– Oui, ma chère, reprit Mme Allen, avec une parfaite séréni-té. C’est très fâcheux, en effet.
– Que faire ? Les messieurs qui sont à cette table et les dames nous regardent comme étonnés de nous voir là ; nous sem-blons nous introduire dans leur société.
– Et c’est bien ce que nous faisons. Que c’est donc désa-gréable ! Je souhaiterais que nous eussions beaucoup de connaissances ici.
– Je voudrais que nous en eussions une : ce serait quelqu’un vers qui aller.
– Très vrai, ma chère ; et si nous connaissions quelqu’un, n’importe qui, nous le rejoindrions immédiatement. Les Skinner étaient ici l’an dernier : je souhaiterais qu’ils fussent ici maintenant.
– Ne ferions-nous pas mieux de nous en aller ? Vous voyez qu’il n’y a pas ici de tasse de thé pour nous.
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– Il n’y en a plus, en effet. Comme c’est contrariant ! Mais je pense qu’il vaut mieux que nous restions tranquilles : on est si ballotté dans une telle foule. Ma coiffure, dans quel état est-elle, ma chère ? Quelqu’un m’a donné un coup qui l’aura bousculée, j’en ai peur.
– Non, vraiment, elle est très bien. Mais, chère madame Allen, êtes-vous sûre qu’il n’y ait personne que vous connaissiez, dans cette multitude de gens ? Je suis persuadée que vous devez connaître quelqu’un.
– Non, sur ma parole. Je souhaiterais connaître quelqu’un.
De tout mon cœur je souhaiterais avoir beaucoup de connaissances ici, et alors je vous trouverais un partenaire. Je serais si heureuse que vous dansiez. Voyez ! voyez cette femme. Quelle toilette baroque ! une toilette si démodée ! Regardez-la par derrière.
Du temps passa, puis un de leurs voisins leur offrit du thé, ce qui fut accepté avec reconnaissance, et elles échangèrent quelques mots avec le courtois monsieur. De toute la soirée, ç’avait été le seul moment où quelqu’un leur eût adressé la parole, quand enfin, le bal fini, elles furent découvertes et rejointes par M. Allen.
– Eh bien, miss Morland ? dit-il aussitôt. J’espère que le bal vous a paru agréable.
– Très agréable, en effet, répondit-elle, essayant en vain de réprimer un bâillement.
– J’aurais voulu qu’elle pût danser, dit Mme Allen. J’aurais voulu que nous pussions trouver un danseur pour elle. J’ai dit combien j’aurais été heureuse si les Skinner eussent été là cet hiver plutôt que l’hiver dernier ; ou si les Parry étaient venus,
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comme ils en avaient parlé un jour. Elle aurait pu danser avec George Parry.
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