Joie de se trouver parmi des nègres. Dans une rue transversale, un petit cinéma en plein air, où nous entrons. Derrière l’écran, des enfants noirs sont couchés à terre, au pied d’un arbre gigantesque, un fromager sans doute. Nous nous asseyons au premier rang des secondes. Derrière moi un grand nègre lit à haute voix le texte de l’écran. Nous ressortons. Et longtemps nous errons encore ; si fatigués bientôt que nous ne songeons plus qu’à dormir. Mais à l’hôtel de la Métropole, où nous avons pris une chambre, le vacarme d’une fête de nuit, sous notre fenêtre, empêche longtemps le sommeil.
Dès six heures, nous regagnons l’Asie, pour prendre un appareil de photo. Une voiture nous conduit au marché. Chevaux squelettiques, aux flancs rabotés et sanglants, dont on a badigeonné les plaies au bleu de Prusse. Nous quittons ce triste équipage pour une auto, qui nous mène à six kilomètres de la ville, traversant des terrains vagues que hantent des hordes de charognards. Certains perchent sur le toit des maisons, semblables à d’énormes pigeons pelés.
Jardin d’Essai. Arbres inconnus. Buissons d’hibiscus en fleurs. On s’enfonce dans d’étroites allées pour prendre un avant-goût de la forêt tropicale. Quelques beaux papillons, semblables à de grands machaons, mais portant, à l’envers des ailes, une grosse macule nacrée. Chants d’oiseaux inconnus, que je cherche en vain dans l’épais feuillage. Un serpent noir très mince et assez long glisse et fuit.
Nous cherchons à atteindre un village indigène, dans les sables, au bord de la mer ; mais une infranchissable lagune nous en sépare.
27 juillet.
Jour de pluie incessante. Mer assez houleuse. Nombreux malades. De vieux coloniaux se plaignent : « Journée terrible ; vous n’aurez pas pire »… Somme toute, je supporte assez bien. Il fait chaud, orageux, humide ; mais il me semble que j’ai connu pire à Paris ; et je suis étonné de ne pas suer davantage.
Le 29, arrivée en face de Konakry. On devait débarquer dès sept heures ; mais depuis le lever du jour, un épais brouillard égare le navire. On a perdu le point. On tâtonne et la sonde plonge et replonge. Très peu de fond ; très peu d’espace entre les récifs de corail et les bancs de sable. La pluie tombait si fort que déjà nous renoncions à descendre, mais le commandant nous invite dans sa pétrolette.
Très long trajet du navire au wharf, mais qui donne au brouillard le temps de se dissiper ; la pluie s’arrête.
Le commissaire qui nous mène à terre nous avertit que nous ne disposons que d’une demi-heure, et qu’on ne nous attendra pas. Nous sautons dans un pousse, que tire un jeune noir « mince et vigoureux ». Beauté des arbres, des enfants au torse nu, rieurs, au regard languide. Le ciel est bas.
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