Il se détourna d'elle, comme si elle accomplissait une oeuvre mauvaise.

Et, rencogné au mur, il pensait: "Voilà le pire! C'est la fin de tout." Et, soit, qu'il crût que les choses n'étaient plus quand il ne les voyait plus, soit qu'il évitât seulement un pénible spectacle, il prit soin de ne pas regarder du côté de Pauline. Le hasard voulut qu'en allant et venant, elle remarquât l'attitude de Riquet. Cette attitude était triste. Elle la trouva comique et se mit à rire. Et, en riant elle l'appela: "Viens! Riquet, viens!" Mais il ne bougea pas de son coin et ne tourna pas la tête. Il n'avait pas en ce moment le coeur à caresser sa jeune maîtresse et, par un secret instinct, par une sorte de pressentiment, il craignait d'approcher de la malle béante.

Elle l'appela plusieurs fois. Et, comme il ne répondait pas, elle l'alla prendre et le souleva dans ses bras.

"Qu'on est donc malheureux! lui dit−elle ; qu'on est donc à plaindre!" Son ton était ironique. Riquet ne comprenait pas l'ironie. Il restait dans les bras de Pauline inerte et morne, et il affectait de ne rien voir et de ne rien entendre. "Riquet, regarde−moi!" Elle fit trois fois cette objurgation et la fit trois fois en vain. Après quoi, simulant une violente colère: "Stupide animal, disparais", et elle le jeta dans la malle, dont elle renversa le couvercle sur lui. A ce moment sa tante l'ayant appelée, elle sortit de la chambre, laissant Riquet dans la malle.

Il y éprouvait une vive inquiétude. Il était à mille lieues de supposer qu'il avait été mis dans cette malle par simple jeu et par badinage. Estimant que sa situation était assez fâcheuse, il s'efforça de ne point l'aggraver par son imprudence. Et il resta quelques instants immobile, sans souffler. Puis il jugea utile d'explorer sa prison ténébreuse. Il tâta avec ses pattes les japons et les chemises sur lesquels il avait été si misérablement précipité, et il chercha quelque issue pour sortir de ce lieu redoutable. Il s'y appliquait depuis deux ou trois minutes quand M. Bergeret, qui s'apprêtait à sortir, l'appela:

"Viens, Riquet, viens. Nous allons nous promener sur les quais. C'est le vrai pays de gloire. On y a bâti une gare d'une difformité supérieure et d'une laideur éclatante. L'architecture est un art perdu. On démolit la maison qui faisait l'angle de la rue du Bac et qui avait bon air. On la remplacera sans doute par quelque vilaine bâtisse. Puissent du moins nos architectes ne pas introduire sur le quai d'Orsay le style barbare dont ils ont donné, à l'angle de la rue Washington, sur l'avenue des Champs−Élysées, un épouvantable exemple!...