Roméo et Juliette
ROM…O ET JULIETTE
WILLIAM SHAKESPEARE
traduction de VICTOR HUGO
PROLOGUE
LE CHOEUR
Deux familles, égales en noblesse, Dans la belle Vérone, o˘ nous plaçons notre scène, Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles o˘ le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies a pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux dont la ruine néfaste et lamentable doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour et les effets de la rage obstinée de ces familles, que peut seule apaiser la mort de leurs enfants, Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment, Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.
ACTE PREMIER
SCENE PREMIERE
Vérone. - Une place publique.
Entrent Samson et Grégoire, armés d'épées et de boucliers.
SAMSON. - Grégoire, sur ma parole, nous ne supporterons pas leurs brocards.
GR…GOIRE. - Non, nous ne sommes pas gens à porter le brocart.
SAMSON. - Je veux dire que, s'ils nous mettent en colère, nous allongeons le couteau.
GR…GOIRE. - Oui, mais prends garde qu'on ne t'allonge le cou tôt ou tard.
SAMSON. - Je frappe vite quand on m'émeut.
GR…GOIRE. - Mais tu es lent à t'émouvoir.
SAMSON. - Un chien de la maison de Montague m'émeut.
GR…GOIRE. - qui est ému, remue; qui est vaillant, tient ferme ; conséquemment, si tu es ému, tu l‚ches pied.
SAMSON. - quand un chien de cette maison-là m'émeut, je tiens ferme. Je suis décidé à prendre le haut du pavé sur tous les Montagues, hommes ou femmes.
GR…GOIRE. - Cela prouve que tu n'es qu'un faible drôle ; les faibles s'appuient toujours au mur.
SAMSON. - C'est vrai ; et voilà pourquoi les femmes étant les vases les plus faibles, sont toujours adossées au mur ; aussi, quand j'aurai affaire aux Montagues, je repousserai les hommes du mur et j'y adosserai les femmes.
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