Et bien sûr, je ne suis pas non plus ignifugé. Et, peut-être, qu'il me faudra liquider un dernier fantôme. Et ça me fait une mélancolie, qui serre un peu le cœur. On songe au luxe, aux jardins suspendus. Qui sont un peu pour moi l'image du luxe. Et puis, à la chair. À l'odeur de la chair, qui pince le cœur d'un seul coup. La robe s'ouvre, et monte un parfum tiède, qui fait chavirer. Mais, en même temps, cet autre sentiment que je retrouverai demain. Dans l'intérieur de l'acte. Le corps n'est plus qu'une sorte de moyen, qui n'a pas beaucoup d'importance. Il n'y a pas de drame pour le corps. Je sais bien qu'il n'y a pas de drame pour le corps. Quelquefois, je suis nu et j'ai froid.

Que j'ai donc beaucoup à dire sur la guerre. Non que je voie grand-chose ici. Mais, ici, c'est un point de vue et, comme tous les points de vue, fertile. Un point de vue intérieur. Il me fallait passer par là, mais cet éclairage est mélancolique. Non que tout le soit, mais quelque chose.

D'abord, je suis heureux de toute la part un peu âpre, l'inconfort, le froid, l'humidité, qui permettent les seuls luxes sensibles : le petit poêle rond, qui ronfle si bien, ou mon lit de ferme – j'habite une ferme –, cet édredon qui me paraît l'image même de l'opulence. J'aime, quand je me couche le soir dans mon lit glacé et que, roulé en boule, je fabrique peu à peu ma chaleur et mes songes – et cette rivière de froid, si l'on bouge un pied – . On est bien, au centre du lit, quand on a fondu la neige – et naturellement, ma bronchite est guérie –.

Ensuite, bien sûr, les vols. Je n'ai pas encore dépassé les lignes. Mais, j'ai fait des montées. Et, comme on risque des rencontres, on m'a bien instruit, avant les départs, sur l'usage des mitrailleuses. Je n'ai point le goût du sport. Peut-être y a-t-il un malentendu : j'aime ce qui me force à sortir de moi. Je n'aime pas l'altitude.