Nous l'apprîmes, dit Zoé, qui ourlait des rideaux blancs, nous l'apprîmes parce que notre père la conta un jour devant nous sans s'apercevoir de notre présence.
Et depuis lors, Zoé, tu ne pouvais plus voir M. Malorey sans avoir envie de rire.
Toi aussi tu riais.
Non, Zoé, je n'ai pas ri de cela. Ce qui fait rire les autres hommes ne me fait pas rire, et ce qui me fait rire ne fait pas rire les autres hommes. Je l'ai bien des fois remarqué. Je me donne la comédie dans des endroits où personne ne va l'entendre. Je ris et je m'attriste à rebours, et cela m'a souvent donné l'air d'un imbécile."
M. Bergeret monta à l'échelle pour accrocher une vue du Vésuve, la nuit, pendant une éruption, tableau à l'aquarelle qui lui venait d'un aïeul paternel.
"Mais je ne t'ai pas conté, ma soeur, mes torts a l'égard de M. Malorey."
Mlle Zoé lui dit:
"Lucien, pendant que tu as l'échelle, pose les tringles aux fenêtres, je te prie.
Volontiers répondit M. Bergeret. Nous habitions alors une maisonnette dans un faubourg de Saint−Omer.
Les pitons sont dans la boîte aux clous.
Je les vois... Une maisonnette avec un jardin.
Un très joli jardin, dit Zoé. Il était plein de lilas. Il y avait sur la pelouse un petit jardinier en terre cuite, au fond un labyrinthe et une grotte en rocaille, et sur le mur deux grands pots bleus.
Oui, Zoé, deux grands pots bleus. Un matin, un matin d'été, M. Malorey vint dans notre maison pour consulter des livres qui manquaient à sa bibliothèque et qu'il n'eût point trouvés dans celle de la ville, qui avait péri dans un incendie. Mon père avait mis son cabinet de travail à la disposition de son doyen, et M.
LA CRAVATE
30
Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables Malorey avait accepté cette offre. Il était convenu qu'après avoir conféré ses textes, il déjeunerait chez nous.
Vois donc, Lucien, si les rideaux ne sont pas trop longs.
Volontiers. La chaleur de cette matinée était étouffante.
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