidement membrée, qui renferme les appareils destinés à produire la puissance mécanique, la soute aux munitions, les apparaux, les outils, le magasin général pour approvisionnements de toutes sortes, y compris les caisses à eau du bord. Autour du bâti, quelques légers montants, reliés par un treillis de fil de fer, supportent une rambarde qui sert de main-courante. A sa surface s'élèvent trois roufles, dont les compartiments sont affectés, les uns au logement du personnel, les autres à la machinerie. Dans le roufle central fonctionne la machine qui actionne tous les engins de suspension; dans celui de l'avant la machine du propulseur de l'avant; dans celui de l'arrière, la machine du propulseur de l'arrière, — ces trois machines ayant chacune leur mise en train spéciale. Du côté de la proue, dans le premier roufle, se trouvent l'office, la cuisine et le poste de l'équipage. Du côté de la poupe, dans le dernier roufle, sont disposées plusieurs cabines, entre autres, celle de l'ingénieur, une salle à manger, puis, au-dessus, une cage vitrée dans laquelle se tient le timonier qui dirige l'appareil au moyen d'un puissant gouvernail. Tous ces roufles sont éclairés par des hublots, fermés de verres trempés qui ont dix fois la résistance du verre ordinaire. Au-dessous de la coque est établi un système de ressorts flexibles, destinés à adoucir les heurts, bien que l'atterrissage puisse se faire avec une douceur extrême, tant l'ingénieur est maître des mouvements de l'appareil.

Engins de suspension et de propulsion. — Au-dessus de la plate-forme, trente-sept axes se dressent verticalement, dont quinze en abord, de chaque côté, et sept plus élevés au milieu. On dirait un navire à trente-sept mâts. Seulement ces mâts, au lieu de voiles, portent chacun deux hélices horizontales, d'un pas et d'un diamètre assez courts, mais auxquelles on peut imprimer une rotation prodigieuse. Chacun de ces axes a son mouvement indépendant du mouvement des autres, et, en outre, de deux en deux, chaque axe tourne en sens inverse — disposition nécessaire pour que l'appareil ne soit pas pris d'un mouvement de giration. De la sorte, les hélices, tout en continuant à s'elever sur la colonne d'air verticale, se font équilibre contre la résistance horizontale. Conséquemment, l'appareil est muni de soixante-quatorze hélices suspensives, dont les trois branches sont maintenues extérieurement par un cercle métallique, qui, faisant fonction de volant, économise la force motrice. A l'avant et à l'arrière, montées sur axes horizontaux, deux hélices propulsives, à quatre branches, d'un pas inverse très allongé tournent en sens différent et communiquent le mouvement de propulsion. Ces hélices, d'un diamètre plus grand que celui des hélices de suspension, peuvent également tourner avec une excessive vitesse.

En somme, cet appareil tient à la fois des systèmes qui ont été préconisés par MM. Cossus, de la Landelle et de Ponton d'Amécourt, systèmes perfectionnés par l'ingénieur Robur. Mais c'est surtout dans le choix et l'application de la force motrice qu'il a le droit d'être considéré comme inventeur.

Machinerie. — Ce n'est ni à la vapeur d'eau ou autres liquides, ni à l'air comprimé ou autres gaz élastiques, ni aux mélanges explosifs susceptibles de produire une action mécanique, que Robur a demandé la puissance nécessaire à soutenir et à mouvoir son appareil. C'est à l'électricité, à cet agent qui sera, un jour, l'âme du monde industriel. D'ailleurs, nulle machine électromotrice pour le produire. Rien que des piles et des accumulateurs. Seulement, quels sont les éléments qui entrent dans la composition de ces piles, quels acides les mettent en activité? c'est le secret de Robur. De même pour les accumulateurs. De quelle nature sont leurs lames positives et négatives? on ne sait. L'ingénieur s'était bien gardé — et pour cause — de prendre un brevet d'invention. En somme, résultat non contestable : des piles d'un rendement extraordinaire, des acides d'une résistance presque absolue à l'évaporation ou à la congélation, des accumulateurs qui laissent très loin les Faure-Sellon-Volckmar, enfin des courants dont les ampères se chiffrent en nombres inconnus jusqu'alors. De là, une puissance en chevaux électriques pour ainsi dire infinie, actionnant les hélices qui communiquent à l'appareil une force de suspension et de propulsion supérieure à tous ses besoins, en n'importe quelle circonstance.

Mais, il faut le répéter, cela appartient en propre à l'ingénieur Robur.