Bonne nuit. » J’inspecte
calmement les environs. Pas un chat. Alors, je fais un mouvement comme pour me
détourner et m’en aller, mais en même temps je pivote et je lui mets un jeton
juste entre les deux yeux. Il descend comme une fleur. Je l’attrape par le col
du veston et je le traîne jusqu’au fond du garage, dans un coin sombre, et je l’adosse
à une voiture. Ensuite, je le passe à la fouille.
Ce type porte un revolver d’ordonnance
Smith et Wesson dans un étui sous l’épaule gauche et un automatique Colt
calibre 38 dans la poche droite de son veston de smoking. Dans sa ceinture est
passé un couteau suédois de marin avec une lame de vingt centimètres. Et dans
la poche gauche de son pantalon, il trimbale une petite bombe en forme d’œuf. L’arsenal
de New York peut toujours s’aligner, c’est moi qui vous le dis.
Je le hisse contre le mur et je
commence à lui pincer les narines, un bon truc pour le faire revenir à lui ;
au bout de quelques secondes il secoue la tête. Puis il ouvre les yeux.
« C’est bon, p’tit futé, il
marmonne. Tu ne perdras rien pour attendre. Tu me revaudras ça, s’pèce de cave.
Quand on se sera expliqué, ta propre mère voudra même plus t’échanger contre
une vieille paire de chaussettes. Attends seulement que Lacassar t’ait mis le
grappin dessus.
– Passe la main, je lui dis en lui
refilant une châtaigne dans les gencives. Ecoute-moi, je te parle en ce moment.
Je veux pas te vexer ni te faire de peine, je tiens simplement à savoir après
qui tu attends et j’te préviens qu’il est inutile de chercher à me faire une
entourloupette, parce que j’ai ton artillerie dans mes poches. Et maintenant, mon
joli, est-ce qu’on est d’accord, ou est-ce que je te fais un massage facial à
coups de clef anglaise ?
– Minute, minute, il fait. J’étais
simplement en train de prendre l’air. On peut plus prendre l’air, alors ?
– Des clous, je réponds. Je t’ai vu
venir, mon vieux, t’es de la bande à Lacassar, pas vrai ? Dis donc, tu me
crois assez bille pour pas m’être rendu compte que la moitié du personnel de la
baraque sont des hommes à lui ? Il y a là des serveurs qu’ont jamais servi
quoi que ce soit ou qui que ce soit avant – sauf peut-être les flics – et qu’attendent
qu’y se déclenche quéq’chose. Le maître d’hôtel a l’air difforme avec la bosse
que fait l’étui qu’il porte sous le bras gauche et si le barman ne trimbale pas
un Smith et Wesson dans chaque poche, alors moi. Je suis une princesse hindoue
en traitement pour la malaria. En fait, il y a comme qui dirait une odeur
bizarre dans l’air ce soir, autour de c’te cambuse, et j’irai même jusqu’à dire
que ça sent la bagarre à plein nez. Alors tout ce qui te reste à faire, c’est
de dire ce que tu sais, et de te dépêcher, mon petit, sans ça, je te fais tâter
de la clef anglaise.
– Oh ! Merde, il fait. Après
tout, je vois pas pourquoi je ferais des histoires. C’est vrai qu’il pourrait
bien y avoir un peu de tintouin ce soir.
– Parfait, que j’dis. Me v’là
renseigné. »
Il grimace un sourire.
« C’est la moindre des choses, mon
p’tit pote. Maintenant, j’espère que tu vas me rendre mes outils ? »
Je lui dis de ne pas dire de bêtises,
et je recommence à lui taper dessus. Il tombe comme une bûche, et je le ligote
avec du fil électrique que je trouve dans un coin. Après ça, je lui fourre un
mouchoir dans la bouche et je l’enfourne dans une conduite intérieure qui se
trouve là et à laquelle il manque une roue. J’ai idée que personne ne se
servira de cette voiture avant un bout de temps.
Ensuite je fais quelques pas sur la
route et j’allume ma cigarette. Un moment après je reviens au garage et je
passe les autos en revue.
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