J'ai demandé souvent à des vins captieux

D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;

Le vin rend l'œil plus clair et l'oreille plus fine !


 

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;

Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles

Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !

 

 

 

 

CXXXV

ALLÉGORIE

 

C'est une femme belle et de riche encolure,

Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.

Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,

Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.

Elle rit à la Mort et nargue la Débauche147,

Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche

Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté

De ce corps ferme et droit la rude majesté.

Elle marche en déesse et repose en sultane ;

Elle a dans le plaisir la foi mahométane,

Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,

Elle appelle des yeux la race des humains.

Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde

Et pourtant nécessaire à la marche du monde,

Que la beauté du corps est un sublime don

 

Qui de toute infamie arrache le pardon.

Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,

Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,

Elle regardera la face de la Mort,

Ainsi qu'un nouveau-né, — sans haine et sans remord.

 

 

 

 

CXXXVI

LA BÉATRICE

 

Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,

Comme je me plaignais un jour à la nature,

Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,

J'aiguisais lentement sur mon cœur le poignard,

Je vis en plein midi descendre sur ma tête

Un nuage funèbre et gros d'une tempête,

Qui portait un troupeau de démons vicieux,

Semblables à des nains cruels et curieux.

À me considérer froidement ils se mirent,

Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,

Je les entendis rire et chuchoter entre eux,

En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux :


 

— « Contemplons à loisir cette caricature

Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,

Le regard indécis et les cheveux au vent.

N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant,

Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,

 

Parce qu'il sait jouer artistement son rôle,

Vouloir intéresser au chant de ses douleurs

Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,

Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,

Réciter en hurlant ses tirades publiques ? »


 

J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts

Domine la nuée et le cri des démons)

 

Détourner simplement ma tête souveraine148,

Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène,

Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil !

La reine de mon cœur au рregard non pareil,

Qui riait avec eux de ma sombre détresse

Et leur versait parfois quelque sale caresse.

 

 

 

 

CXXXVII

VOYAGE À CYTHÈRE

 

Mon cœur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux149

Et planait librement à l'entour des cordages ;

Le navire roulait sous un ciel sans nuages,

Comme un ange enivré d'un soleil radieux150.


 

Quelle est cette île triste et noire ? — C'est Cythère,

Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons,

Eldorado banal de tous les vieux garçons.

Regardez, après tout, c'est une pauvre terre.


 

— Ile des doux secrets et des fêtes du cœur !

De l'antique Vénus le superbe fantôme

Au-dessus de tes mers plane comme un arome,

Et charge les esprits d'amour et de langueur.


 

Belle île aux myrtes verts, pleine de fleurs écloses,

Vénérée à jamais par toute nation,

Où les soupirs des cœurs en adoration

Roulent comme l'encens sur un jardin de roses


 

Ou le roucoulement éternel d'un ramier !

— Cythère n'était plus qu'un terrain des plus maigres,

Un désert rocailleux troublé par des cris aigres.

J'entrevoyais pourtant un objet singulier !


 

Ce n'était pas un temple aux ombres bocagères,

Où la jeune prêtresse, amoureuse des fleurs,

Allait, le corps brûlé de secrètes chaleurs,

Entre-bâillant sa robe aux brises passagères ;


 

Mais voilà qu'en rasant la côte d'assez près

Pour troubler les oiseaux avec nos voiles blanches,

Nous vîmes que c'était un gibet à trois branches,

Du ciel se détachant en noir, comme un cyprès.


 

De féroces oiseaux perchés sur leur pâture

Détruisaient avec rage un pendu déjà mûr,

Chacun plantant, comme un outil, son bec impur

Dans tous les coins saignants de cette pourriture ;


 

Les yeux étaient deux trous, et du ventre effondré

Les intestins pesants lui coulaient sur les cuisses,

Et ses bourreaux, gorgés de hideuses délices,

L'avaient à coups de bec absolument châtré.


 

Sous les pieds, un troupeau de jaloux quadrupèdes,

Le museau relevé, tournoyait et rôdait ;

Une plus grande bête au milieu s'agitait

Comme un exécuteur entouré de ses aides.


 

Habitant de Cythère, enfant d'un ciel si beau,

Silencieusement tu souffrais ces insultes

En expiation de tes infâmes cultes

Et des péchés qui t'ont interdit le tombeau.


 

Ridicule pendu, tes douleurs sont les miennes !

Je sentis, à l'aspect de tes membres flottants,

Comme un vomissement, remonter vers mes dents

Le long fleuve de fiel des douleurs anciennes,


 

Devant toi, pauvre diable au souvenir si cher,

J'ai senti tous les becs et toutes les mâchoires

Des corbeaux lancinants et des panthères noires

Qui jadis aimaient tant à triturer ma chair.


 

— Le ciel était charmant, la mer était unie ;

Pour moi tout était noir et sanglant désormais,

Hélas ! et j'avais, comme en un suaire épais,

Le cœur enseveli dans cette allégorie.


 

Dans ton île, ô Vénus ! je n'ai trouvé debout

Qu'un gibet symbolique où pendait mon image...

— Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage

De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !

 

 

 

 

CXXXVIII

L’AMOUR ET LE CRÂNE

Vieux Cul-de-lampe

 

L'Amour est assis sur le crâne

              De l'Humanité,

Et sur ce trône le profane,

              Au rire effronté,


 

Souffle gaiement des bulles rondes

              Qui montent dans l'air,

Comme pour rejoindre les mondes

              Au fond de l'éther.


 

Le globe lumineux et frêle

              Prend un grand essor,

Crève et crache son âme grêle

              Comme un songe d'or.


 

J'entends le crâne à chaque bulle

              Prier et gémir :

— « Ce jeu féroce et ridicule,

              Quand doit-il finir ?


 

Car ce que ta bouche cruelle

              Éparpille en l'air,

Monstre assassin, c'est ma cervelle,

              Mon sang et ma chair ! »

 

 

 

 

 

CINQUIÈME PARTIE

 

RÉVOLTE

 

 

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CXXXIX

LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE

 

Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathèmes

Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?

Comme un tyran gorgé de viande et de vins151,

Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.


 

Les sanglots des martyrs et des suppliciés

Sont une symphonie enivrante sans doute,

Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,

Les cieux ne s'en sont point encore rassasiés !


 

— Ah ! Jésus, souviens-toi du Jardin des Olives !

Dans ta simplicité tu priais à genoux

Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous

Que d'ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,


 

Lorsque tu vis cracher sur ta divinité

La crapule du corps de garde et des cuisines,

Et lorsque tu sentis s'enfoncer les épines

Dans ton crâne où vivait l'immense Humanité ;


 

Quand de ton corps brisé la pesanteur horrible

Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang

Et ta sueur coulaient de ton front pâlissant,

Quand tu fus devant tous posé comme une cible,


 

Rêvais-tu de ces jours si brillants et si beaux

Où tu vins pour remplir l'éternelle promesse,

Où tu foulais, monté sur une douce ânesse,

Des chemins tout jonchés de fleurs et de rameaux,


 

Où, le cœur tout gonflé d'espoir et de vaillance,

Tu fouettais tous ces vils marchands à tour de bras,

Où tu fus maître enfin ? Le remords n'a-t-il pas

Pénétré dans ton flanc plus avant que la lance ?


 

— Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait

D'un monde où l'action n'est pas la sœur du rêve ;

Puisрsé-je user du glaive et périr par le glaive !

Saint Pierre a renié Jésus... il a bien fait !

 

 

 

 

CXL

ABEL ET CAÏN

 

I

Race d'Abel, dors, bois et mange ;

Dieu te sourit complaisamment.


 

Race de Caïn, dans la fange

Rampe et meurs misérablement.


 

Race d'Abel, ton sacrifice

Flatte le nez du Séraphin !


 

Race de Caïn, ton supplice

Aura-t-il jamais une fin ?


 

Race d'Abel, vois tes semailles

Et ton bétail venir à bien ;


 

Race de Caïn, tes entrailles

Hurlent la faim comme un vieux chien.


 

Race d'Abel, chauffe ton ventre

À ton foyer patriarcal ;


 

Race de Caïn, dans ton antre

Tremble de froid, pauvre chacal !


 

Race d'Abel, aime et pullule !

Ton or fait aussi des petits152.


 

Race de Caïn, cœur qui brûle,

Prends garde à ces grands appétits153.


 

Race d'Abel, tu croîs et broutes

Comme les punaises des bois !


 

Race de Caïn, sur les routes

Traîne ta famille aux abois.

 

II154

Ah ! race d'Abel, ta charogne

Engraissera le sol fumant !


 

Race de Caïn, ta besogne

N'est pas faite suffisamment ;


 

Race d'Abel, voici ta honte :

Le fer est vaincu par l'épieu !


 

Race de Caïn, au ciel monte,

Et sur la terre jette Dieu !

 

 

 

 

CXLI

LES LITANIES DE SATAN

 

Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges,

Dieu trahi par le sort et privé de louanges,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Ô Prince de l'exil, à qui l'on a fait du tort,

Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,

 


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,

Guérisseur familier des angoisses humaines155,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits156,

Enseignes par l'amour le goût du Paradis.


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Ô toi qui de la mort, ta vieille et forte amante,

Engendras l'Espérance, — une folle charmante !


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut157

Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui sais en quels coins des terres envieuses

Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi dont l'œil clair connaît les profonds arsenaux158

Où dort enseveli le peuple des métaux,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi dont la large main cache les précipices

Au somnambule errant au bord des édifices,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os159

De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre,

Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,

Sur le front du Crésus impitoyable et vil160,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Toi qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles

Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Bâton des exilés, lampe des inventeurs,

Confesseur des pendus et des conspirateurрs,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !


 

Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère

Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,


 

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !

 

PRIÈRE161

 

Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs

Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs

De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence162 !

Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science,

Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front

Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront !

 

 

 

 

 

SIXIÈME PARTIE

 

LA MORT

 

 

 

 

CXLII

LA MORT DES AMANTS

 

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,

Des divans profonds comme des tombeaux,

Et d'étranges fleurs sur des étagères,

Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.


 

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,

Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,

Qui réfléchiront leurs doubles lumières

Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.


 

Un soir fait de rose et de bleu mystique163,

Nous échangerons un éclair unique,

Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;


 

Et plus tard un ange, entr'ouvrant les portes164,

 

Viendra ranimer, fidèle et joyeux,

Les miroirs ternis et les flammes mortes.

 

 

 

 

 

CXLIII

LA MORT DES PAUVRES

 

C'est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre165 ;

C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir

Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre166,

Et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir ;


 

À travers la tempête, et la neige, et le givre,

C'est la clarté vibrante à notre horizon noir ;

C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,

Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir ;


 

C'est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques

Le sommeil et le don des rêves extatiques,

Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ;


 

C'est la gloire des Dieux, c'est le grenier mystique,

C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique,

C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus !

 

 

 

 

 

CXLIV

LA MORT DES ARTISTES

 

Combien faut-il de fois secouer mes grelots

Et baiser ton front bas, morne caricature ?

Pour piquer dans le but, de mystique nature167,

 

Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ?


 

Nous userons notre âme en de subtils complots,

Et nous démolirons mainte lourde armature,

Avant de contempler la grande Créature

Dont l'infernal désir nous remplit de sanglots !


 

Il en est qui jamais n'ont connu leur Idole,

Et ces sculpteurs damnés et marqués d'un affront,

Qui vont se martelant la poitrine et le front168,

 


 

N'ont qu'un espoir, étrange et sombre Capitole !

C'est que la Mort, planant comme un soleil nouveau,

Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau !

 

 

 

 

CXLV

LA FIN DE LA JOURNÉE169

 

Sous une lumière blafarde

Court, danse et se tord sans raison

La Vie, impudente et criarde.

Aussi, sitôt qu'à l'horizon


 

La nuit voluptueuse monte,

Apaisant tout, même la faim,

Effaçant tout, même la honte,

Le Poète se dit : « Enfin !


 

Mon esprit, comme mes vertèbres,

Invoque ardemment le repos ;

Le cœur plein de songes funèbres,


 

Je vais me coucher sur le dos

Et me rouler dans vos rideaux,

Ô rafraîchissantes ténèbres ! »

 

 

 

 

CXLVI

LE RÊVE D’UN CURIEUX170

(À F. N.)171

 

Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse,

Et de toi fais-tu dire : « Oh ! l'homme singulier ! »

— J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse,

Désir mêlé d'horreur, un mal particulier ;


 

Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.

Plus allait se vidant le fatal sablier,

Plus ma torture était âpre et délicieuse ;

Tout mon cœur s'arrachait au monde familier.


 

J'étais comme l'enfant avide du spectacle,

Haïssant le rideau comme on hait un obstacle...

Enfin la vérité froide se révéla :

 


 

J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore

M'enveloppait. — Eh quoi ! n'est-ce donc que cela ?

La toile était levée et j'attendais encore.

 

 

 

 

CXLVII

LE VOYAGE172

(À MAXIME DU CAMP)

 

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,

L'univers est égal à son vaste appétit.

Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !

Aux yeux du souvenir que le monde est petit !


 

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,

Le coeur gros de rancune et de désirs amers,

Et nous allons, suivant le rythme de la lame,

 

Berçant notre infini sur le fini des mers :


 

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;

D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,

Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,

La Circé tyrannique aux dangereux parfums.


 

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent

D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;

La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,

Effacent lentement la marque des baisers.


 

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent

Pour partir ; cœur légers, semblables aux ballons,

De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,

Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !


 

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,

Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,

De vastes voluptés, changeantes, inconnues,

Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

 

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule

Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils

La Curiosité nous tourmente et nous roule,

Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.


 

Singulière fortune où le but se déplace,

Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où ;

Où l'Homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,

Pour trouver le repos court toujours comme un fou !


 

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;

Une voix retentit sue le pont : « Ouvre l'oeil ! »

Une voix de la hune, ardente et folle, crie :

« Amour...