La peur, c'est une hanche pure sous un granit ingrat.

 

145. Les menteurs et les rhéteurs perdent leurs manches dans le vent rêche quand les regarde Man Ray.

 

146. Si vous avez des peines de cœur, amoureux, n'ayez plus peur de la Seine.

 

147. A cœur payant un rien vaut cible.

 

148. Plus fait violeur que doux sens.

 

149. Jeux de mots jets mous.

 

150. Aimable souvent est sable mouvant.

L'AUMONYME

(1923)

 

« C'est une fâcheuse aventure : créer le mystère autour de nos amours. Pas si fâcheuse que ça.

 

« Je l'aime, elle roule si vite, la grande automobile blanche. De temps à autre, au tournant des rues, le chauffeur blanc et noir, plus majestueusement qu'un capitaine de frégate, abaisse lentement le bras dans l'espace qui roule, roule, roule si vite, en ondes blanches comme les roues de l'automobile que j'aime.

« Mais le mystère qui se déroule concentriquement autour de ses seins a capturé dans son labyrinthe de macadam taché de larmes la grande automobile blanche qui vogue plutôt qu'elle ne roule en faisant naître autour d'elle dans l'espace les grandes ondes invisibles et concentriques du mystère. La cible aérienne que les hommes traversent sans s'en douter se disloque lentement au gré des amants et la sphère, cerclée de parallèles comme ses seins, crève ainsi qu'un ballon. Dirigeables et ballons, aéroplanes et vapeurs, locomotives et automobiles, tout est mystère dans mon immobile amour pour ses seins. »

Après avoir parlé, je regardai :

 

Le désert qui s'étendait autour de moi était peuplé d'échos qui me mirent cruellement en présence de ma propre image reflétée dans le miroir des mirages. Les femmes qui tenaient ces glaces à main étaient nues, hormis leurs mains qui étaient gantées, leur sein gauche, gainé de taffetas moiré noir à faire hurler mes gencives de volupté, hormis aussi leurs cheveux dissimulés sous une écharpe de fine laine jaune. Quand ces femmes se retournaient je pouvais tout voir de leur dos merveilleux, tout hormis la nuque, la colonne vertébrale et cette partie de la croupe où la cambrure prend naissance, cachées qu'elles étaient par les pans de l'écharpe. Cette nudité partielle et savamment irritante pour moi a-t-elle causé ma folie ? Dites-le-moi, vous dont le mystère est la fin, le but.

Ne vous enfuyez plus, passagères de première classe, quand l'émigrant clandestin, lié à l'hélice pour faire à peu de frais la traversée, vous appelle le soir, à l'heure où, penchées près de la hampe, vous cherchez à identifier vos cheveux, l'ondoiement de l'étendard et les flots. Vos visages et le reflet de vos visages se présentent tour à tour au-dessus et au-dessous de lui : Comment voulez-vous que son imagination, qui gravite au gré de l'hélice, autour de l'arbre d'acier sans racine, ne confonde pas votre réalité et votre image, fruits de l'arbre à hélice, belles passagères érotiquement vêtues, et pourquoi vous enfuir quand vous l'entendez dire dans la nuit, à l'heure où la Croix du Sud et l'Étoile Polaire se heurtent sur le tapis bleu des salles de bridge :

« Elles sont mystère, mystère. Leurs cheveux sont des toiles de mystère... le mystère est leur but, leur fin... leur faim c'est le mystère. Elles ont bu, mais elles ont faim, la fin du mystère est-elle le but de leur faim ? »

 

Pitié pour l'amant des homonymes.

*

21 HEURES LE 26-11-22

En attendant

en nattant l'attente

Sous quelle tente

mes tantes

ont-elles engendré

les neveux silencieux

que nul ne veut sous les cieux

appeler ses cousins ?

En nattant les cheveux du silence

six lances

percent mes pensées en attendant.

*

Notre paire quiète, ô yeux !

que votre « non » soit sang (t'y fier ?)

que votre araignée rie,

que votre vol honteux soit fête (au fait)

sur la terre (commotion).

 

Donnez-nous, aux joues réduites,

notre pain quotidien.

Part, donnez-nous, de nos œufs foncés

comme nous part donnons

à ceux qui nous ont offensés.

Nounou laissez-nous succomber à la tentation

et d'aile ivrez-nous du mal.

*

Exhausser ma pensée

Exaucer ma voix

*

Prisonnier des

{

syllabes

et non des sens

mots

Pris au nier · · · · · · · · · · ?

des cils a bai

{

ser

ssés

haï

Oh ! bais non des sens

mais des FORMES-PRISONS

*

Cataracte des flots cataracte des yeux

aux cheveux roux des roues

feues nos mains, feus nos yeux furent maîtres des feux.

Dans nos vaisseaux battus par un sang sans globule

voguent de grands vaisseaux portant dans des cellules

les grands forçats sanglants qui burent nos cellules.

Au bout du môle blanc les sirènes sont molles.

Sirènes des vapeurs avez-vous vu Méduse aux cheveux de méduse :

Mes pupilles sont devenues ses amoureuses pupilles.

Jetez le lest vers l'est lestes ballons. Volez jusqu'au soleil pour voler quoi ?

La peine des regards, yeux au pène hermétique,

Offre un calme de reines antiques

Coupez les rênes. Laissez-les galoper, les rennes !

Chœur des cœurs. – Le corps des prunelles est le fruit de jouir

Goûtez les prunelles avant de mourir,

Aux arbres des forêts le marbre des forts est.

Cent nageurs ont plongé dans le sang des prunelles

Cent nageurs ont péri du désir des cruelles, sens, nageur le sang des sans-cervelle

Pitié pour le désert où des airs sans pitié sur les aîtres du cœur ont renseigné les hêtres

Cent hiers ont fléchi sur l'herbe des sentiers qu'ont foulés cent aimées en secret de nos êtres

Faire du fer pour panser nos pensées avec la mousse du vin, avec la mousse du vain

Du vin pour les mousses quand souffle la mousson

Et que nous dormons sur la mousse, levain du vin.

Sous quel manteau trouble dérober nos troubles mentaux ?

Je mens aux multiples consciences.

*

Les moules des mers

aux moules des mères

empruntent leur forme d'œil

homme – houle d'aimer.

*

Ail de ton œil,

je t'aime à cause de cela.

*

Nos tâches tachent

tour à tour

les tours

d'alentours.

*

Vers quel verre, œil vert, diriges-tu tes regards

chaussés de vair ?

*

Maître des pals, ô mâle !

le mal ne rend pas ta face plus pâle ;

que les opales fassent naître dans tes malles

des cours d'eau.

Mais ils seront si cours

que les chanteurs des cours,

baissant le dos, perdront le do.

Ah ! cours, maître du mal et du pal.

Il n'y pas de mètre pour mesurer ta vie

{

ton

{

ta

 

{

l'âme sûre de la vie

ni de malle pour mettre

 
 

et la mesure de l'envie.

*

Plutôt se pendre aux pins,

s'éprendre des yeux peints,

que de gagner son pain

où les fleuves vont s'épandre.

*

Mords le mord de la mort Maure silencieux.

Cils ! aux cieux

dérobez nos yeux.

 

Non, nous n'avons pas de nom.

*

Plus que la nuit nue

la femme vient hanter

nos rêves pareils à Antée

antés des désirs renaissants.

 

Nos pères ! C'est parce que vous n'aviez pas les yeux pers.

 

Changez vos cœurs au pair avec les dollars

Change ton cœur, opère sans douleur.

*

J'aime vos cous marqués de coups,

maîtresses des fauves

(mes tresses défaut)

j'aime des desseins, non des seins,

j'aime les dents des dames.

Pis, j'aime les pieds, non les pies non les pis

 

mais l'épée ?

*

Mes chants sont si peu méchants

Ils ne vont pas jusqu'à Longchamp

Ils meurent avant d'atteindre les champs

Où les bœufs s'en vont léchant

des astres

désastres.

*

L'an est si lent.

Abandonnons nos ancres dans l'encre,

 

mes amis.

*

De si haut les eaux tombent-elles sur nos os ?

Voici haut les oiseaux

la voie des tombes : voix os.

*

Un à un

les huns

passent l'Aisne

Nos aines confondent nos haines,

Henri Heine.

Un à un

les huns

deviennent des nains.

Perdez-vous dans l'Ain

et non dans l'Aisne.

 

Hein ?

*

Tant d'or.

 

Passez les patries à l'épreuve du tan

et du temps

et encore des taons.

*

L'art est le dieu lare

des mangeurs de lard

et les phares dévoilent le fard

des courtisanes du Far-West qui s'effarent.

*

Dormir.

Les sommes nocturnes révèlent

la somme des mystères des hommes.

Je vous somme, sommeils,

de m'étonner

et de tonner.

*

BLANC SEING

Hommes mangés aux mythes

Il est trop tard pour soupeser vos tares

aux cinq blancs seins si saints de n'être pas sains

nous sommes soumis

L'appeau ? la peau, peau-pierre

Aimez-vous la paupière des seins ?

Ces pots de peau simulent la pierre blanchie par les flots

Pour mesurer ces seins πr est inutile

Ces pots de lait sont laids je les abandonne aux faiseurs de lais.

Moi j'aime l'épaule de la femme

les pôles de l'affame

et ses reins froids comme les cailloux du Rhin.

(27 novembre 1922)

*

Vingt fois buvez ce vin.

L'or est hors de nos mains

qui demain

palperont les cinq seins

 

d'une femme plus belle que

la qui bêle.

timide

}

à nos portes

humide

on la porte en ville

(la beauté est vile)

civile

 

mille grains de mil

pour les gringalets

 

ricochez sur la vie.

*

Les chats hauts sur les châteaux

d'espoir

Croquent des poires d'angoisse

la nuit

l'ennui

l'âme nuit.

 

Et puis il y a le puits

qui s'enfonce dans la terre

où s'atterrent

les faibles

que brise la brise.

 

Poète venu de Lorient

que dis-tu de l'orient ?

l'or riant.

*

Les mûres sont mûres le long des murs

et des bouches bouchent nos yeux.

Les porcs débarquent dans des ports

d'Amérique

et de nos pores

s'enfuient les désirs.

*

Vos bouches mentent,

vos mensonges sentent la menthe,

Amantes !

 

Cristaux où meurt le Christ

reflétez la froide beauté

de Kristiana.

 

Nos traditions ?

Notre addition !

*

Les ponts s'effondrent tous

au cri du paon qui pond

et les pans de ponts

transforment les rivières.

 

Aux lacs des lacs

meurent les paons

enlisés dans la gomme laque.

*

AUTANT POUR LES GROSSES

Autant pour les crosses, Évêques caducs qui baptisez les

Èves aux aqueducs.

Autant pour les crosses, gens qui associez à l'amour votre aorte.

Flexible. Flexible, ma chère Flexible,

Est-ce ma chair, ma chère, sont-ce des crosses que vous cherchez ?

Autant pour

Autant dire.

Ici c'est Charles Cros.

Jamais plus pour Charles Cros.

*

Dans la paume de vos mains

que font ces pommes ?

Un jour les échos

nous paieront leur écot.

 

Voici l'homme le plus beau, il a un pied bot,

Les hommes sereins s'enrhument sous le serein,

Synonymes assassinonimes au moins,

Sinon mime l'homme au nid (me).

 Gaieté

Joie

 guetter

j'ois

épiler et piller épier

j'entends j'antan

raser racer r'assez

jadis jà dix ? jade Ys

 mare flac

 

 harasser étalonner

autrefois

frôler

 

 fatiguer

autre foi

effleurer et talonner et fatiguer

hérésie errez y (ne vous garez pas !)

 

et Gare Ève où ?

 

Egarez-vous.

*

P'OASIS

Nous sommes les pensées arborescentes qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

– Sœur Anne, ma Sainte Anne, ne vois-tu rien venir... vers Sainte-Anne ?

– Je vois les pensées odorer les mots.

– Nous sommes les mots arborescents qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

De nous naissent les pensées.

– Nous sommes les pensées arborescentes qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

Les mots sont nos esclaves.

– Nous sommes

– Nous sommes

– Nous sommes les lettres arborescentes qui fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

Nous n'avons pas d'esclaves.

– Sœur Anne, ma sœur Anne, que vois-tu venir vers Sainte-Anne ?

– Je vois les Pan C

– Je vois les crânes KC

– Je vois les mains DCD

– Je les M

– Je vois les pensées BC et les femmes ME

et les poumons qui en ont AC de l'RLO

poumons noyés des ponts NMI.

Mais la minute précédente est déjà trop AG.

– Nous sommes les arborescences qui fleurissent sur les déserts des jardins cérébraux.

*

Prenez vos 16

Litanies

n'italie

Inde œuf, un deux, la muscadence

Troie, qu'âtre neuf dans les seins (les siens) sise

les seins, cet étui pour le 9

Troie m'Ilion

zéro

rosée rose si 12

réseau

navigateurs traversez les 2-3

à toute 8-S

11 ondes jusqu'à vos bouches portent l'odeur marine

des 13 fraises

Par nos amours décuplées nous devenons vains

mais 10-20-2-20

En somme, F M R F I J

sommes-nous des cow-boys de l'Arizona dans un laboratoire

ou des cobayes prenant l'horizon pour un labyrinthe ?

*

RROSE SÉLAVY, ETC.

Rose aisselle a vit.

Rr'ose, essaie là, vit.

Rôts et sel à vie.

Rose S, L, have I.

Rosée, c'est la vie.

Rrose scella vît.

Rrose sella vît.

Rrose sait la vie.

Rose, est-ce, hélas, vie ?

Rrose aise héla vît.

Rrose est-ce aile, est-ce elle ?

est celle

AVIS

*

S. E.

E. C.

*

(10 décembre 1923)

*

DIALOGUE

– Rien ne m'intéresse.

– Rie, en aimant, Thérèse.

LANGAGE CUIT

(1923)

VENT NOCTURNE

Sur la mer maritime se perdent les perdus

Les morts meurent en chassant des chasseurs

dansent en rond une ronde

Dieux divins ! Hommes humains !

de mes doigts digitaux je déchire une cervelle

cérébrale.

Quelle angoissante angoisse

Mais les maîtresses maîtrisées ont des cheveux chevelus

Cieux célestes

terre terrestre

mais où est la terre céleste ?

LANGAGE CUIT

I

Ce vieillard encore violet ou orangé ou rose

porte un pantalon en trompe d'éléphant.

 

Mon amour jette-moi ce regard chaud

où se lisent de blancs desseins !

 

Portrait au rallongé de nos âmes

parlerons-nous à cœur fermé et ce cœur

sur le pied ?

Ou jouerons-nous toute la nuit à la main froide ?

LANGAGE CUIT

II

D'une voix noire

d'une voix maigre

m'a séduite

dans la nuit mince

dans le jour des temps.

Se vêtir d'un crêpe de chevelure

la muse aux seins mourants.

 

Et la voix ronde

dit que la voie est esclave.

 

Quelle lumière cuite ce jour-là !

A PRÉSENT

J'aimai avec passion ces longues fleurs qui éclatai-je à mon entrée. Chaque lampe se transfigurai-je en œil crevé d'où coulai-je des vins plus précieux que la nacre et les soupirs des femmes assassinées.

 

Avec frénésie, avec frénésie nos passions naquis-je et le fleuve Amazone lui-même ne bondis-je pas mieux.

Écouté-je moi bien ! Du coffret jaillis-je des océans et non des vins et le ciel s'entr'ouvris-je quand il parus-je.

Le nom du seigneur n'eus-je rien à faire ici.

 

Les belles mourus-je d'amour et les glands, tous les glands tombai-je dans les ruisseaux.

La grande cathédrale se dressai-je jusqu'au bel œil.

L'œil de ma bien-aimée.

Il connus-je des couloirs de chair. Quant aux murs ils se liquéfiai-je et le dernier coup de tonnerre fis-je disparaître de la terre tous les tombeaux.

IDEAL MAITRESSE

Je m'étais attardé ce matin-là à brosser les dents d'un joli animal que, patiemment, j'apprivoise. C'est un caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à l'ordinaire, quelques cigarettes puis je partis.

Dans l'escalier je la rencontrai. « Je mauve » me dit-elle et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi.

Or il serrure et, maîtresse ! Tu pitchpin qu'a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux.

L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche.

Remontons ! mais en vain, les souvenirs se sardine ! à peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez ! En voici le verdict : « La danseuse sera fusillée à l'aube en tenue de danse avec ses bijoux immolés au feu de son corps.