Ça leur laisse le temps d’y penser et deux, trois minutes après, je leur propose : « Tu veux qu’on prenne un bain ? » D’un ton hyper-relax, tu vois ? Si elle répond « Oui », je sais que je la tiens !

Stony jeta l’emballage chiffonné sur le plateau accroché à la portière de la voiture.

— Sauf la fois où la fille s’est vexée parce qu’elle a cru que je voulais dire qu’elle avait besoin d’un bain.

Une Grand Tourisme orange dont le ralenti faisait penser à un dragon asthmatique se gara près d’eux, du côté de Stony. Butler lui pressa le genou : deux filles sur la banquette avant, de jolies blondes aux yeux durs et aux lèvres minces.

Butler se pencha par-dessus le giron de Stony et leur lança :

— Salut ! Ça gaze ?

La conductrice et sa passagère regardaient fixement devant elles.

— Vous voulez prendre un bain ?

Il s’esclaffa et tourna la tête vers Stony, qui le repoussa de son côté de la voiture. La fille au volant dit quelque chose à sa copine. Stony se pencha par la fenêtre, tambourina des doigts sur la portière.

— Vous vous appelez pas Carol, des fois ? demanda-t-il avec un sourire sorti tout droit d’un tube de vaseline. Vous ressemblez à une Carol que je connais. Et votre copine, elle s’appelle pas Carol ?

Pas de réponse. Il haussa les épaules.

Butler passa de nouveau le torse devant Stony et proposa aux filles :

— Une douche, ça vous dit ?

Sentant que c’était foutu, Stony se tordit de rire. La fille côté passager ficha une cigarette dans ses lèvres et à la brève lueur de l’allumette il vit qu’elle avait une peau blanche et lisse, et qu’elle s’épilait les sourcils. Il sentit son entrejambe remuer.

— Vous avez peut-être juste envie de vous rafraîchir ? insista Butler.

Cette fois, Stony ne rit pas. Il voulait la fille aux sourcils épilés. Butler allait ajouter quelque chose quand Stony le repoussa en arrière.

— C’est quoi, le nom de ta copine ? demanda-t-il d’un ton calme mais passionné qui décida la conductrice à se tourner vers lui, à défaut de lui répondre.

— Elle s’appelle Gelia…

Stony et Butler tournèrent tous les deux la tête vers la source de la voix à l’accent jamaïcain. Lentement, la vitre arrière descendit avec un bourdonnement électrique. Le visage noir impassible disparaissait presque derrière des lunettes de soleil à monture métallique et une barbiche poivre et sel.

— … et elle prend trente dollars.

 

— Tu travailles surtout au White Castle ?

Stony s’efforçait d’avoir l’air cool en défaisant sa chemise. Gelia ne répondit pas. Ils étaient dans un motel propre mais sinistre situé en retrait de la grand-route, côté Bronx de la frontière avec Mount Vernon.

Quand la fille ôta son pull à col roulé vert, un téton pâle et rebondi glissa hors du soutien-gorge couleur pêche. Elle n’avait pas regardé Stony une seule fois depuis qu’ils s’étaient mis d’accord sur le prix. Il lorgna la courbe de son ventre et elle ne prit pas la peine de remettre le mamelon en place. Stony rentra le bide et contracta ses biceps. Elle s’en foutait complètement. Elle défit sa jupe écossaise mais garda ses bottes de cuir marron. Stony s’assit sur un fauteuil à bascule en bois pour enlever ses chaussures, fixa le contour sombre des poils pubiens de la fille à travers la dentelle de sa culotte blanche. Lorsqu’elle se retourna pour rabattre le couvre-lit, il s’imagina lui fourrant sa hampe dans le cul. Il suivit du regard la ligne de la colonne vertébrale qui montait vers la nuque sous la peau laiteuse du dos. Il remarqua, le long de la raie, les racines plus sombres de ses cheveux jaunes tombant de part et d’autre de son cou.

Le dos toujours tourné, elle se pencha pour faire glisser sa culotte vers ses chevilles. Stony contempla un moment la courbe de ses fesses. Comme il avait peur de jouir trop vite, il alla s’enfermer dans les toilettes. Il déchira la bande de papier bleu et blanc scellant le rabat de la cuvette, saisit son érection palpitante et entreprit de se masturber. Quand il déchargea, il éprouva un sentiment écrasant de solitude et regretta de ne pas être avec Butler plutôt qu’avec cette pute. Il se dit qu’il aurait mieux fait de se poivrer la gueule avec son pote et de partir draguer dans sa tire. Puis il se rappela que c’était exactement ce qu’ils avaient fait.