Vous me demandez une histoire de crime : je vous en raconte une. Je ne puis pourtant pas vous donner le mot d’une énigme que je n’ai pu déchiffrer.
Il nous salua et sortit.
Nous nous regardions, assez décontenancés. S’était-il moqué de nous ? Avait-il imaginé ce récit de toutes pièces, pour nous mystifier et nous punir avec esprit de notre insistance quotidienne ?
Les Professionnels
On fait les choses proprement ou l’on se tient tranquille. Quand on a l’honneur d’exercer un métier, on y doit apporter la conscience la plus scrupuleuse.
Le gros Victor et le Flandrin ne s’écartent jamais de ces principes. Ils professent, eux, l’assassinat. Point l’assassinat banal, pourri de fautes, d’inadvertances, d’enfantillages, non. Ils mettent leur orgueil à remplir leur fonction de meurtrier selon les bonnes règles, selon les grands exemples, selon les derniers perfectionnements, selon, surtout, une impitoyable prudence.
Parmi les souvenirs dont ils sont fiers à juste titre, ils racontent complaisamment celui-ci :
Un soir, ils partent en campagne. Ciel sombre. Du vent. Quartier désert. Donc, conditions excellentes.
Ils escaladent un mur. Puis, l’un portant l’autre, ils traversent le jardin. La trace des pas, ainsi, n’indiquera qu’un seul coupable.
Les volets sont fermés. Un ciseau les ébranle. Lentement, sans respirer — la respiration s’entend — ils escaladent la fenêtre, franchissent une pièce, montent l’escalier et s’arrêtent devant la chambre où dort le riche vieillard.
Ils écoutent. Pas un bruit. Une heure leur est nécessaire pour ouvrir la porte. Ils arrivent au lit, allument une lanterne. Le vieux regarde, les yeux désorbités. Victor l’étreint à la gorge et serre.
Cependant, le Flandrin tire de sa poche une cordelette, se hausse sur un fauteuil et la passe dans un crochet du plafond.
Leur besogne s’achève à la même minute. Ils extirpent la victime de son lit, l’habillent, lui entourent le cou de la corde et le pendent.
Le Flandrin a des qualités de copiste. Il s’asseoit au bureau de travail. Des lettres y sont éparses. Il étudie l’écriture et, sur une feuille de papier, trace hardiment : « Qu’on accuse personne de ma mort… »
Quelques chaises ont pu être dérangées. Ils les replacent. Ils examinent leurs vêtements. Aucun bouton ne manque. Puis ils reprennent le même chemin. Et, tous deux, penchés à terre, ils scrutent les tapis, les parquets, le sable du jardin, pour ne laisser aucune marque de leur passage.
Le mur est sauté. Ils regagnent leur domicile.
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