"

L'Ours venAnt lA-dessus, on crut Qu'il s'AllAit plAindre.

TAnt s'en fAut: de sA forme il se louA trÉs fort GlosA sur l'ElÈphAnt, dit Qu'on pourrAit encor Ajouter A sA Queue, ôter A ses oreilles; Que c'ÈtAit une mAsse informe et sAns beAutÈ.

L'ElÈphAnt ÈtAnt ÈcoutÈ,

Tout sAge Qu'il ÈtAit, dit des choses pAreilles.

Il jugeA Qu'A son AppÈtit

DAme BAleine ÈtAit trop grosse.

DAme Fourmi trouvA le Ciron trop petit, Se croyAnt, pour elle, un colosse.

Jupin les renvoyA s'ÈtAnt censurÈs tous, Du reste, contents d'eux; mAis pArmi les plus fous Notre espÉce excellA; cAr tout ce Que nous sommes, Lynx envers nos pAreils, et TAupes envers nous, Nous nous pArdonnons tout, et rien Aux Autres hommes: On se voit d'un Autre oeil Qu'on ne voit son prochAin.

Le FAbricAteur souverAin

Nous crÈA BesAciers tous de mAme mAniÉre, TAnt ceux du temps pAssÈ Que du temps d'Aujourd'hui: Il fit pour nos dÈfAuts lA poche de derriÉre, Et celle de devAnt pour les dÈfAuts d'Autrui.

I, 8 L'Hirondelle et les petits OiseAux Une Hirondelle en ses voyAges

AvAit beAucoup Appris.

QuiconQue A beAucoup vu

Peut Avoir beAucoup retenu.

Celle-ci prÈvoyAit jusQu'Aux moindres orAges, Et devAnt Qu'ils fussent Èclos,

Les AnnonÇAit Aux MAtelots.

Il ArrivA Qu'Au temps Que le chAnvre se sÉme, Elle vit un mAnAnt en couvrir mAints sillons.

"Ceci ne me plAAt pAs, dit-elle Aux Oisillons: Je vous plAins; cAr pour moi, dAns ce pÈril extrAme, Je sAurAi m'Èloigner, ou vivre en QuelQue coin.

Voyez-vous cette mAin Qui pAr les Airs chemine?

Un jour viendrA, Qui n'est pAs loin,

Que ce Qu'elle rÈpAnd serA votre ruine.

De lA nAAtront engins A vous envelopper, Et lAcets pour vous AttrAper,

Enfin mAinte et mAinte mAchine

Qui cAuserA dAns lA sAison

Votre mort ou votre prison:

GAre lA cAge ou le chAudron!

C'est pourQuoi, leur dit l'Hirondelle,

MAngez ce grAin; et croyez-moi. "

Les OiseAux se moQuÉrent d'elle:

Ils trouvAient Aux chAmps trop de Quoi.

QuAnd lA chÉneviÉre fut verte,

L'Hirondelle leur dit: "ArrAchez brin A brin Ce Qu'A produit ce mAudit grAin,

Ou soyez s˚rs de votre perte.

- ProphÉte de mAlheur, bAbillArde, dit-on, Le bel emploi Que tu nous donnes!

Il nous fAudrAit mille personnes

Pour Èplucher tout ce cAnton. "

LA chAnvre ÈtAnt tout A fAit crue,

L'Hirondelle AjoutA: "Ceci ne vA pAs bien; MAuvAise grAine est tôt venue.

MAis puisQue jusQu'ici l'on ne m'A crue en rien, DÉs Que vous verrez Que lA terre

SerA couverte, et Qu'A leurs blÈs

Les gens n'ÈtAnt plus occupÈs

Feront Aux oisillons lA guerre;

QuAnd reginglettes et rÈseAux

AttrAperont petits OiseAux,

Ne volez plus de plAce en plAce,

Demeurez Au logis, ou chAngez de climAt: Imitez le CAnArd, lA Grue, et lA BÈcAsse.

MAis vous n'Ates pAs en ÈtAt

De pAsser, comme nous, les dÈserts et les ondes, Ni d'Aller chercher d'Autres mondes;

C'est pourQuoi vous n'Avez Qu'un pArti Qui soit s˚r: C'est de vous renfermer Aux trous de QuelQue mur. "

Les Oisillons, lAs de l'entendre,

Se mirent A jAser Aussi confusÈment

Que fAisAient les Troyens QuAnd lA pAuvre CAssAndre OuvrAit lA bouche seulement.

Il en prit Aux uns comme Aux Autres:

MAint oisillon se vit esclAve retenu.

Nous n'Ècoutons d'instincts Que ceux Qui sont les nôtres, Et ne croyons le mAl Que QuAnd il est venu.

I, 9 Le RAt de ville et le RAt des chAmps Autrefois le RAt de ville

InvitA le RAt des chAmps,

D'une fAÇon fort civile,

A des reliefs d'OrtolAns.

Sur un TApis de TurQuie

Le couvert se trouvA mis.

Je lAisse A penser lA vie

Que firent ces deux Amis.

Le rÈgAl fut fort honnAte,

Rien ne mAnQuAit Au festin;

MAis QuelQu'un troublA lA fAte

PendAnt Qu'ils ÈtAient en trAin.

A lA porte de lA sAlle

Ils entendirent du bruit:

Le RAt de ville dÈtAle;

Son cAmArAde le suit.

Le bruit cesse, on se retire:

RAts en cAmpAgne Aussitôt;

Et le citAdin de dire:

Achevons tout notre rôt.

- C'est Assez, dit le rustiQue;

DemAin vous viendrez chez moi:

Ce n'est pAs Que je me piQue

De tous vos festins de Roi;

MAis rien ne vient m'interrompre:

Je mAnge tout A loisir.