Si quelquefois j’ai plaisanté, c’étoit pour répondre aux autres sur leur propre ton; mais je n’ai pas, comme eux, donne des bons-mots pour toute preuve, & je n’ai plaisanté qu’après avoir raisonné. Maintenant que les malheurs & les maux m’ont enfin [xiv] détaché d’un goût qui n’avoit pris sur moi que trop d’empire, je persiste, par le seul amour de la vérité, dans les jugemens que le seul amour de l’Art m’avoit fait porter. Mais, dans un Ouvrage comme celui-ci, consacré à la Musique en général, je n’en connois qu’une, qui d’étant d’aucun pays, est celle de tous; & je n’y suis jamais entré dans la querelle des deux Musiques, que quand il s’est agi d’éclaircir quelque point important au progrès commun. J’ai fait bien des fautes, sans doute; mais je suis assuré que la partialité ne m’en a pas fait commettre une seule. Si elle m’en fait imputer à tort par les Lecteurs, qu’y puis-je faire? Ce sont eux alors qui ne veulent pas que mon Livré leur soit bon.

Si l’on a vu, dans d’autres Ouvrages, quelques articles peu importans qui sont aussi dans celui-ci, ceux qui pourront faire cette remarque, voudront bien se rappeller que, dès l’année 1750, le manuscrit est sorti de mes mains sans que je sache ce qu’il est devenu depuis ce tems-là. Je n’accuse personne d’avoir pris mes articles; mais il n’est pas juste que d’autres m’accusent d’avoir pris les leurs.

A Motiers-Travers le 20 Décembre 1764.

[xv]

AVERTISSEMENT

Quand l’espece grammaticale des mots pouvoit embarrasser quelque Lecteur, on l’a désignée par les abbréviations usitées. V. n. verbe neutre s. m. substantif masculin, &c. On ne s’est pas asservi a cette spécification pour chaque article, parce que ce n’est pas ici un Dictionnaire de Langue. On a pris un soin plus nécessaire pour des mots qui out plusieurs sens, en les distinguant par une lettre majuscule quand ou les prend dans le sens technique, & par une petite lettre quand on les prend dans le sens du discours. Ainsi, ces mots: air & Air, mesure & Mesure, note & Note, tems & Tems, portée & Portée, ne sont jamais équivoques, & le sens en est toujours déterminé par la maniere de les écrire. Quelques autres sont plus embarrassans, comme Ton, qui a dans l’Art deux acceptions toutes différentes. On a pris le parti de l’écrire en italique pour distinguer un intervalle, & en romain pour désigner une Modulation. Au moyen de cette précaution, la phrase suivante, par exemple, n’a plus rien d’équivoque.

«Dans les Tons majeurs, l’Intervalle de la Tonique a la Médiante est compose d’un Ton majeur & d’un Ton mineur.»

[1]

DICTIONNAIRE
DE MUSIQUE.

A

A mi la, A la mi re, ou simplement A, seizieme son de la Gamme diatonique & naturelle; lequel s’appelle autrement la. (Voyez GAMME.)

A battuta. (Voyez MESURE.)

A Livre ouvert, ou A l’ouverture du Livre. (Voyez LIVRE.)

A Tempo. (Voyez MESURE.)

ACADÉMIE de MUSIQUE. C’est ainsi qu’on appelloit autrefois en France, & qu’on appelle encore en Italie, une assemblée de Musiciens ou d’Amateurs, à laquelle les François ont depuis donné le nom de Concert. (Voyez Concert.)

ACADÉMIE ROYALE de MUSIQUE. C’est le titre que porte encore aujourd’hui l’Opéra de Paris. Je ne dirai rien ici de cet établissement célebre, sinon que de toutes les Académies du Royaume & du Monde, c’est assurément celle qui fait le plus de bruit. (Voyez OPERA.)

ACCENT. On appelle ainsi, selon l’acception la plus générale, toute modification de la voix parlante, dans la durée, ou dans le ton des syllabes & des mots dont le [2] discours est composé; ce qui montre un rapport très-exact entre les deux usages des Accens & les deux parties de la Mélodie, savoir le Rhythme & l’Intonation. Accentus, dit le Grammairien Sergius dans Dont, quasi ad cantus. Il y a autant d’Accens différens qu’il y a de manieres de modifier ainsi la voix; & il y a autant de genres d’Accens qu’il y a de causes générales de ces modifications.

On distingue trois de ces genres dans le simple discours; savoir, l’Accent grammatical qui renferme la regle des Accens proprement dits, par lesquels le son des syllabes est grave ou aigu, & celle de la quantité, par laquelle chaque syllabe est breve ou longue: l’Accent logique ou rationel, que plusieurs confondent mal-à-propos avec le précédent; cette seconde sorte d’Accent, indiquant le rapport, la connexion plus ou moins grande que les propositions & les idées ont entr’elles, se marque en partie par la ponctuation enfin l’Accent pathétique ou oratoire, qui, par diverses inflexions de voix, par un ton plus ou moins élevé, par un parler plus vis ou plus lent, exprime les sentimens dont celui qui parle est agité, & les communique à ceux qui l’écoutent. L’étude de ces divers Accens & de leurs effets dans la langue doit être la grande affaire du Musicien, & Denis d’Halicarnasse, regarde avec raison l’Accent en général comme la semence de toute Musique.