Départ à 7 h ½ ou 8 h. Pluie en arrivant à Ronvaux : souper en commun – ennuis : 1 sous-officier par grange en permanence – revues, plus moyen d’être ensemble pour les repas. Bonne nuit dans la grange.
Jeudi 7 [janvier]
Premier jour de repos assez tranquille. Nous mangeons tous ensemble et nous avons du vin malgré les appréhensions d’hier soir. Ce pauvre Ferret passe d’un extrême à l’autre et fait trimarder les poilus avec force paroles – pas de tir – le capitaine le soir entre à la popote au moment où tous les camarades chantent à tue-tête et cela le met en joie lui aussi – une douleur aiguë me pointe à l’épaule gauche – aïe ! gare aux futurs rhumatismes – je reçois deux bonnes lettres de Delphine et un mot de Vallette. La nuit est moins bonne que les précédentes : mes rhumatismes !
Vendredi 8 [janvier]
Je suis de jour – éreintante journée, à l’infirmerie : deux fois – malades et vaccination – [illisible]. Je ramasse les mandats et ne mange qu’à 1 h – puis viennent les mandats, les colis, 600 frs à distribuer, classer, faire signer – retourner les colis d’hier – j’écris à Delphine appuyé contre un montant de porte – pas le temps d’écrire d’autres lettres – reçu un autre colis du Bonnet [37] : c’est l’écriture de cette bonne Fanny – et rhumatisme toujours.
Samedi 9 [janvier]
Marche à 10 h. Le capitaine a une nouvelle saute d’humeur et il s’énerve du retard de la 1re section d’abord, de la malpropreté des sacs ensuite ; c’est moi qui écope encore et cela commence à m’échauffer les oreilles : menaces diverses, dissolution de la popote, cassation, etc., etc. Aussi, après-midi, travaux et revues. Nouvelle engueulade à 3 h parce que, prétend-il, les hommes ne nettoient pas leurs fusils – alors qu’ils sont au « garde à vous » – éternelle bêtise du métier. Le soir toutes les punitions sont levées. Manheulles a été bombardé, il y aurait 20 morts ou blessés.
Dimanche 10 [janvier]
J’en ai assez des revues. Tout le matin j’ai surveillé le travail des hommes et fourni des états : plaques d’identité – vêtements à changer – paquets de pansements – il faudrait encore des outils, le campement et les vivres de réserves et les [illisible] de c – font chier, m… Je ne fous plus rien, et je me fiche sur la paille. Ce soir je repartirai après ces 4 jours de repos plus fatigué que le jour où je suis arrivé.
Arrivée le soir à Pintheville où nous gagnons notre cave habituelle après avoir déambulé dans une autre rue vers une grange moins bonne que notre abri.
Lundi 11 [janvier]
Rien de particulier. J’ai écrit longuement à Delphine, à Rocher, à Lucien, à Fanny. Le soir, départ pour la tranchée – nuit obscure, pluie. Le capitaine, Mistarlet et Legouis qui marchent en tête nous conduisent trop à droite et en allant je m’étale de tout mon long dans un fossé plein d’eau – enfin, après être entré dans 30 cm de boue, nous arrivons à notre emplacement – presque pas d’hommes. 2 sentinelles restent 7 heures de faction – corvées de cartouches – de l’eau, de l’eau et de la boue. Pour me réchauffer je bats la semelle et je fais du pas de gymnastique derrière mes sentinelles. Drouin est en petit poste dans la tranchée boche.
Mardi 12 [janvier]
Au petit jour, rentrée de Drouin. C’est terrible pour caser les hommes – les abris de P 1 sont éboulés ou pleins d’eau, 30 cm d’eau pour arriver à ceux qui restent. Je veux me caser, impossible, j’entre dans l’eau jusqu’à mi-jambes, enfin j’arrive à un abri déjà plein – après avoir fait serrer les hommes, on arrive à me faire une petite place où je dois rester 11 heures, ni assis, ni debout, mais vaguement accroupi les pieds dans l’eau, les fesses sur une banquette humide. On a prévenu le com[mandant] de l’état des tranchées et il est venu les voir la nuit, mais sans entrer dedans ; il faut continuer paraît-il, mais dans 8 j[ours] nous n’aurons plus que des malades. Le soir, je me sèche jusqu’à minuit devant le feu de Billet. J’ai une soif que je ne puis apaiser. Enfin je rejoins mes poilus dans la grange 11 où je m’endors.
Mercredi 13 [janvier]
À 7 h j’amène mes hommes à l’abri désigné, cave habituelle. Je déjeune et vais voir Lévy-Bruhl qui m’a fait demander. Un bon feu, une litière confortable m’incitent au sommeil et je me couche éreinté encore, la tête lourde. Au moment où je commence à me reposer, le capitaine me fait appeler et commence par m’engueuler parce que les hommes sont seuls et sortis dans la rue. Ensuite, il me demande si j’accepte d’être proposé pour adjudant.
Je refuse, il propose Dastis.
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