Il y a tout avantage. Le monde s'y est laissé tromper.
-ceci est trop fort pour moi, et je ne te comprends pas bien. D'ailleurs le visage de ce Phrasilas est marqué d'hypocrisie.
-voici Philodème.
-le stratège ?
-non. Un poète latin, qui écrit en grec.
-petite, c'est un ennemi. Je ne veux pas l'avoir vu. " ici, toute la foule fit un mouvement, et un murmure de voix prononça le même nom :
" Démétrios... Démétrios... " Tryphéra monta sur une borne et à son tour elle dit au marchand :
" Démétrios... voilà Démétrios. Toi qui voulais voir des hommes célèbres...
-Démétrios ? L'amant de la reine ? Est-il possible ?
-oui, tu as de la chance. Il ne sort jamais. Depuis que je suis à Alexandrie, voici la première fois que je le vois sur la jetée.
-où est-il ?
-c'est celui qui se penche pour voir le port.
-il y en a deux qui se penchent.
-c'est celui qui est en bleu.
-je ne le vois pas bien. Il nous tourne le dos.
-tu sais ? C'est le sculpteur à qui la reine s'est donnée pour modèle quand il a sculpté l'Aphrodite du temple.
-on dit qu'il est l'amant royal. On dit qu'il est le maître de l'égypte.
-et il est beau comme Apollon.
-ah ! Le voici qui se retourne. Je suis content d'être venu. Je dirai que je l'ai vu. On m'avait dit bien des choses sur lui. Il paraît que jamais une femme ne lui a résisté. Il a eu beaucoup d'aventures, n'est-ce pas ? Comment se fait-il que la reine n'en soit pas informée ?
-la reine les connaît comme nous. Elle l'aime trop pour lui en parler. Elle a peur qu'il ne retourne à Rhodes, chez son maître Phérécratès. Il est aussi puissant qu'elle et c'est elle qui l'a voulu.
-il n'a pas l'air heureux. Pourquoi a-t-il l'air si triste ? Il me semble que je serais heureux si j'étais lui. Je voudrais bien être lui, ne fût-ce que pour une soirée... " le soleil s'était couché. Des femmes regardaient cet homme, qui était leur rêve commun. Lui, sans paraître avoir conscience du mouvement qu'il inspirait, se tenait accoudé sur le parapet, en écoutant les joueuses de flûte.
Les petites musiciennes firent encore une quête ; puis, doucement, elles jetèrent leurs flûtes légères sur leurs dos ; la chanteuse les prit par le cou et toutes trois revinrent vers la ville.
à la nuit close, les autres femmes rentrèrent, par petits groupes, dans l'immense Alexandrie, et le troupeau des hommes les suivait ; mais toutes se retournaient, en marchant, vers le même Démétrios.
La dernière qui passa lui jeta mollement sa fleur jaune, et rit. Le silence envahit les quais.
LIVRE PREMIER, CHAPITRE III
à la place laissée par les musiciennes, Démétrios était resté seul, accoudé. Il écoutait la mer bruire, les vaisseaux craquer lentement, le vent passer sous les étoiles. Toute la ville était éclairée par un petit nuage éblouissant qui s'était arrêté sur la lune, et le ciel était adouci de clarté.
Le jeune homme regarda près de lui : les tuniques des joueuses de flûte avaient laissé deux empreintes dans la poussière.
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