Les oiseaux se taisaient dans les feuilles immobiles. Assis sous un arbre du jardin, j'apercevais dans l'ombre du cabinet de travail le dos de M.

Malorey et ses longs cheveux blancs répandus sur le collet de sa redingote. Il ne bougeait pas, sa main seule faisait de petits mouvements sur une feuille de papier. Il n'y avait à cela rien d'extraordinaire. Il écrivait. Mais ce qui me parut plus étrange...

Eh bien, sont−ils assez longs?

Il s'en faut de quatre doigts, ma bonne Zoé.

Comment, de quatre doigts? Fais−moi voir, Lucien.

Regarde... Ce qui me parut plus étrange, ce fut de voir la cravate de M. Malorey posée sur la barre d'appui de la fenêtre. Le doyen, vaincu du soleil, avait dégagé son cou de la pièce de soie noire qui en faisait trois fois le tour. Et la longue cravate pendait d'un côté et de l'autre de la fenêtre ouverte. Je fus saisi d'une envie irrésistible de la prendre. Je me glissai doucement contre le mur de la maison, j'allongeai le doigt jusqu'à la cravate, je la tirai ; rien ne bougea dans le cabinet ; je la tirai encore ; elle me resta dans la main et j'allai la cacher dans un des grands pots bleus du jardin.

Ce n'était pas une plaisanterie bien spirituelle, mon Lucien.

Non... Je la cachai dans un des grands pots bleus et j'eus soin même de la recouvrir de feuilles et de mousse. M. Malorey travailla longtemps encore dans le cabinet. Je voyais son dos immobile et ses longs cheveux blancs répandus sur le collet de sa redingote. Puis la bonne m'appela pour le déjeuner. En entrant dans la salle à manger, le spectacle le plus inattendu frappa mes regards. Je vis, aux côtés de mon père et de ma mère, monsieur Malorey, grave, tranquille et n'ayant point sa cravate. Il gardait sa noblesse coutumière. Il était presque auguste. Mais il n'avait pas sa cravate. Et c'est cela qui me remplissait de surprise. Je savais qu'il ne pouvait pas l'avoir, puisqu'elle était dans le pot bleu.