C’était une petite grue de Biarritz… Elle disparut. Il rentra dans son compartiment.

— Je vais bien dormir, cette nuit, songea-t-il. Il se sentait brusquement harassé, les jambes pesantes et douloureuses. Il écarta le store, regarda machinalement la pluie qui ruisselait le long des vitres noires. Les gouttes, pressées, coulaient, se confondaient, agitées par le vent, comme des larmes… Il se déshabilla, se coucha, enfonça profondément son visage dans l’oreiller. Jamais il n’avait ressenti une telle fatigue. Il allongea ses bras avec effort ; ils étaient raides, lourds… La couchette était étroite… plus que d’habitude, semblait-il. Vaguement il pensa : Mal placé, naturellement… ces imbéciles. Il sentait les roues sous son corps qui sautaient à chaque coup, avec un grincement déchirant. Il faisait une chaleur étouffante. Il retourna son coussin une fois, deux fois ; il brûlait. Il le tassa d’un seul coup de poing sous sa tête, avec colère. Quelle chaleur… Il valait mieux baisser la vitre. Mais le vent soufflait en tempête. En une seconde, les papiers sur la table, les journaux s’envolèrent. Il jura, referma, tira le store, éteignit.

L’air était lourd et sentait une odeur de charbon, fade, écœurante, mêlée d’un relent d’eau de toilette. Instinctivement, il s’efforçait de respirer plus profondément, comme pour tenter de faire passer cet air pesant, que les poumons refusaient, rejetaient, qui demeurait dans la gorge, l’obstruait comme on avale de force un aliment que l’estomac malade n’accepte plus… Il toussota. C’était énervant… Surtout, cela empêchait de dormir… « Et je suis tellement fatigué », murmura-t-il, comme s’il se plaignait à quelqu’un d’invisible.

Il se tourna lentement, se mit sur le dos, puis, de nouveau, sur le côté, s’accouda. Il toussa encore une fois, exprès, plus fort, pour se débarrasser de cette sensation de gêne insupportable dans le haut de la poitrine, dans la gorge. Non, cela ne s’en allait pas, au contraire. Il bâilla péniblement, mais les spasmes arrêtaient le bâillement, le transformaient en une suffocation brève et douloureuse. Il tendit le cou, remua les lèvres. Peut-être était-il couché trop bas ? Il atteignit son pardessus, le roula, le glissa sous le coussin, puis se releva, s’assit. C’était pire. Les poumons semblaient s’engorger. Et… c’était étrange… Il avait mal… Oui… mal… dans la poitrine… dans l’épaule… dans la région du cœur… Un frisson subit lui saisit la nuque, le dos. « Qu’est-ce que c’est ? » chuchota-t-il brusquement. À mi-voix, courageusement, il dit : « Non, ce n’est rien, ça va cesser… ce n’est rien…» et il s’aperçut qu’il parlait tout haut, seul. Il s’arcbouta tout entier, dans une furieuse et vaine aspiration. Non, l’air ne passait pas.