E.
E. C.

(10 décembre 1923)
DIALOGUE
dans l’Aumonyme, 1923
— Rien ne m’intéresse.
— Rie en aimant Thérèse.
LANGAGE CUIT
1923
Vent nocturne
dans Langage cuit, 1923
Sur la mer maritime se perdent les perdus
Les morts meurent en chassant des chasseurs
dansent en rond une ronde
Dieux divins ! Hommes humains !
De mes doigts digitaux je déchire une cervelle
cérébrale.
Quelle angoissante angoisse
Mais les maîtresses maîtrisées ont des cheveux chevelus
Cieux célestes
terre terrestre
Mais où est la terre céleste ?
Langage cuit – I
dans Langage cuit, 1923
Ce vieillard encore violet ou orangé ou rose
porte un pantalon en trompe d’éléphant.
Mon amour jette-moi ce regard chaud
où se lisent de blancs desseins !
Portrait au rallongé de nos âmes
Parlerons-nous à cœur fermé
et ce cœur sur le pied ?
Où jouerons-nous toute la nuit à la main froide ?
Langage cuit – II
dans Langage cuit, 1923
D’une voix noire
d’une voix maigre
m’a séduite
dans la nuit mince
dans le jour des temps.
Se vêtir d’un crêpe de chevelure
la muse aux seins mourants.
Et la voix ronde
dit que la voie est esclave.
Quelle lumière cuite ce jour-là !
À présent
dans Langage cuit, 1923
J’aimai avec passion ces longues fleurs qui éclatai-je à mon entrée.
Chaque lampe se transfigurai-je en œil crevé d’où coulai-je des vins
plus précieux que la nacre et les soupirs des femmes assassinées.
Avec frénésie, avec frénésie nos passions naquis-je et le fleuve Amazone
lui-même ne bondis-je pas mieux.
Écouté-je moi bien ! Du coffret jaillis-je des océans et non des vins
et le ciel s’entr’ouvris-je quand il parus-je.
Le nom du seigneur n’eus-je rien à faire ici.
Les belles mourus-je d’amour et les glands, tous les glands tombai-je dans les ruisseaux.
La grande cathédrale se dressai-je jusqu’au bel œil. L’œil de ma bien-aimée.
Il connus-je des couloirs de chair. Quant aux murs ils se liquéfiai-je
et le dernier coup de tonnerre fis-je disparaître de la terre tous les tombeaux.
Idéal maîtresse
dans Langage cuit, 1923
Je m’étais attardé ce matin-là à brosser les dents d’un joli animal que, patiemment, j’apprivoise. C’est un caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à l’ordinaire, quelques cigarettes, puis je partis.
Dans l’escalier je la rencontrai. « Je mauve », me dit-elle et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi. Or, il serrure et, maîtresse ! Tu pitchpin qu’a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux.
L’escalier, toujours l’escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche.
Remontons ! mais en vain, les souvenirs se sardine ! à peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez ! En voici le verdict : « La danseuse sera fusillée à l’aube avec ses bijoux immolés au feu de son corps. Le sang des bijoux, soldats ! »
Eh quoi, déjà je miroir. Maîtresse tu carré noir et si les nuages de tout à l’heure myosotis, ils moulins dans la toujours présente éternité.
Chanson de chasse
dans Langage cuit, 1923
La chasseresse sans chance
de son sein choie son sang sur ses chasselas
chasuble sur ce chaud si chaud sol
chat sauvage
chat chat sauvage qui vaut sage
chat sage ou sage sauvage
laissez sécher les chasses léchées
chasse ces chars sans chevaux et cette échine
sans châle
si sûre chasseresse
son sort qu’un chancre sigille
chose sans chagrin
chanson sans chair chanson chiche.
Élégant Cantique de Salomé Salomon
dans Langage cuit, 1923
Mon mal meurt mais mes mains miment
Nœuds, nerfs non anneaux. Nul nord
Même amour mol ? mames, mord
Nus nénés nonne ni Nine.
Où est Ninive sur la mammemonde ?
Ma mer, m’amis, me murmure :
« nos nils noient nos nuits nées neiges »
Meurt momie ! môme : âme au mur.
Néant nié nom ni nerf n’ai-je !
Aime haine
Et n’aime
haine aime
aimai ne
M N
N M
N M
M N
Le Bonbon
dans Langage cuit, 1923
Je je suis suis le le roi roi
des montagnes
j’ai de de beaux bobos beaux beaux yeux yeux
il fait une chaleur chaleur
j’ai nez
j’ai doigt doigt doigt doigt à à
chaque main main
j’ai dent dent dent dent dent dent dent
dent dent dent dent dent dent dent
dent dent dent dent dent dent dent
dent dent dent dent dent dent dent
dent dent dent dent
Tu tu me me fais fais souffrir
mais peu m’importe m’importe
la la porte porte
Au mocassin le verbe
dans Langage cuit, 1923
Tu me suicides, si docilement
Je te mourrai pourtant un jour.
Je connaîtrons cette femme idéale
et lentement je neigerai sur sa bouche
Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard, même si je fais beau temps
Nous aimez si peu nos yeux
et s’écroulerai cette larme sans
raison bien entendu et sans tristesse.
Sans.
Cœur en bouche
dans Langage cuit, 1923
Son manteau traînait comme un soleil couchant
et les perles de son collier étaient belles comme des dents.
Une neige de seins qu’entourait la maison
et dans l’âtre un feu de baisers.
Et les diamants de ses bagues étaient plus brillants que des yeux.
« Nocturne visiteuse Dieu croit en moi !
– Je vous salue gracieuse de plénitude
les entrailles de votre fruit sont bénies.
Dehors se courbent les roseaux fines tailles.
Les chats grincent mieux que les girouettes.
Demain à la première heure, respirer des roses aux doigts d’aurore
et la nue éclatante transformera en astre le duvet. »
Dans la nuit ce fut l’injure des rails aux indifférentes locomotives
près des jardins où les roses oubliées
sont des amourettes déracinées.
« Nocturne visiteuse un jour je me coucherai dans un linceul comme dans une mer.
Tes regards sont des rayons d’étoile,
les rubans de ta robe des routes vers l’infini.
Viens dans un ballon léger semblable à un cœur
malgré l’aimant, arc de triomphe quant à la forme.
Les giroflées du parterre deviennent les mains les plus belles d’Haarlem.
Les siècles de notre vie durent à peine des secondes.
À peine les secondes durent-elles quelques amours.
À chaque tournant il y a un angle droit qui ressemble à un vieillard.
Le loup à pas de nuit s’introduit dans ma couche.
Visiteuse ! Visiteuse ! tes boucliers sont des seins !
Dans l’atelier se dressent aussi sournoises que des langues les vipères.
Et les étaux de fer comme les giroflées sont devenus des mains.
Avec les fronts de qui lapiderez-vous les cailloux ?
quel lion te suit plus grondant qu’un orage ?
Voici venir les cauchemars des fantômes. »
Et le couvercle du palais se ferma aussi bruyamment que les portes du cercueil.
On me cloua avec des clous aussi maigres que des morts
dans une mort de silence.
Maintenant vous ne prêterez plus d’attention
aux oiseaux de la chansonnette.
L’éponge dont je me lave n’est qu’un cerveau ruisselant
et des poignards me pénètrent avec l’acuité de vos regards.
L’Asile ami
dans Langage cuit, 1923
Là ! L’Asie. Sol miré, phare d’haut, phalle ami docile à la femme, il l’adore, et dos ci dos là mille a mis ! Phare effaré la femme y résolut d’odorer la cire et la fade eau. L’art est facile à dorer : fard raide aux mimis, domicile à lazzi. Dodo l’amie outrée !

Un jour qu’il faisait nuit
dans Langage cuit, 1923
Il s’envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d’ébène, les fils de fer en or et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d’amour comme tout un chacun.
Le mort respirait de grandes bouffées de vide.
Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés.
Après cela il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons
Sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre, marque le centre du cercle sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule.
Quand la marche nous eut bien reposé
nous eûmes le courage de nous asseoir
puis au réveil nos yeux se fermèrent
et l’aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.
La pluie nous sécha.
Isabelle et Marie
dans Langage cuit, 1923
Isabelle rencontra Marie au bas de l’escalier :
« Tu n’es qu’une chevelure ! lui dit-elle.
– et toi une main.
– main toi-même, omoplate !
– omoplate ? c’est trop fort, espèce de sein !
– Langue ! dent ! pubis !
– œil !
– cils ! aisselle ! rein !
– gorge !… oreille !
– Oreille ? moi ? regarde-toi, narine !
– non mais, vieille gencive !
– doigt !
– con ! »
La Colombe de l’arche
dans Langage cuit, 1923
Maudit !
soit le père de l’épouse
du forgeron qui forgea le fer de la cognée
avec laquelle le bûcheron abattit le chêne
dans lequel on sculpta le lit
où fut engendré l’arrière-grand-père
de l’homme qui conduisit la voiture
dans laquelle ta mère
rencontra ton père.
C’était un bon copain
dans Langage cuit, 1923
Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C’était un bon copain
Il avait l’estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C’était un triste copain.
Il avait la tête à l’envers
Et le feu là où vous pensez.
Mais non quoi il avait le feu au derrière.
C’était un drôle de copain
Quand il prenait ses jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C’était un charmant copain
Il avait une dent contre Étienne
À la tienne Étienne à la tienne mon vieux.
C’était un amour de copain
Il n’avait pas sa langue dans la poche
Ni la main dans la poche du voisin.
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C’était un copain,
C’était un bon copain.
À LA MYSTÉRIEUSE
1926
Ô douleur de l’amour !
dans À la mystérieuse, 1926
Ô douleurs de l’amour !
Comme vous m’êtes nécessaires et comme vous m’êtes chères.
Mes yeux qui se ferment sur des larmes imaginaires,
mes mains qui se tendent sans cesse vers le vide.
J’ai rêvé cette nuit de paysages insensés et d’aventures dangereuses
aussi bien du point de vue de la mort que du point de vue de la vie
qui sont aussi le point de vue de l’amour.
Au réveil vous étiez présentes, ô douleurs de l’amour,
ô muses du désert, ô muses exigeantes.
Mon rire et ma joie se cristallisent autour de vous. C’est votre fard,
votre poudre, votre rouge, votre sac de peau de serpent, vos bas de soie…
et c’est aussi ce petit pli entre l’oreille et la nuque, à la naissance du cou,
c’est votre pantalon de soie et votre fine chemise et votre manteau de fourrure,
votre ventre rond c’est mon rire et mes joie vos pieds et tous vos bijoux.
En vérité, comme vous êtes bien vêtue et bien parée.
Ô douleurs de l’amour, anges exigeants, voilà que je vous imagine
à l’image même de mon amour que je confonds avec lui…
Ô douleurs de l’amour, vous que je créé et habille, vous vous confondez
avec mon amour dont je ne connais que les vêtements et aussi les yeux,
la voix, le visage, les mains, les cheveux, les dents, les yeux…
J’ai tant rêvé de toi
dans À la mystérieuse, 1926
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.
Les Espaces du sommeil
dans À la mystérieuse, 1926
Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles
du monde et la grandeur et le tragique et le charme.
Les forêts s’y heurtent confusément avec des créatures de légende
cachées dans les fourrés.
Il y a toi.
Dans la nuit il y a le pas du promeneur et celui de l’assassin
et celui du sergent de ville et la lumière du réverbère
et celle de la lanterne du chiffonnier.
Il y a toi.
Dans la nuit passent les trains et les bateaux et le mirage des pays
où il fait jour. Les derniers souffles du crépuscule
et les premiers frissons de l’aube.
Il y a toi.
Un air de piano, un éclat de voix.
Une porte claque. Un horloge.
Et pas seulement les êtres et les choses et les bruits matériels.
Mais encore moi qui me poursuis ou sans cesse me dépasse.
Il y a toi l’immolée, toi que j’attends.
Parfois d’étranges figures naissent à l’instant du sommeil et disparaissent.
Quand je ferme les yeux, des floraisons phosphorescentes apparaissent
et se fanent et renaissent comme des feux d’artifice charnus.
Des pays inconnus que je parcours en compagnie de créatures.
Il y a toi sans doute, ô belle et discrète espionne.
Et l’âme palpable de l’étendue.
Et les parfums du ciel et des étoiles et le chant du coq d’il y a 2 000 ans
et le cri du paon dans des parcs en flamme et des baisers.
Des mains qui se serrent sinistrement dans une lumière blafarde
et des essieux qui grincent sur des routes médusantes.
Il y a toi sans doute que je ne connais pas, que je connais au contraire.
Mais qui, présente dans mes rêves, t’obstines à s’y laisser deviner sans y paraître.
Toi qui restes insaisissable dans la réalité et dans le rêve.
Toi qui m’appartiens de par ma volonté de te posséder en illusion
mais qui n’approches ton visage du mien que mes yeux clos
aussi bien au rêve qu’à la réalité.
Toi qu’en dépit d’un rhétorique facile où le flot meurt sur les plages,
où la corneille vole dans des usines en ruines,
où le bois pourrit en craquant sous un soleil de plomb,
Toi qui es à la base de mes rêves et qui secoues mon esprit plein de métamorphoses
et qui me laisses ton gant quand je baise ta main.
Dans la nuit, il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer,
des fleuves, des forêts, des villes, des herbes,
des poumons de millions et millions d’êtres.
Dans la nuit il y a les merveilles du mondes.
Dans la nuit il n’y a pas d’anges gardiens mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.
Dans le jour aussi.
Si tu savais
dans À la mystérieuse, 1926
Loin de moi et semblable aux étoiles et à tous les accessoires
de la mythologie poétique,
Loin de moi et cependant présente à ton insu,
Loin de moi et plus silencieuse encore parce que je t’imagine sans cesse,
Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir.
Si tu savais.
Loin de moi et peut-être davantage encore de m’ignorer et m’ignorer encore.
Loin de moi parce que tu ne m’aimes pas sans doute ou ce qui revient au même,
que j’en doute.
Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs passionnés.
Loin de moi parce que tu es cruelle.
Si tu savais.
Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière
au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir
dans les champignonnières.
Loin de moi silencieuse encore ainsi qu’en ma présence et joyeuse encore
comme l’heure en forme de cigogne qui tombe de haut.
Loin de moi à l’instant où chantent les alambics, l’instant où la mer silencieuse et bruyante
se replie sur les oreillers blancs.
Si tu savais.
Loin de moi, ô mon présent présent tourment, loin de moi au bruit magnifique
des coquilles d’huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule,
au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants.
Si tu savais.
Loin de moi, volontaire et matériel mirage.
Loin de moi c’est une île qui se détourne au passage des navires.
Loin de moi un calme troupeau de bœufs se trompe de chemin,
s’arrête obstinément au bord d’un profond précipice, loin de moi, ô cruelle.
Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète.
Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre,
il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi,
tu es loin de moi.
Si tu savais.
Loin de moi une maison achève d’être construite.
Un maçon en blouse blanche au sommet de l’échafaudage chante une petite chanson très triste
et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison :
les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres
des belles inconnues et leurs rêves même à minuit, et les secrets voluptueux
surpris par les lames de parquet.
Loin de moi,
Si tu savais.
Si tu savais comme je t’aime et, bien que tu ne m’aimes pas, comme je suis joyeux,
comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l’univers.
Comme je suis joyeux à en mourir.
Si tu savais comme le monde m’est soumis.
Et toi, belle insoumise aussi, comme tu es ma prisonnière.
Ô toi, loin-de-moi, à qui je suis soumis.
Si tu savais.
Non l’amour n’est pas mort
dans À la mystérieuse, 1926
Non, l’amour n’est pas mort en ce cœur et ces yeux et cette bouche
qui proclamait ses funérailles commencées.
Écoutez, j’en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.
J’aime l’amour, sa tendresse et sa cruauté.
Mon amour n’a qu’un seul nom, qu’une seule forme.
Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.
Mon amour n’a qu’un nom, qu’une seule forme.
Et si quelque jour tu t’en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour,
Un jour sur la mer entre l’Amérique et l’Europe,
À l’heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues,
ou bien une nuit d’orage sous un arbre dans la campagne,
ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l’aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l’ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t’aimer davantage
et qu’il est dommage que tu ne l’aies pas connu.
Dis-toi qu’il ne faut pas regretter les choses : Ronsard avant moi
et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes
qui méprisèrent le plus pur amour.
Toi quand tu seras morte
Tu seras belle et toujours désirable.
Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante
présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l’éternité,
mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L’odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d’autres choses encore vivront en moi,
Et moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,
Moi qui suis Robert Desnos et qui pour t’avoir connue et aimée,
Les vaux bien ;
Moi qui suis Robert Desnos, pour t’aimer
Et qui ne veux pas attacher d’autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable.
Comme une main à l’instant de la mort
dans À la mystérieuse, 1926
Comme une main à l’instant de la mort et du naufrage se dresse
comme les rayons du soleil couchant,
ainsi de toutes parts jaillissent tes regards.
Il n’est plus temps, il n’est plus temps peut-être de me voir,
Mais la feuille qui tombe et la roue qui tourne te diront
que rien n’est perpétuel sur terre,
Sauf l’amour,
Et je veux m’en persuader.
Des bateaux de sauvetage peints de rougeâtres couleurs,
Des orages qui s’enfuient,
Une valse surannée qu’emportent le temps et le vent durant les longs espaces du ciel.
Paysages.
Moi, je n’en veux pas d’autres que l’étreinte à laquelle j’aspire,
Et meure le chant du coq.
Comme une main, à l’instant de la mort, se crispe, mon cœur se serre.
Je n’ai jamais pleuré depuis que je te connais.
J’aime trop mon amour pour pleurer.
Tu pleureras sur mon tombeau,
Ou moi sur le tien.
Il ne sera pas trop tard.
Je mentirai. Je dirai que tu fus ma maîtresse.
Et puis vraiment c’est tellement inutile,
Toi et moi, nous mourrons bientôt.
À la faveur de la nuit
dans À la mystérieuse, 1926
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit.
Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre.
Cette ombre à la fenêtre c’est toi, ce n’est pas une autre, c’est toi.
N’ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s’ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s’ouvre : ce n´est pas toi.
Je le savais bien.
LES TÉNÈBRES
1927
I. La Voix de Robert Desnos
dans Les Ténèbres 1927
Si semblable à la fleur et au courant d’air
au cours d’eau aux ombres passagères
au sourire entrevu ce fameux soir à minuit
si semblable à tout au bonheur et à la tristesse
c’est le minuit passé dressant son torse nu
au dessus des beffrois et des peupliers
j’appelle à moi ceux-là perdus dans les campagnes
les vieux cadavres les jeunes chênes coupés
les lambeaux d’étoffe pourrissant sur la terre et le linge
séchant aux alentours des fermes
j’appelle à moi les tornades et les ouragans
les tempêtes les typhons les cyclones
les raz de marée
les tremblements de terre
j’appelle à moi la fumée des volcans et celle des cigarettes
les ronds de fumée des cigares de luxe
j’appelle à moi les amours et les amoureux
j’appelle à moi les vivants et les morts
j’appelle les fossoyeurs j’appelle les assassins
j’appelle les bourreaux j’appelle les pilotes les maçons et
les architectes
les assassins
j’appelle la chair
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
j’appelle celle que j’aime
le minuit triomphant déploie ses ailes de satin
et se pose sur mon lit
les beffrois et les peupliers se plient à mon désir
ceux-là s’écroulent ceux-là s’affaissent
les perdus dans la campagne se retrouvent en me trouvant
les vieux cadavres ressuscitent à ma voix
les jeunes chênes coupés se couvrent de verdure
les lambeaux d’étoffe pourrissent dans la terre et sur la terre
claquent à ma voix comme l’étendard de la révolte
le linge séchant aux alentours des fermes habille d’adorables femmes
que je n’adore pas qui viennent à moi obéissent à ma voix et m’adorent
les tornades tournent dans ma bouche
les ouragans rougissent s’il est possible mes lèvres
les tempêtes grondent à mes pieds
les typhons s’il est possible me dépeignent
je reçois les baisers d’ivresse des cyclones
les raz de marrée viennent mourir à mes pieds
les tremblements de terre ne m’ébranlent pas
mais font tout crouler à mon ordre
la fumée des volcans me vêt de ses vapeurs
et celle des cigarettes me parfume
et les ronds de fumée des cigares me couronnent
les amours et l’amour si longtemps poursuivis se réfugient en moi
les amoureux écoutent ma voix
les vivants et les morts se soumettent et me saluent
les premiers froidement les seconds familièrement
les fossoyeurs abandonnent les tombes à peine creusées
et déclarent que moi seul puis commander leurs nocturnes travaux
les assassins me saluent
les bourreaux invoquent la révolution
invoquent ma voix
invoquent mon nom
les pilotes se guident sur mes yeux
les maçons ont le vertige en m’écoutant
les assassins me bénissent
la chair palpite à mon appel
celle que j’aime ne m’écoute pas
celle que j’aime ne m’entend pas
celle que j’aime ne me répond pas
14 décembre 1926
II. Infinitif
dans Les Ténèbres 1927
Y mourir ô belle flammèche y
voir les nuages fondre comme la neige et l’écho
origines du soleil et du blanc pauvres comme Job
ne pas mourir encore et voir durer l’ombre
naître avec le feu et ne pas mourir
étreindre et embrasser amour fugace le ciel mat
gagner les hauteurs abandonner le bord
et qui sait découvrir ce que j’aime
omettre de transmettre mon nom aux années
rire aux heures orageuses dormir au pied d’un pin
grâce aux étoiles semblables à un numéro
et mourir ce que j’aime au bord des flammes.
III. Le Vendredi du crime
dans Les Ténèbres 1927
Un incroyable désir s’empare des femmes endormies
Une pierre précieuse s’endort dans l’écrin bleu de roi
Et voila que sur le chemin s’agitent les cailloux fatigués
Plus jamais les pas des émues par la nuit
Passez cascades
Les murailles se construisent au son du du luth d’Orphée
et s’écroulent au son des trompettes de Jéricho
Sa voix perce les murailles
et mon regard les supprime sans ruines
Ainsi passent les cascades avec la lamentation des étoiles
Plus de cailloux sur le sentier
Plus de femmes endormies
Plus de femmes dans l’obscurité
Ainsi passez cascades.
IV. L’Idée fixe
dans Les Ténèbres 1927
Je t’apporte une petite algue qui se mêlait à l’écume de la mer
et ce peigne
Mais tes cheveux sont mieux nattés que les nuages avec le vent
avec les rougeurs célestes et tels avec des frémissements de vie
et de sanglots que se tordant parfois entre mes mains
ils meurent avec les flots et les récifs du rivage
en telle abondance qu’il faudra longtemps pour désespérer des parfums
et de leur fuite avec le soir où ce peigne marque sans bouger
les étoiles ensevelies dans leur rapide et soyeux cours traversé
par mes doigts sollicitant encore à leur racine la caresse humide
d’une mer plus dangereuse que celle où cette algue fut recueillie
avec la mousse dispersée tempête.
Une étoile qui meurt est pareille à tes lèvres.
Elles bleuissent comme le vin répandu sur la nappe.
Un instant passe avec la profondeur d’une mine.
L’anthracite se plaint sourdement et tombe en flocons sur la ville
Qu’il fait froid dans l’impasse où je t’ai connue
Un numéro oublié sur une maison en ruines
Le numéro 4 je crois
Je te retrouverai avant quelques jours près de ce pot de reine-marguerite
Les mines ronflent sourdement
Les toits sont couverts d’anthracite
Ce peigne dans tes cheveux semblable à la fin du monde
La fumée le vieil oiseau et le geai
Là sont finies les roses et les émeraudes
Les pierres précieuses et les fleurs
La terre s’effrite et s’étoile avec le bruit d’un fer à repasser sur la nacre
Mais tes cheveux si bien nattés ont la forme d’une main.
V. Sous les saules
dans Les Ténèbres 1927
L’étrange oiseau dans la cage aux flammes
Je déclare que je suis le bûcheron de la forêt d’acier
que les martes et les loutres sont des jamais connues
l’étrange oiseau qui tord ses ailes et s’illumine
Un feu de Bengale inattendu a charmé ta parole
Quand je te quitte il rougit mes épaules et l’amour
Le quart d’heure vineux mieux vêtu qu’un décor lointain
étire ses bras débiles et fait craquer ses doigts d’albâtre
À la date voulue tout arrivera en transparence
plus fameux que la volière où les plumes se dispersent
Un arbre célèbre se dresse au-dessus du monde
avec des pendus en ses racines profondes vers la terre
c’est ce jour que je choisis
Un flamboyant poignard a tué l’étrange oiseau dans la cage de flamme
et la forêt d’acier vibre en sourdine illuminée par le feu des mortes giroflées
Dans le taillis je t’ai cachée dans le taillis qui se proclame roi des plaines.
VI. Trois Étoiles
dans Les Ténèbres 1927
J’ai perdu le regret du mal passé les ans.
J’ai gagné la sympathie des poissons.
Plein d’algues, le palais qui abrite mes rêves est un récif
et aussi un territoire du ciel d’orage
et non du ciel trop pâle de la mélancolique divinité.
J’ai perdu tout de même la gloire que je méprise.
J’ai tout perdu hormis l’amour, l’amour de l’amour,
l’amour des algues, l’amour de la reine des catastrophes.
Une étoile me parle à l’oreille :
Croyez-moi, c’est une belle dame
Les algues lui obéissent et la mer elle-même se transforme en robe de cristal
quand elle paraît sur la plage.
Belle robe de cristal tu résonnes à mon nom.
Les vibrations, ô cloche surnaturelle, se perpétuent dans sa chair
Les seins en frémissent.
La robe de cristal sait mon nom
La robe de cristal m’a dit :
« Fureur en toi, amour en toi
Enfant des étoiles sans nombre
Maître du seul vent et du seul sable
Maître des carillons de la destinée et de l’éternité
Maître de tout enfin hormis de l’amour de sa belle
Maître de tout ce qu’il a perdu et esclave de ce qu’il garde encore.
Tu seras le dernier convive à la table ronde de l’amour
Les convives, les autres larrons ont emporté les couverts d’argent.
Le bois se fend, la neige fond.
Maître de tout hormis de l’amour de sa dame.
Toi qui commandes aux dieux ridicules de l’humanité
et ne te sers pas de leur pouvoir qui t’es soumis.
Toi, maître, maître de tout hormis de l’amour de ta belle »
Voilà ce que m’a dit la robe de cristal.
VII. Chant du ciel
dans Les Ténèbres 1927
La fleur des Alpes disait au coquillage : « tu luis »
Le coquillage disait à la mer : « tu résonnes »
La mer disait au bateau : « tu trembles »
Le bateau disait au feu : « tu brilles »
Le feu me disait : « je brille moins que ses yeux »
Le bateau me disait : « je tremble moins que ton cœur quand elle paraît »
La mer me disait : « je résonne moins que son nom en ton amour »
Le coquillage me disait : « je luis moins que le phosphore du désir dans ton rêve creux »
La fleur des Alpes me disait : « Elle est belle »
Je disais : « Elle est belle, elle est belle, elle est émouvante ».
VIII. De la fleur d’amour et des chevaux migrateurs
dans Les Ténèbres 1927
Il était dans la forêt une fleur immense qui risquait
de faire mourir d’amour tous les arbres
Tous les arbres l’aimaient
Les chênes vers minuit devenaient reptiles et rampaient juqu’à sa sa tige
Les frênes et les peupliers se courbaient vers sa corolle
Les fougères jaunissaient dans sa terre.
Et telle elle était radieuse plus que l’amour nocturne de la mer et de la lune
Plus pâle que les grands volcans éteints de cet astre
Plus triste et nostalgique que le sable qui se dessèche
et se mouille au gré des flots
Je parle de la fleur de la forêt et non des tours
Je parle de la fleur de la forêt et non de mon amour
Et si telle trop pâle et nostalgique et adorable
aimée des arbres et des fougères
elle retient mon souffle sur les lèvres
c’est que nous sommes de même essence
Je l’ai rencontrée un jour
Je parle de la fleur et non des arbres
Dans la forêt frémissante où je passais
Salut papillon qui mourut dans sa corolle
Et toi fougère pourrissante mon cœur
Et vous mes yeux fougères presque charbon presque flamme presque flot
Je parle en vain de la fleur mais de moi
Les fougères ont jauni sur le sol devenu pareil à la lune
Semblable le temps précis à l’agonie perdue entre un bleuet
et une rose et encore une perle
Le ciel n’est pas si clos
Un homme surgit qui dit son nom devant lequel s’ouvrent
les portes un chrysanthème à la boutonnière
C’est de la fleur immobile que je parle
et non des ports de l’aventure et de la solitude
Les arbres un à un moururent autour de la fleur
Qui se nourrissait de leur mort pourrissante
Et c’est pourquoi la plaine devint semblable à la pulpe des fruits
Pourquoi les villes surgirent
Une rivière à mes pieds se love et reste à ma merci
ficelle de la salutation des images
Un cœur quelque part s’arrête de battre et la fleur se dresse
C’est la fleur dont l’odeur triomphe du temps
La fleur qui d’elle-même a révélé son existence aux plaines dénudées
pareilles à la lune à la mer
et à l’aride atmosphère des cœurs douloureux
Une pince de homard bien rouge reste à côté de la marmite
Le soleil projette l’ombre de la bougie et de la flamme
La fleur se dresse avec orgueil dans un ciel de fable
Vos ongles mes amies sont pareils à ses pétales et roses comme eux
La forêt murmurante en bas se déploie
Un cœur qui comme une source tarie
Il n’est plus temps il n’est plus temps d’aimer
vous qui passez sur la route
La fleur de la forêt dont je conte l’histoire est un chrysanthème
Les arbres sont morts les champs ont verdi les villes sont apparues
Les grands chevaux migrateurs piaffent dans leurs écuries lointaines
Bientôt les grands chevaux migrateurs partent
Les villes regardent passer leur troupeau dans les rues
dont le pavé résonne au choc de leurs sabots et parfois étincelle
Les champs sont bouleversés par cette cavalcade
Eux la queue traînant dans la poussière
et les naseaux fumants passent devant la fleur
Longtemps se prolongent leurs ombres
Mais que sont-ils devenus les chevaux migrateurs
dont la robe tachetée était un gage de détresse
Parfois on trouve un fossile étrange en creusant la terre
C’est un de leurs fers
La fleur qui les vit fleurit encore sans tache ni faiblesse
Les feuilles poussent au long de sa tige
Les fougères s’enflamment et se penchent aux fenêtres des maisons
Mais les arbres que sont-ils devenus
La fleur pourquoi fleurit-elle
Volcans ! ô volcans !
Le ciel s’écroule
Je pense à très loin au plus profond de moi
Les temps abolis sont pareils aux ongles brisés sur les portes closes
Quand dans les campagnes un paysan va mourir entouré
des fruits mûrs de l’arrière-saison du bruit du givre
qui se craquelle sur les vitres de l’ennui flétri fané
comme les bluets du gazon
Surgissent les chevaux migrateurs
Quand un voyageur s’égare dans les feux follets plus crevassés
que le front des vieillards et qu’il se couche dans le terrain mouvant
Surgissent les chevaux migrateurs
Quand une fille se couche nue au pied d’un bouleau et attend
Surgissent les chevaux migrateurs
Ils apparaissent dans un galop de flacons brisés et d’armoires grinçantes
Ils disparaissent dans un creux
Nulle selle n’a flétri leur échine et leur croupe luisante reflète le ciel
Ils passent éclaboussant les murs fraîchement recrépis
Et le givre craquant les fruits mûrs les fleurs effeuillées croupissante
le terrain mou des marécages qui se modèlent lentement
Voient passer les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
Les chevaux migrateurs
IX. Avec le cœur du chêne
dans Les Ténèbres 1927
Avec le bois tendre et dur de ces arbres, avec le cœur du chêne
et l’écorce du bouleau combien ferait-on de ciels, combien d’océans,
combien de pantoufles pour les jolis pieds d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Avec le ciel combien ferait-on de regards, combien d’ombres derrière le mur, combien de chemises pour le corps d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Avec les océans combien ferait-on de flammes, combien de reflets
au bord des palais, combien d’arcs-en-ciel
au-dessus de la tête d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Avec les pantoufles combien ferait-on d’étoiles, de chemins dans la nuit, de marques dans la cendre, combien monterait-on d’escaliers
pour rencontrer Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans, avec les pantoufles.
Mais Isabelle la vague, vous m’entendez, n’est qu’une image du rêve
à travers les feuilles vernies de l’arbre de la mort et de l’amour.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Qu’elle vienne jusqu’à moi dire en vain la destinée que je retiens
dans mon poing fermé et qui ne s’envole pas quand j’ouvre la main
et qui s’inscrit en lignes étranges.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Elle pourra mirer son visage et ses cheveux au fond de mon âme et baiser ma bouche.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Elle pourra se dénuder, je marcherai à ses côtés à travers le monde, dans la nuit, pour l’épouvante des veilleurs. Elle pourra me tuer, me piétiner ou mourir à mes pieds.
Car j’en aime une autre plus touchante qu’Isabelle la vague.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel,
avec les océans, avec les pantoufles.
X.
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