Personne ne l’ayant fait, il m’a semblé assez étrange que sa famille ne se fût pas inquiétée de son sort, alors que miss Varette, elle, le croyait disparu. J’ai donc téléphoné à votre mère, qui m’a prié de lui rendre visite.

— Quand allez-vous à Norton Fitzwarren ?

— Probablement demain. Mais elle m’a conseillé de vous voir d’abord, pensant que peut-être vous auriez quelque chose à me dire, que peut-être vous pourriez me parler de Lionel...

Elle prit un air mystérieux et baissa la voix :

— Sur Lionel, je pourrais vous raconter des tas de choses... Des choses curieuses, qui seraient peut-être pour vous bonnes à savoir... Mais pas ici !

— Pourquoi ?

— Simplement, parce que j’en ai assez de cette soirée. Les invités me dégoûtent... et je crois bien que je me dégoûte moi-même ! Mais, vous, vous me plaisez !... Alors, si vous voulez, nous allons filer... Je connais un endroit où nous nous amuserons beaucoup plus qu’ici...

— Est-ce bien utile ?

— Certainement. Nous rencontrerons là-bas des gens qui pourront vous parler de Lionel et qui ne demanderont pas mieux que de le faire !

— Alors, allons-y !

— Pour commencer, vous me conduirez chez moi. Je veux changer de robe. Vous viendrez me rechercher et nous partirons ensemble. Je vous promets une soirée autrement gaie que celle-ci !

— Entendu !

Ils se levèrent. D’un pas mal assuré, elle traversa le salon. Il marchait derrière elle. Dans l’antichambre, ils s’arrêtèrent devant le divan. Mme Martindale dormait toujours.

 

III

 

Par les rues plongées dans le black-out, le taxi roulait vers Welbeck Street à une allure avoisinant le vingt à l’heure. Léonore Wilbery, le buste très droit, regardait par la vitre. Brusquement, elle se pencha vers Callaghan.

— Monsieur Callaghan, laissez-moi vous dire...

Elle se tut. Sa voix avait eu une intonation étrange. Callaghan se rendit compte que son visage était tout près du sien. Il respirait son parfum. Un parfum captivant, subtil et léger, très différent des lourds parfums d’Orient dont les femmes abusent trop souvent. Il passa sa main derrière elle, à la hauteur des épaules, l’attira à lui et l’embrassa en plein sur les lèvres.

— Je suppose, dit-elle ensuite, que je devrais crier au secours ou quelque chose comme ca ?

Il sourit.

— Pourquoi ?... Ça ne vous a pas fait plaisir ?

Elle était de nouveau très loin de lui.

— Je n’en sais rien.

Callaghan se rejeta dans son coin et alluma une cigarette.

— Vous ne voulez pas me parler de Lionel ?

Elle secoua la tête.

— Non, pas maintenant. Plus tard... Pour l’instant, je veux réfléchir.

Il l’assura qu’il n’y voyait personnellement aucun inconvénient.

Le taxi s’arrêta devant chez elle, dans Welbeck Street. Tandis que Callaghan payait le chauffeur, elle l’attendait sur le trottoir. Il crut remarquer qu’elle était tout heureuse de pouvoir s’appuyer sur la poignée de la porte. Il se demandait s’il était fatigué, ou si simplement il s’ennuyait.

Le taxi parti, il demanda :

— Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Elle répondit :

— La nuit est belle.