Mais faut pas non plus qu’elles se sentent trop en confiance. Les filles aiment bien avoir un petit peu peur, c’est plus excitant pour elles. Comme je disais : de l’ail et du sucre, un peu de chaque.

Quatre clients éclatèrent de rire au comptoir.

— Putains de nègres verts, grommela Chubby. Tu sais quoi ? Les Irlandais, c’est les pires des baiseurs. Ils font le signe de croix avant de décharger.

— Hé, Chub ?

— Les Italiens et les Juifs, c’est les seuls bons queutards. Les bamboulas, ils savent que limer jusqu’à ce qu’ils envoient la sauce.

— Chub…

— Les Grecs sont pas mal si t’arrives à les faire sortir des cuisines avant qu’ils tombent raides d’avoir trop fait la plonge.

— Chub, s’il te plaît…

— Les Teutons, eux, y font ça au son de la musique militaire, et les Polacks ont un prépuce grand comme une tente canadienne…

— Hé, Chub, arrête.

— Hein ?

Stony se mordilla les ongles.

— J’ai quelque chose à te demander. T’as couché avec combien de filles ?

Chubby haussa les épaules, retint un sourire.

— De toute ma vie ?

— De toute ta vie.

— Oh, trois ou quatre.

— Allez, sois sérieux.

Stony prit une paille, la plia.

— Où tu veux en venir, Stones ?

Stony se concentra sur sa paille, inséra une extrémité dans l’autre.

— Euh… quand tu baises une fille, elle jouit à chaque fois ?

— Nan, répondit Chubby, le front plissé.

Un groupe de femmes mûres s’installa dans le box voisin. La serveuse s’approcha, plaisanta et rit avec elles.

Stony fit un octogone avec sa paille.

— Y a quel pourcentage qui jouissent ?

— C’est quoi, cette question ?

— Quel pourcentage ?

Chubby lui prit sa paille.

— Où tu veux en venir ?

Quand la serveuse passa devant eux, il commanda une autre tournée.

Stony récupéra la paille.

— Cheri…

La jeta sur le côté.

— Elle jouit pas ?

— Non, c’est pas ça. Enfin si, elle jouit pas. C’est-à-dire, elle jouit mais pas quand on baise.

La serveuse revint avec les verres, Chubby but le sien pensivement.

— J’ai tout essayé, reprit Stony. Je vais lentement, je vais vite. Je la prends par-derrière, par-devant, par le côté. Rien ne marche.

— Je sais pas quoi te dire. Si ça peut te rassurer, ça fait vingt-trois ans que je suis marié à ta tante Phyllis et je crois qu’elle a joui trois fois. Mais ça sert à rien de se tracasser pour ça.

— Trois fois, répéta Stony, l’air affligé.

— Y a des femmes qui jouissent plusieurs fois de suite, y en a d’autres qui se retrouvent au cimetière sans avoir jamais pris leur pied.

Stony regarda son oncle en louchant.

— Ça te rend pas dingue ?

— Ecoute, une femme peut aimer la baise même sans jouir. Ça fait pas d’elle une gouine. Mais je te le répète, ça sert à rien de se tracasser, faut donner du mou.

— Du mou, c’est ça, ça va m’aider, maugréa Stony. Bon, faut que j’y aille, maintenant, j’ai pris la voiture de Butler. Je dois le reprendre au club. Il se fait tard.

Il se leva. Chubby resta assis et joua avec son paquet de Marlboro, en défit lentement l’enveloppe de cellophane.

— En tout cas, merci du coup de main, dit Stony.

Chubby lui adressa un bref salut militaire.

— Une dernière chose, Stones : évite les Portoricaines, elles ont toutes deux millions de frères et de petits copains. Elles te déchirent le cœur.

 

Stony fut de retour au D’Artagnan vers minuit, retrouva Butler au comptoir où il l’avait laissé, discutant avec Chili Mac.

— Stones, t’as raté une baston d’enfer.

— Ah ouais, fit Stony.

— Comment va Cheri ? demanda Butler avec un sourire narquois.

 

— Je vais te dire un truc, mec, elle peut baiser avec Mott, avec Pot, Snot, Twat et tout le corps des Marines d’ici à la fin des temps, elle trouvera jamais un meilleur coup que moi, et c’est la vérité.

Ils étaient garés au White Castle. Stony engloutit la moitié d’un hamburger et expira par le nez en mâchant. Butler avait cessé d’écouter ses conneries depuis des heures. Il enfonça une paille dans le centre du couvercle en plastique de son jus d’orange et regarda les serveuses d’âge mûr qui trottinaient sur le parking en pantalon bleu roi, haut bleu à manches courtes et petit calot bleu sur la tête. Quelques-unes avaient noué un foulard bleu sous leur calot pour garder leurs oreilles au chaud.

— Ça plairait à ma mère, cette tenue, dit Butler.

— Parce que non seulement je suis un bon coup physiquement, poursuivait Stony, mais je connais aussi toutes les ficelles psychologiques de la baise.

Stony fit une boule de l’emballage du hamburger et la fit rouler entre ses paumes.

— Je sais comment les… les mettre à l’aise, expliqua-t-il en prononçant lentement les mots. Comment les mettre en confiance. Pour qu’elles ne se rendent même pas compte qu’elles sont en train de baiser.

— Tu sais ce que mon vieux a offert à ma vieille pour Noël ? Des socquettes ! Une douzaine de paires de socquettes !

Butler marqua une pause pour souligner l’énormité de la chose, tendit le bras vers ses cigarettes et sa pochette d’allumettes, posées sur la plage avant.

— Et c’est elle qui lui avait demandé.

Du pouce, il plia une allumette vers la bande soufrée de la pochette et la craqua.

— D’abord, je leur sers à boire, poursuivait Stony. Puis je leur mets de la musique, quelque chose de doux. Et on danse.

Il ferma les yeux, balança rêveusement la tête.

— Je frotte même pas, juste un petit coup de reins, peut-être, comme ça… ha !

Les yeux toujours clos, il arqua le dos sur son siège, le pelvis en avant, et roula des hanches.

— Alors, elles commencent à respirer fort et je me rapproche en dansant, sans vraiment frotter, juste assez pour qu’elles sentent mon manche, tu vois ? Pour leur donner un avant-goût.

Butler déballa un hamburger.

— Elles font comme si elles ne sentaient rien mais je vais te dire, Butler, faudrait que tu sois mort pour pas sentir mon machin.

— J’ai aucune envie de sentir ton machin, rétorqua Butler en s’attaquant aux frites.

— De toute façon, je ne fais le coup qu’une fois pendant qu’on danse.