Il faut dire aussi qu’il n’était pas fréquent d’approcher ainsi les princes.
11 George Ier, prince allemand, parlait mal l’anglais avec un fort accent germanique. D’une certaine manière, la situation est ici inversée.
12 En anglais, High and Low Dutch. Dutch désigne aujourd’hui le hollandais et German l’allemand. Le hollandais était très semblable au bas allemand.
13 Utilisée dans les régions orientales de la Méditerranée, cette langue mêlait français, italien, espagnol et grec.
14 Au-delà du petit péché de vanité commis ici par Gulliver, on remarquera l’importance des notions de clémence et d’indulgence dans l’analyse du système politique des Lilliputiens qu’il fait tout au long de ce voyage.
15 Après avoir décrit dans le détail les circonstances de son arrivée et s’être amusé à souligner tous les contrastes de taille, Gulliver aborde maintenant le vrai début de l’histoire, celle des intrigues et de l’action à proprement parler.
16 Swift savait de quoi il parlait, lui qui n’avait cessé de côtoyer et de conseiller les Grands avant de se rendre compte qu’ils avaient souvent tout fait pour le neutraliser.
17 Il s’agit de documents royaux autorisant le paiement par le Trésor royal.
18 On peut noter que Gulliver s’était lui-même comparé à une montagne en mouvement lorsque le cheval de l’Empereur s’était cabré devant lui (voir p. 47).
19 La perplexité des officiers devant les différents objets de Gulliver, qui se traduit par l’imprécision de leurs descriptions, fait pendant à la perplexité de Gulliver devant les paroles et les pratiques des Lilliputiens.
20 Sans doute des pièces de cuivre.
21 Le port d’une montre était une pratique relativement récente, rendue possible par les formidables développements de l’horlogerie dans la seconde moitié du xviie siècle. Le passage d’une vie réglée par les mouvements du soleil et de la lune à une vie organisée selon un temps artificiel et mathématique représenta un grand bouleversement des rythmes humains. Les officiers de l’Empereur ne croient pas si bien dire lorsqu’ils voient en cette montre une sorte de dieu.
22 Gardes du corps du monarque anglais créés en 1485. Ils ont aujourd’hui une fonction cérémoniale.
23 Dans le troisième de ses Voyages, Gulliver rendra compte du manque de sérieux et des divergences stériles de ces savants qui conseillent les Grands.
24 La liste qui suit représente la clef des descriptions souvent cocasses faites par les officiers chargés de la fouille. Gulliver, en bon conteur, attend la fin du chapitre pour lever toute ambiguïté.
25 Comme on l’a dit dans la Préface (voir p. 12), les objets que Gulliver n’a pas livrés à l’Empereur nous renseignent beaucoup sur son personnage, et, au-delà, sur la signification de ce voyage.
Chapitre 3
L’Auteur divertit l’Empereur et la noblesse des deux sexes, d’une façon fort extraordinaire. Description des divertissements de la Cour de Lilliput. L’Auteur recouvre la liberté sous certaines conditions.
Ma douceur et mon bon comportement conquirent tant l’Empereur et sa Cour, comme d’ailleurs l’armée et le peuple en général, que je commençai à concevoir quelques espoirs d’obtenir ma liberté avant longtemps. Je pris tous les moyens possibles pour cultiver cette disposition d’esprit qui m’était favorable. Les habitants du pays en vinrent peu à peu à moins craindre que je pusse être dangereux. Parfois je me couchais sur le sol, et laissais cinq ou six d’entre eux danser sur ma main. Et finalement garçons et filles s’aventurèrent à venir jouer à cache-cache dans mes cheveux. J’avais maintenant fait de réels progrès pour comprendre et parler leur langue. Un jour l’Empereur eut l’idée de me divertir avec plusieurs spectacles de son pays ; ce en quoi ils surpassent toutes les nations que je connais, tant en adresse qu’en splendeur. Aucun ne me divertit autant que celui des danseurs de corde, qui faisaient leur numéro sur un mince fil blanc, tendu sur environ deux pieds, et à douze pouces du sol1. Et je voudrais prendre la liberté, avec la patience du lecteur, de décrire cela plus en détail.
Cet exercice2 n’est pratiqué que par les personnes qui sont candidates aux grands emplois, et qui recherchent haute estime à la Cour. On les y entraîne depuis leur jeunesse, et elles ne sont pas toujours de noble naissance, ni d’éducation libérale. Lorsqu’une haute charge devient vacante, à la suite d’un décès ou d’une disgrâce (ce qui arrive souvent), cinq ou six de ces candidats présentent une requête à l’Empereur afin de pouvoir divertir Sa Majesté et sa Cour d’une danse sur la corde ; et celui qui saute le plus haut sans tomber obtient la charge. Très souvent ce sont les principaux ministres eux-mêmes qui doivent montrer leur adresse, et convaincre l’Empereur qu’ils n’ont rien perdu de leur talent. Flimnap3, le Trésorier, a la réputation de faire une cabriole sur la corde raide, d’un bon pouce plus haut4 qu’aucun autre seigneur de tout l’Empire. Je l’ai vu faire le saut périlleux plusieurs fois de suite, sur un petit plateau fixé à la corde, qui n’est pas plus grosse qu’une ficelle ordinaire en Angleterre. Mon ami Reldresal5, Secrétaire principal des Affaires privées, vient, à mon avis, et si je ne suis pas partial, en deuxième après le Trésorier ; les autres grands officiers sont plus ou moins de valeur égale.
Ces divertissements sont souvent la cause d’accidents funestes, dont un grand nombre est consigné dans les archives. J’ai moi-même vu deux ou trois candidats s’estropier. Mais le danger est bien plus grand, quand ce sont les ministres eux-mêmes qui doivent montrer leur adresse : car, en cherchant à se surpasser ou à surpasser leurs collègues, ils vont si loin, qu’il n’en est pratiquement pas un qui n’ait connu de chute ; et certains en ont même connu deux ou trois. On m’a raconté qu’un an ou deux avant mon arrivée, Flimnap se serait immanquablement rompu le cou, si l’un des coussins6 du Roi, qui se trouvait par hasard sur le sol, n’avait amorti la violence de sa chute.
Il y a également un autre divertissement, qui n’est pratiqué que devant l’Empereur et l’Impératrice, et le Premier ministre, lors d’occasions particulières. L’Empereur place sur une table trois minces fils de soie7longs de six pouces. L’un est bleu, l’autre rouge, et le troisième vert. Ces fils sont offerts comme prix, à ceux que l’Empereur souhaite distinguer par une marque spéciale de sa faveur.
1 comment